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Stratégie navale

Publié le 14 juillet 2013 par Egea
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Venant de terminer le remarquable "Bréviaire stratégique" d'Hervé Coutau-Bégarie (dont je vous proposerai, un jour prochain, une fiche de lecture forcément élogieuse), j'en tire quelques éléments sur la stratégie "maritime". J'éviterai la distinction entre "navale" et "maritime" pour m'intéresser à ce milieu fluide, dont les caractéristiques ont évolué : il y a ainsi, au cours de l'histoire, des stratégies maritimes, ce qui nous poussera à tirer quelques conclusions.

Stratégie navale
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Pour HCB, il y a une complexification croissante de la stratégie maritime. Au début, elle n'était qu'une simple "guerre sur mer". Puis peu à peu, il a fallu distinguer la maîtrise de la mer et la guerre des communications, sachant que l'immense majorité des théoriciens s'est concentrée sur l'étude de la première. (j'ajoute, au passage, un point qu'HCB suggère mais ne développe pas : la guerre sur mer serait le fait d'acteurs étatiques -flotte de haute mer - quand la seconde serait plutôt celle d'acteurs non étatiques -corsaires-). HCB explique que la première est une stratégie purement militaire, l'autre économique.

Mais sur mer (aussi), la bataille ne décide que rarement (et de moins en moins au cours de l'histoire) de la maîtrise de la mer, qui est l'objectif de Mahan.

Puis le progrès technique (invention du sous-marin, de l'avion et de la radio) ont transformé la mer en un espace "triple" : sous la mer, sur la mer, au dessus de la mer. Le milieu n'est plus homogène, la technique révèle sa dioptrie.

B. Brodie (à la suite d'intuitions de Castex et de Davoluy) distingue le sea control (la maîtrise des mers) et le sea denial (l’interdiction des mers). Celui qui détient la première se place en défensive stratégique puisqu'il a la supériorité. Celui qui pratique la seconde se place en offensive stratégique, pour compenser son infériorité.

Finalement, HCB distingue quatre fonctions : la dissuasion (nucléaire), la maîtrise des mers, la projection de puissance, la présence.

J'ajouterai quelques commentaires.

Tout d'abord, à partir de cette micro citation d'HCB, qui explique que le milieu sous-marin est "opaque" : ceci explique qu'on y place des SNLE. Il reste que quand on discute avec des sous-mariniers, on apprend qu'il y a des zones privilégiées (à opacité renforcée ?) qui font que finalement, tous les sous-marins s'y retrouvent. Sur mer et au-dessus de la me, milieux eux-aussi fluides, il n'y a pas une telle opacité, et les règles stratégiques sont donc différentes (celle "classique" de la stratégie maritime pour le "sur mer", celle de la stratégie aérienne -modulo quelques adaptations - pour l'au-dessus de la mer).

Je vois d'ailleurs dans le milieu sous-marin la vraie similitude avec le cyberespace. Souvent, on compare le milieu marin au milieu cyber au motif qu'ils seraient tous deux fluides. Pourtant, cette caractéristique de fluidité ne suffit pas, et il faut lui adjoindre la caractéristique d'opacité, propre au seul milieu sous-marin, (sous-partie du milieu marin). Dès lors, les modalités se ressemblent :

  • un sous-marin est à l'écoute, et doit distinguer le silence suspect (suspect car silencieux, et suggérant peut-être un objet plus furtif que son environnement) au milieu de fracas des bruits environnants, et notamment du banc de crevettes alentour ;
  • un spécialiste de défense cyber observe l'ensemble du trafic et doit repérer le signal "faible" qui indique un intrus cherchant à s'introduire dans son système.
  • A chaque fois, il s'agit de détecter le micro-bruit qui signale la menace.

Ensuite, je m'interroge sur cette négligence ancienne de la stratégie "économique", c'est-à-dire se concentrant sur les voies de communications. Là encore, la question des routes est plus importantes que le "milieu" que ces routes traversent. L'espace fluide n'est pas utile en tant que tel, ce qui est utile, ce sont les routes qui relient des points remarquables (ce que j'avais signalé dans Introduction à la cyberstratégie). Ou encore : il vaut mieux s'intéresser aux flux qu'au fluide.

Or, le cyberespace n'est pas un espace fluide, c'est un espace de flux, ce qui n'est pas la même chose. Ce qui explique le rôle majeur des "corsaires modernes" que sont les hackers, parfaitement adaptés à cette guerre des flux, par procuration des États.

Et pour revenir au maritime, on s'aperçoit que le plus utile, aujourd'hui, (outre la dissuasion) n'est pas la maîtrise de la mer, mais la projection de puissance et la présence, plus adaptées à cette stratégie "économique", centrée sur les routes.

O. Kempf


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