Après une telle introduction, vous imaginez bien que le sujet de cet article ne va pas être une énième répétition lénifiante de l'importance du mobile pour la banque. En fait, l'argument développé par Coverlet est que la valeur est dans la simplicité et il entreprend de lister un à un 5 obstacles majeurs à l'atteinte de cet idéal dans les grandes organisations qu'il connaît bien. La plupart sont extrêmement pertinents, quelques-uns sont plus discutables, mais tous devraient susciter une remise en question rafraîchissante...
Le constat de départ mérite à lui seul l'attention : afin d'assurer la visibilité de leurs applications dans les différents AppStores mobiles, les banques (comme bien d'autres entreprises) leur ajoutent constamment de nouvelles fonctions, qui rendent leur utilisation de plus en plus complexe. Or, une véritable réflexion sur l'expérience client devrait au contraire focaliser l'attention sur la simplification de l'accès aux services essentiels (souvenons-nous de la recommandation de St Exupéry : "La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer").
Première difficulté dans cette démarche : la recherche de consensus. Le mobile est à la mode et tout le monde a un avis à partager sur le sujet. Dans une entreprise, tous les responsables impliqués de près ou de loin dans la stratégie vont donc vouloir imposer leur point de vue. Dans ce cas, afin de concilier les opinions divergentes, la décision "facile" va être de prendre en compte toutes les suggestions et on aboutira ainsi à un résultat surchargé et incohérent.
La recommandation de Coverlet sur ce point est de confier les décisions à un responsable unique, visionnaire, capable de s'abstraire des pressions superflues de sa hiérarchie. Pour être efficace, il doit cumuler les compétences, en particulier technologiques et sociales, ces dernières lui permettant de laisser croire à ses responsables qu'il reste dans une logique de consensus. En revanche, je pense que le conseil donné de confier ce rôle à un "ingénieur" n'est probablement pas la bonne solution, dans la plupart des cas...
Les mêmes dangers guettent également l'écoute de la "voix du client". Prendre en compte les avis des consommateurs, tellement faciles à collecter dans les AppStores modernes, représente une tentation facile de satisfaire toutes les attentes des utilisateurs. Mais il peut devenir dangereux de répondre aux sollicitations sans discernement. Il est indispensable d'analyser posément les demandes, de les confronter à des résultats d'enquêtes "traditionnelles" (ceux qui s'expriment spontanément ne sont pas nécessairement représentatifs de la majorité) et d'appliquer un peu de bon sens dans leur traitement...
Dans le même registre, Coverlet souligne aussi les excès des AppStores, qui donnent un pouvoir absolu aux consommateurs, sans contrôle possible par les éditeurs d'applications. Si sa suggestion de court-circuiter ces boutiques officielles, en établissant une communauté (indépendante) d'utilisateurs, est justifiée, elle est malheureusement empreinte d'un certain manque de réalisme : les banques, en particulier, sont très mal placées pour réussir ce genre d'exercice. A défaut, je proposerais plutôt de composer avec le diktat des plates-formes et d'en profiter pour améliorer le dialogue avec les clients de manière générale.
Le quatrième point de la démonstration est particulièrement intéressant à explorer : l'ajout de fonctions et l'enrichissement permanent des applications conduit à un besoin croissant d'éducation des utilisateurs que les grandes organisations ne savent pas gérer efficacement. Le constat est indiscutable et aboutit à une multiplication des plaintes auprès des centres d'appel, ce qui nuit à l'objectif initial de transfert des interactions vers les canaux de libre service.
Bien entendu, cet argument est tout à fait recevable pour justifier la simplification de l'offre. Mais il peut aussi être un rappel des principes qui gouvernent le monde numérique moderne : les consommateurs attendent des services qu'ils soient intuitifs et qu'ils puissent être appréhendés immédiatement, sans requérir la moindre explication. En conséquence, les applications mobiles doivent toujours être simples à utiliser, même lorsque les fonctions qu'elles remplissent sont complexes.
Enfin, le dernier point de blocage abordé revient sur les travers de la culture des grandes entreprises (voire de la société en général). Celles-ci établissent (sauf exception, rare) un système dans lequel la valeur des "managers" est mesurée au nombre de collaborateurs qu'ils encadrent et au budget qu'ils gèrent. Or ces indicateurs vont totalement à l'encontre d'une cible de simplification : le responsable va toujours chercher à accroître son "pouvoir" en prenant en charge plus de services et de fonctions.
La solution, et ce sera certainement celle qui sera la plus difficile à mettre en œuvre, sera d'instaurer une nouvelle approche de la mesure de la performance dans l'organisation. Mais, après tout, comment se fait-il que, dans une ambiance générale promouvant la réduction des coûts et l'augmentation de l'efficacité, les managers ne soient pas déjà évalués sur leur capacité à réduire leur budget et leur équipe (tout en mettant en place les mesures nécessaires pour éviter les abus et dérives) ?
En conclusion, aujourd'hui plus que jamais et sur mobile plus qu'ailleurs, "simple is beautiful". Cependant, une fois cette vérité universelle admise, il reste à choisir la meilleure route vers la simplicité. La plus aisée à emprunter consiste à limiter les options incluses dans une application mobile. Ce qui, au passage, ne milite pas nécessairement pour une multitude de titres, remplissant chacune une seule fonction élémentaire, dont la diversité va induire elle-même une complexité.
Avec un peu d'ambition, d'autres pistes mériteraient aussi d'être envisagées pour simplifier l'expérience utilisateur, telles que des services intelligents capables de "comprendre" automatiquement les attentes du client en fonction de son contexte...