L'Europe frontière de la Turquie ou la Turquie fontière de l'Europe
Contrairement à ce que pense Christophe sur son blog « Mon Tours », mon article sur la Turquie n’est pas motivé par mes voyages dans ce pays mais par la révision constitutionnelle concernant les futures adhésions à l’Europe. C’est une manière plus humaine d’aborder ce sujet.
Oui la Turquie est musulmane et aspire à entrer dans l’Europe. Ce n’est pas une vraiment une nouvelle puisqu’il y a maintenant près de quarante ans que les dirigeants européens ont reconnu (dans l’accord de négociation de 1963) sa « vocation » à devenir candidate à l’adhésion et puisqu’ils ont maintes fois depuis très officiellement confirmé cette invitation.
Il y a une tradition de laïcité dans ce pays cosmopolite qui est bien plus profondément ancré qu’on ne l’imagine. Elle résulte à la fois d’un long processus d’occidentalisation qui a débuté il y a plus d’un siècle et des réformes du régime républicain
La Turquie participe très tôt à la construction européenne. Elle est membre fondateur de l’Organisation européenne de coopération économique (1948) et adhère dès 1949 au Conseil de l’Europe.
Le 11 novembre 1957, le Premier ministre turc présente son programme annonçant que la Turquie entend participer aux initiatives telles que la Communauté économique européenne, appelée à l’époque : Marché commun et souhaite que ces initiatives conduisent à une union politique européenne
Le 31 juillet 1959, la Turquie a présenté sa demande d’association à la CEE. En 1961, lorsqu’une nouvelle Constitution turque est adoptée, un alinéa est rajouté à l’article 65 afin de faciliter l’adhésion de la Turquie à la CEE.
Parallèlement à sa candidature, la Turquie continue à participer à la construction européenne. En particulier, elle est membre fondateur de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.
Le 12 septembre 1963 l’accord d’association entre la Turquie et la Communauté économique européenne est signé (accord d’Ankara). Comme pour la Grèce, et contrairement au Maroc et à la Tunisie, il inclut la perspective d’une adhésion !
Le 6 mars 1995, la Turquie signe avec l’UE un accord d’union douanière, poursuivant le processus d’intégration économique prévu par l’accord d’Ankara.
En 1997, le Conseil européen confirme l’éligibilité de la Turquie à l’Union européenne mais ajoute que les « conditions économiques et politique permettant d’envisager des négociations avec la Turquie ne sont pas réunies ».
Alors bien entendu des progrès doivent être encore poursuivis mais n’oublions pas que ….
La Turquie est impliquée dans l’histoire européenne depuis 400 ans, essentiellement à travers l’Empire ottoman.
Pendant près de 4 siècles, l’Empire ottoman occupa l’Europe balkanique et une partie de l’Europe centrale, ce qui fait qu’aujourd’hui, plus de 40% de la population turque a des origines ethniques européennes et la majorité de la population est de type gréco-anatolien.
Une grande partie de ses représentants considèrent la Turquie comme un Etat européen. En effet, la culture et les valeurs de l’ouest du pays, qui est une parcelle du territoire européenne conquise après la chute de Constantinople, sont proches de celles de l’Europe occidentale. L’Etat turc s’est fortement inspiré de la France et de la Grande Bretagne, depuis le XIXème siècle (première constitution du monde musulman en 1876)
En 2004, dans son rapport de progrès annuel, la Commission Européenne reconnaissait que la Turquie « satisfait suffisamment aux critères politiques de Copenhague » pour décider l’ouverture des négociations d’adhésion (commencées le 3 octobre 2005)
La bombe « VGE » et « Jean Paul II »
Alors président de la Convention chargée de réfléchir à la réforme de l’Union Européenne, VGE déclarait que l’adhésion de la Turquie « ce serait la fin de l’Union Européenne »
Dans le même refrain, Jean Paul II recommandait aux Européens de ne pas oublier dans la future constitution européenne de faire référence à « l’héritage religieux de l’Europe »
Souvenez-vous des polémiques à la référence l’héritage religieux dans ce qui aurait dû être la constitution européenne si la France ne l’avait pas refusé par voie référendaire.
En conclusion
La Turquie a fait beaucoup d’efforts, de nombreux progrès sont encore à faire ….
Le débat est ouvert depuis près de 40 ans sur ce pays charnière de l’Europe et de l’espace arabo-musulman et à l’histoire à la fois européenne et asiatique.
L’ouverture de négociation pour l’entrée de la Turquie dans l’Europe peut être un catalyseur pour ce pays qui travaille depuis des années avec l’Europe.
L’avenir de l’Europe doit être basée sur l’ouverture et la tolérance qui en font déjà sa spécificité. Dans cette optique, si on arrive à faire adhérer la Turquie, ce sera un formidable signal au monde : le signal que l’Europe est capable d’accueillir en son sein un pays musulman et le signal qu’un pays musulman est capable de se moderniser assez pour intégrer l’Europe.