Théâtre Rive Gauche6, rue de la Gaîté75014 ParisTel : 01 43 35 32 31Métro : Edgar Quinet / Montparnasse / Gaîté
Mis en scène par Pascal LégitimusDirection musicale de Xavier LouisLumières de James AngotVidéos de Robert NortikCostumes de Claire DjemahAvec Pascale Costes, Sandrine Montcoudiol, Karine Sérafin, Patrick Laviosa, Xavier Margueritat
Le spectacle : Trois filles et deux garçons que tout pourrait opposer sont amenés à cohabiter de manière totalement improbable dans les couloirs du métro. Au cours de leurs tribulations tour à tour loufoques, émouvantes ou débridées, nos héros malgré eux vont croiser une surprenante galerie de personnages hors du commun. Ils vont aussi se confronter à des situations d’une brûlante actualité… Pour nous faire vivre ces aventures rocambolesques, Cinq de Cœur allie avec originalité le sens du comique à la virtuosité vocale. Revisitant, a cappella, un large répertoire des grands succès de la variété française et internationale, la musique classique, le jazz, ou encore le rap, le quintette nous entraîne dans un spectacle musical détonnant…
Mon avis : Cela fait déjà belle lurette que je suis devenu un inconditionnel de ce quintette qui s’inscrit dans la grande tradition des groupes qui, non contents d’assurer grave vocalement, nous invitent dans leur univers plein de drôlerie et de poésie. Avec Cinq de Cœur, il n’y a pas que nos oreillettes qui sont agréablement irriguées, nos mirettes aussi sont enchantées. Cinq de Cœur a ses déraisons que la raison ignore et c’est tant mieux…
Le quai de métro de la station Bastille. Cinq personnes attendent. Ils ne se connaissent visiblement pas. La rame tarde à venir et chacun commence à s’impatienter. Or, c’est un jour où a lieu, en surface, une importante manifestation qui va avoir une incidence sur le trafic… Le Boléro de Ravel et sa rythmique qui tourne en rond tout en s’amplifiant est le parfait habillage musical pour symboliser leur attente. Pour la meubler, ils n’ont rien d’autre à faire que de faire connaissance. Ces cinq usagers confrontés à la mauvaise surprise de la Bastille sont très différents. Il y a une working girl, une fliquette, une dépressive suicidaire, un provincial à l’accent fleurant bon le Midi et un chanteur ringard… Comme dans toute microsociété, il y a des attirances et des rejets. Les relations, exacerbées par le désagrément, ne sont pas toujours simples. Heureusement, la musique est là pour adoucir les mœurs. Quoi que…
Dans les spectacles de Cinq de Cœur, les chansons sont au service d’une tranche de vie. Elles la ponctuent, la rythment et l’illustrent en fonction de ce que les protagonistes ressentent et vivent. Exactement comme dans la réalité, les chansons expriment les humeurs et les états d’esprit de chacun face aux péripéties de leur mésaventure. Parfois, elles sont interprétées en intégralité, parfois un simple extrait sert à amorcer un dialogue ou à émettre une réflexion. Ils chantent même les musiques d’attente du téléphone. Il y a des chansons qui dérapent, qui se métamorphosent. Il y a des parodies, des détournements… Sur le plan musical, notre quintette s’amuse à visiter tous les registres : l’opéra, l’opérette, le rock, les polyphonies d’Europe centrale, le disco, le negro spiritual, la bossa nova… On a même droit à une tyrolienne !
Grâce à une mise en scène débordante d’inventivité (signée Pascal Légitimus) il se passe toujours quelque chose : bruitages, ombres chinoises, effets spéciaux, scènes d’action au ralenti, jeux vidéo, cascades, burlesque, onirisme, muppet show… Ce spectacle résolument tonique et abondamment chorégraphié, est très, très visuel. Grâce à des projections, on est régulièrement renseigné sur la position géographique de nos naufragés de la rame. Ils quittent « Bastille » pour « Ailleurs », se retrouvent à « Nulle part » avant de réintégrer leur station de départ après un périple souterrain à travers les tunnels du métro. A un moment, le Métronome se transforme en « Métro-Roms », clin d’œil savoureux pour tous les usagers de la RATP…
Et puis, il y a de sacrés morceaux de bravoure comme l’adaptation frénétique et hilarante de I Love Rock’n’Roll(ça en jette !), opéra en italien « francisé », l’interprétation habitée de Motherless Child, la superbe et émouvante version de Piensa En Mi (saluée par des murmures d’approbation), l’hommage à Michael Jackson… Et j’en passe tant ce show, dense et riche, justifie on ne peut mieux le qualificatif de spectacle de variété(s)… Il faut également mettre en exergue l’originalité d’un pré-générique de fin, cordialement vôtre et, liberté de la fiction, la transformation ensoleillée de notre quintette en Cinq de Cœur… de palmier.
Métronome est un spectacle total, inventif et généreux, plein d’énergie et de bonne humeur avec quelques zestes d’émotion. Il est servi par cinq interprètes vocalement hauts de gamme qui savent mettre leur fantaisie au diapason de leur talent.
Gilbert Jouin