Trois dossiers clés attendent Philippe Martin, notre nouveau Ministre de l'Ecologie : la transition écologique, les investissements d'avenir et la fiscalité écologique. Il va devoir faire très rapidement des choix pour enclencher la transition énergétique et la financer avec un budget ministériel en baisse et une part des Investissements d'Avenir beaucoup moins élevée que prévu.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault en étaient-ils venus à penser comme Nicolas Sarkozy que " l'environnement ça commence à bien faire " lorsqu'ils ont décidé de limoger Delphine Batho après sa critique du projet de budget 2014 alloué à l'écologie? Lors de la passation des pouvoirs le mercredi 2 juillet 2013, Philippe Martin , notre nouveau " Ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'Energie ", s'est en tout cas senti obligé de rassurer tous ceux, de tous bords, qui s'inquiètent, et à juste titre, de voir l'écologie malmenée. Car nous en sommes tout de même au troisième ministre de l'écologie en un an. Il a donc tenu à préciser que, pour lui, " transformer de manière écologique notre mode de vie est une exigence absolue ". Et comme il connait bien l'écologie pour avoir mené différents combats sur le terrain contre les gaz de schiste et les OGM notamment, il a ajouté que l'heure était venue de passer au concret. "Les écologistes ont demandé des actes, il faudra qu'il y ait des actes" a-t-il précisé.
De quels actes s'agit-il ? Et quelles seront ses priorités ? " Très vite, je vais m'atteler aux chantiers complexes mais passionnants du ministère : la transition énergétique, la fiscalité écologique et les investissements d'avenir, la préparation de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013, la réforme du code minier et la modernisation du droit de l'environnement, les tarifs de l'énergie, la part du nucléaire, la biodiversité, la politique de l'eau, sont à l'agenda de mes priorités ".
La question de la transition énergétique est en effet un sujet absolument majeur et qui dépasse de très loin le quinquénat, car elle va engager durablement notre avenir. Depuis des mois des auditions d'experts et d'industriels sont organisées par un " Comité de pilotage ". Des réunions et débats ont eu lieu avec le public appelé à se prononcer dans les différentes régions, et la consultation arrive à son terme le 18 juillet 2013 avec l'organisation de la dernière session qui sera consacrée à la discussion, par le " Conseil national du débat national sur la transition énergétique ", du projet de "recommandations" du débat. Et ces recommandations seront remises au Gouvernement lors de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013.
Philippe Martin va donc devoir décider dans seulement deux mois de la future place à accorder aux énergies fossiles (charbon, pétrole...) qui polluent l'environnement et contribuent au changement climatique. Décider de la place à accorder au gaz de schiste dont les écologistes ne veulent pas à cause des risques environnementaux de la fracturation hydraulique notamment pour l'atmosphère et les nappes phréatiques. Décider de la place du nucléaire, dont les écologistes ne veulent pas non plus, à cause des risques mais aussi des coûts du maintien du parc actuel de 58 réacteurs en fonctionnement dans 19 centrales, des coûts des travaux pour sécuriser nos centrales suite à la catastrophe de Fukushima au Japon, des coûts astronomiques de démantèlement des centrales en fin de vie, des coûts de stockage pendant des centaines et des milliers d'années des déchets radioactifs, tout particulièrement des déchets à haute activité et à vie longue...François Hollande avait annoncé pendant sa campagne présidentielle qu'il avait fixé comme objectif un mix énergétique limitant à 50% le part du nucléaire pour produire notre électricité à l'horizon 2025. Le tiendra-t-il ?
Philippe Martin va devoir décider aussi de la place à faire aux énergies renouvelables, énergie par énergie, et décider des moyens financiers et fiscaux pour les développer. De la place à accorder aux économies d'énergie, à la rénovation thermique dans les logements. Des mesures à prendre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, par les industries, les transports, le chauffage... De la place à faire au bio, en relation avec le Ministre de l'Agriculture, pour assurer la transition agro-écologique et limiter la pollution de l'environnement et ses répercussions sur la santé et la biodiversité des espèces animales et végétales....
Il va devoir enfin batailler et résister aux lobbyes pour maintenir l'interdiction des cultures OGM, dont les écologistes ne veulent pas non plus et pour laquelle il s'est toujours prononcé.
Face à ces sujets majeurs le risque est très grand que la crise économique , le chômage, l'endettement de la France... prennent le dessus sur l'écologie. Ce serait pourtant une grave erreur dont nous aurions à payer le prix fort dans les prochaines décennies. Car l'écologie n'est pas le problème, mais la solution de la crise. Nous devons en effet inventer un nouveau modèle de croissance fondé sur les énergies renouvelables et la protection de l'environnement. Il y a dans ces activités un potentiel de développement économique considérable. Philippe Martin affirme en être bien conscient. Il veut ainsi convaincre les Français que " la protection de l'environnement et la transition énergétique joueront un rôle essentiel dans la création d'emplois et de valeur, qu'il s'agisse de rénovation énergétique ou de création de nouvelles filières industrielles plus respectueuses de notre environnement; et qu'il faut transformer de manière écologique notre mode de vie, nos modes de production et de consommation ".
Mais à peine est-il aux commandes que la réalité le rattrape déjà.
Il va hériter d'un budget ministériel 2014 en baisse de 7%. Par ailleurs concernant les tarifs de l'électricité le Gouvernement vient de décider de les augmenter de 5% en août 2013 et de 5% en 2014....Et concernant les investissements d'avenir, malgré l'annonce faite par Jean-Marc Ayrault de consacrer la moitié des 12 milliards d'Euros sur dix ans du nouveau Plan d'Investissement d'Avenir (PIA) pour soutenir la transition écologique, on a bien du mal à s'y retrouver. Ainsi ce PIA n'attribue en réalité qu'un budget direct de 2,3 Md€ pour financer " la transition énergétique, la rénovation thermique et la ville de demain ". Ce budget très réduit justifie donc a posteriori le " coup de gueule " de Delphine Batho qui lui a valu d'être virée du Gouvernement. Le Premier Ministre a cependant précisé que la moitié de l'enveloppe totale du plan d'investissement d'avenir (6 milliards d'euros) influera directement ou indirectement sur l'environnement car "la majorité des financements du nouveau PIA seront soumis à une éco-conditionnalité, et 50% concerneront directement ou indirectement des investissements pour la transition écologique". Mais pourquoi ne pas attribuer directement les 6 milliards promis? Et quels seront les types de projets retenus ? Quels seront les critères d'éco-conditionnalité retenus ?
Il est à craindre que ce flou ne soit pas de bon augure pour l'écologie.
José Vieira