A propos de Grisgris de Mahamat Saleh Haroun
Souleymane Démé, Anaïs Monory sans casque
Au Tchad, Grigris, 25 ans, exerce ses talents de danseur dans une boîte de nuit avec la particularité d’avoir une jambe handicapée. Un jour, il rencontre Mimi, une jeune métisse dont il tombe amoureux sans réaliser (ou vouloir admettre) qu’elle est une prostituée. Quand le beau-père de Grigris tombe gravement malade, sans argent pour payer son hospitalisation, Grigris se met à chercher désespérément un second travail, prêt à participer à des trafics nocturnes et clandestins d’essence. Une nuit, Grisgris tente d’extorquer son patron en revendant à son compte une cargaison de pétrole qu’il transport en voiture. Commence alors le début de ses galères…
Dans L’homme qui crie, on s’en souvient, un homme partait à la recherche de son fils, enrôlé par l’armée. Le suspense planait quant au sort de ce dernier.
Dans Grisgris, co-écrit et réalisé par Mahamay Saleh Haroun (L’homme qui crie, 2010), on retrouve les éléments propres au style du cinéaste tchadien : lenteur des plans, solennité des dialogues, importance de l’écoute, de la transmission, etc…
Cette fois, Mahamay Saleh Haroun s’en prend beaucoup moins directement à la corruption et à la déliquescence générale qui gangrènent son pays.
L’intrigue amoureuse, au cœur de Grisgris, se double d’un polar sur fond de trafic de barils de pétrole, ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire de Viva Riva ! de Djo Tunda Wa Munga.
Les scènes d’un réalisme quasi documentaire sur la vie et le quotidien des habitants d’un village tchadien, à très forte majorité musulmane, sont contrebalancées par des plans séquences et des scènes de courses-poursuites beaucoup plus rythmées et enlevées.
Sans raconter toute l’histoire du film, on peut dire que Grisgris, personnage simple et « blédard », sera bientôt pris dans une spirale infernale de mensonge qui le conduira à une impasse ou plutôt à l’obligation de fuir avec sa belle, elle-même en délicatesse avec le parrain local.
Portrait touchant d’un danseur handicapé doué mais un brin naïf et rêveur, Grisgris décrit la cavale d’un couple improbable aux allures de freaks. Deux êtres très différents mais qui se rapprochent par un sentiment de marginalité qu’ils partagent même si concernant Mimi, il s’agit plutôt d’une frustration de ne pas être reconnue comme le mannequin qu’elle voudrait être.
On sent pourtant certaines hésitations dans les parti-pris de la mise en scène. Il y a comme un refus, du moins une retenue chez Mahamat Saleh Haroun de laisser son film partir dans la fable, de lui faire prendre la forme d’un conte. Comme si le réalisateur tchadien, voulant absolument tout maîtriser, contrôler son film de A à Z, ne faisait pas assez confiance à son histoire et à ses personnages, faisant à la fois baigner son film dans une atmosphère d’étrange et d’irréel (on n’ira pas jusqu’à parler de merveilleux) tout en conservant un réalisme qui fige un peu la pellicule parfois. C’est cette incertitude dans les choix de la narration, dans la forme que devraient prendre le film et cette histoire qui dérange le plus. Et lui confère un sentiment d’inabouti.
L’autre hic de ce film, sobrement mis en scène, c’est la direction d’acteurs qui frôle la catastrophe concernant notamment Anaïs Monory, dont on se demande si elle joue naturellement aussi mal (en étant gentils, on dira qu’elle improvise) ou si elle est tout simplement très mal dirigée…
http://www.youtube.com/watch?v=F9xvvDobg_o
Film franco-tchadien de Mahamat Saleh Haroun, Souleymane Démé, Anaïs Monory, Cyril Gueï (01 h 41)
Scénario de Mahamat Saleh Haroun et Jacques Akchoti :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions (chansons du film) de Wasis Diop :