Qui est vraiment Jean-Marc Ayrault aux yeux des Français ? Alors que le Premier ministre stagne dans les eaux basses de la popularité, le baromètre Harris Interactive en partenariat avec Délits d’Opinion est allé interroger nos compatriotes. Les réponses témoignent des difficultés du Premier ministre à s’autonomiser par rapport à François Hollande. Retour sur les propos tenus par les Français.
1. Un Ayrault très discret
« Vague », « absent », « inaudible » « je ne sais pas ce qu’il fait » : pour ces sondés qui ne lui font pas confiance, Ayrault n’existe pas. Trop en retrait de la scène politique, mal connu, il donne le sentiment de ne pas avoir vraiment endossé sa charge: « il ne prend aucune décision, ne s’exprime pas ». Le tempo du Premier ministre semble en décalage par rapport à l’actualité du pays, comme s’il subissait les évènements, jouait à contretemps. Et les thèmes que le Premier ministre tente de s’approprier, comme la question des retraites, ne sont quasiment pas évoqués. Face à ce déficit, la « mollesse » perçue du candidat revient fréquemment, moins liée à des griefs rationnels qu’un enjeu de communication : Ayrault peine à imprimer.
2. L’ombre de Hollande.
Logiquement, alors que Jean-Marc Ayrault ne parvient pas à faire émerger un positionnement autonome, c’est d’abord à travers le prisme de François Hollande que les Français le jugent. Premier ministre indissocié d’un Président mal aimé, Ayrault souffre par extension de la même défiance. « Pour moi, c’est pareil que pour Hollande. », « c’est l’ombre de Hollande » expliquent ces sondés pour le baromètre Harris Interactive – Délits d’Opinion. Les critiques émanent bien sûr des partisans de droite, mais au delà perce aussi une critique plus large envers un Premier ministre qui peine à démontrer sa valeur ajoutée. « Simple exécutant », Jean-Marc Ayrault a t-il une pensée propre, une vision autonome ? « Il applique la politique de François Hollande comme un prof suivrait un programme en cours » explique un sondé, soulignant l’absence de « ligne Ayrault » clairement identifiable.
A noter néanmoins que cette convergence de vue constitue en mineur pour les partisans du Premier ministre un bénéfice appréciable : une parfaite entente entre le Président et le Premier ministre. « Il est en harmonie avec le Président », « il suit bien la politique dictée par le Président » : les soutiens de Jean-Marc Ayrault lui sont grés de conduire avec fidélité l’action de François Hollande et de bien « le seconder », rappelant pour certains au passage l’entente plus précaire entre Nicolas Sarkozy et François Fillon.
3. Un manager contesté
Enfin, cités en mineur, les différents couacs gouvernementaux ont néanmoins laissé des traces malgré une amélioration indiscutable depuis le printemps. Réalisé juste avant l’éviction de Delphine Batho, le baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion révèle encore des doutes face à un chef de gouvernement qui peine parfois à s’imposer : « c’est une cacophonie. Tous les ministres se contredisent », « il ne sait pas manager son équipe ». Reste à savoir si l’éviction de la ministre de l’Ecologie saura restaurer l’autorité perçue du Premier ministre.
Malgré tout, ce constat ne doit pas occulter les atouts d’un Premier ministre qui peut notamment s’appuyer deux forces : une probité reconnue d’une part, et une expérience réussie à Nantes.
5. L’honnêteté de l’homme.
C’est un terme qui revient de façon récurrente parmi ses soutiens : Jean-Marc Ayrault est un homme « honnête ». Egalement jugé « intègre », le Premier ministre semble inspirer confiance à ses soutiens parce qu’il incarne une politique désintéressée et mue par l’intérêt général.
Une honnêteté qui fait office de vertu cardinale pour ces Français qui soupçonnaient hier les hommes politiques de corruption, et semblent aujourd’hui convaincus, à l’aune des dernières actualités, que la classe politique est vérolée.
6. Nantes : l’expérience réussie
Enfin, l’expérience Nantaise de Jean-Marc Ayrault est clairement un atout. « Je l’ai eu comme maire de nombreuses années. Il a beaucoup fait pour la ville » dit ainsi un sondé. « La ville de Nantes semble bien se porter », juge un autre. Ainsi, dans le flot de jugements subjectifs qui reposent davantage sur un ressenti que sur des faits, cet argument fournit un argumentaire qui dépasse les seuls enjeux locaux : celui d’un politique qui a eu la capacité de transformer une ville. Reste à convaincre qu’il peut faire de même pour un pays.
Ainsi, Jean-Marc Ayrault, dont la fidélité sans failles à François Hollande est reconnue, semble menacé du syndrome de clonage. Son rejet est d’abord celui de Hollande. Sa remontée sera également celle du Président.
Dans ce contexte, la rentrée sociale qui s’annonce rugueuse avec la réforme des retraites, constitue un risque et une fenêtre de tir unique. Un risque car Jean-Marc Ayrault parait aujourd’hui bien affaibli pour peser dans les négociations et protéger le Président Hollande. Une chance car une réforme réussie et bien préemptée par le Premier ministre lui permettrait d’exister demain en dehors du seul sacre temporaire conféré par Hollande.