Capture

Publié le 03 août 2009 par Gregory71

Les pièces du puzzle se mettent en place. Elles sont mobiles, chacune d’entre elles se déplacent par rapport aux autres. Il s’agit d’un système dont le plan d’ensemble fait défaut. Les relations entre les éléments préexistent aux éléments. Cette incertitude n’est pas accidentelle, elle est la tonalité du projet lui-même.

Capture consiste à créer une machine solitaire – mais qu’est-ce donc que la solitude pour une machine? -, machine qui remplirait tous les rôles liés à un groupe de rock allant de la création musicale proprement dites à l’écriture des paroles, à l’enregistrement, la diffusion, les concerts, les produits dérivés et la communication. Il n’y a pas lieu de hiérarchiser entre toutes ces activités. Il n’y a pas une activité centrale, la production musicale, et des activités dérivées, la communication, c’est un ensemble indissociable. On peut considérer le point de départ, faire un groupe de rock, comme un prétexte à un autre questionnement: qu’est-ce qu’une machine? Comment fonctionne-t-elle? Quel sens donner à l’automatisme dans ses développements les plus récents? Quelle relation entre cette solitude machinique et cet autre esseulement, celui des êtres humains en train de percevoir?

L’objectif est finalement d’inventer une machine culturelle produisant sans arrêt, composant des morceaux et écrivant des paroles, les diffusant sur Internet, vivant la vie sociale du réseau, etc. Sans arrêt: il y a de la démesure car si Capture ne cesse jamais alors quand quelqu’un écoute un morceau, un autre est déjà en train de se faire. Nous ne pourrons jamais rattraper la perception de ce que nous propose ce groupe. La culture doit-elle être considérée sous l’angle de l’oeuvre, du travail, de la pièce ou du flux continu qui nous déborde?

Cette machine est solitaire même si elle est hétéronome. En effet elle vient s’inspirer d’éléments extérieurs. Elle se nourrit d’Internet, des sentiments laissés, inscrits sur les blogs et sur les réseaux sociaux. Tout se passe comme si l’imaginaire de la machine étaient nos propres souvenirs des informations. Cette extraction lui permet d’écrire des paroles qui sont ensuite retravaillées par un logiciel comptant les syllabes et les mots. Les titres quand à eux sont conçus grâce à un petit logiciel programmé pour l’occasion mélangeant simplement trois colonnes: un verbe, un adjectif, un nom. On a fait le choix de prendre les 100 plus utilisés en anglais de chacune des catégories. Le résultat est étrangement signifiant:

  • EAT MYSTERIOUS NAIVE BELL
  • Me,
    Starting go her appreciated,
    Something feel die tonight too,
    Feel together away like darned,
    Abit,
    It the finished,
    Work 18 sleep was to,
    Linked,
    Recover past much better because,
    In feeling too sad allowed,
    I’m better kings getting and,
    Used,
    And noise she,
    Know alone remind salad started,
    As,
    To brothers one feel based,
    Feel it better is myselfthe,
    Really ryanspoon than afraid buried,
    Tell,
    Because on marked,
    Both group i’d from you,
    Died,
    Shorter writing friend that mkatrine,
    The alone and posting bed,
    Me feeling built very your weak,
    Rejected,
    I’m but some,
    Just healthy feel smoothly dozed,
    Way head having as feel and,
    Was couldn’t for of that opened,
    Wanted price she have pine the,
    The frustrated,
    It is,
    Improved,
    Bit into,
    Serious darned.

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La musique est composée par Olivier A. Nous n’en sommes qu’au début. L’idée est ici de mêler des structures génératives à d’autres plus écrites et construites, bref de ne pas choisir une école contre une autre, mais simplement de produire des interstices rythmant les morceaux. Nous nous dirigeons non vers des compositions 8bit qui seraient une facilité dans ce contexte, mais vers des compositions plus “propres”, plus “classiques”. La voix est une synthèse vocale chantée. Elle est bien sûr imparfaite mais cette défaillance, qui ressemble à celle de HAL 9000 dans le film de Kubrick, amène une faiblesse inhumaine, une faiblesse qui nous ressemblent mais dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître.

Nous voudrions non pas produire des CD en série comme dans l’industrie musicale survivante, mais faire des exemplaires uniques, des vinyles sans doute que même nous, les prétendus artistes, n’auront pas écouté. Il s’agirait de cela, de ce dépassement de la perception, de cette multiplication insensée promise par la génération qui n’est pas une reproduction industrielle de l’identique mais l’émergence d’individualités: il faudrait que chaque morceau ne soit entendu qu’une fois par une seule personne.

Jade et Sophie travaillent sur le matériel scénique pour les concerts faisant passer des formes 3d sur ordinateur en des volumes cartonnés. Ceux-ci sont fragiles malgré la rationnalité de leur production. L’origami et les formes en tranches nous permettent de passer du numérique à l’analogique en rejetant loin derrière nous le vieux débat entre les deux mondes. Notre monde est tissé des deux, indissociablement, nous le vivons. Pourquoi ont-ils tant de mal à l’accepter, c’est-à-dire à le percevoir?

Emmanuel quant à lui a réalisé un générateur de clips vidéos allant chercher sur Youtube de quoi s’alimenter. Il travaille à présent sur les projections vidéos qui auront lieu durant les concerts, cherchant à les diffuser sur les formes scultpturales mises en place.

Crystelle travaille sur la partie design, logo, livres et tee-shirts, badges et autres produits dérivés. Nous cherchons à utiliser au maximum les services du Web 2.0 en production à la demande (Spreadshirt, Lulu, etc.) qui relèvent exactement de la dynamique de production de Capture: produire indéfiniment des individualités.

Les éléments s’agencent progressivement, nous suivons un fil qui ne prendra forme que quand chaque composant sera réalisé. Nous aimons cette incertitude. Nous ne savons pas ce que cela va donner. Le premier concert devrait avoir lieu à la rentrée à New York.