De quoi parle-t-il précisément ? De la taxe sur les transactions financières. L'un des sujets les plus obscurs et flous qui soit depuis une décennie.
Qui en parle ? Pierre Moscovici, devant des banquiers et représentants de la finance. L'image est belle, terrifiante.
Qui nous en parle ? L'excellente Martine Orange, de Mediapart. Elle vise juste mais elle tape trop loin. Elle accuse: "La France enterre la taxe sur les transactions financières".
C'est techniquement et factuellement faux, et il est dommage de gâcher l'autre vraie révélation - le comportement de Moscovici - avec un raccourci aussi caricatural.
Il suffit d'ailleurs de lire l'article jusqu'au bout pour comprendre que l'auteure ne confirme pas que la taxe sur les transactions financières est purement et simplement abandonnée par le gouvernement français.
1. Dans les faits, cette taxe existe déjà en France. Si, si, rappelez-vous. Sarkozy l'a créé. Enfin, presque. Il avait rétabli un impôt de bourse qu'il avait lui-même supprimé. Puis Hollande en a créé une seconde, en août dernier, pour les acheteurs d'actions d'entreprises disposant d'un siège en France. Elle devait rappeler environ 1,6 milliard d'euros en année pleine.
2. En mai, puis octobre 2012, Hollande rappelle qu'il compte bien en avoir une plus large au niveau européen dans le courant de l'année 2013. Une dizaine de pays le soutiennent. Le Royaume Uni créé la sienne. Soyons précis: avec ou sans projet européen, la taxe sur les transactions financières existe sous des formes variées en Europe.
3. Les propos de Pierre Moscovici, ministre des finances, ont été tenus devant des "banquiers, réunis dans le cadre d’un colloque organisé par Europlace, le
lobby financier chargé officiellement de veiller au « rayonnement de la
place de Paris »". Mediapart a totalement raison de balancer l'information. Au passage, doit-on interdire au ministre des finances de rencontrer des banquiers ?
4. Mediapart a totalement tort d'assimiler la prudence d'un ministre notoirement effrayé sur un sujet si complexe comme l'abandon pur et simple du projet lui même. Car Moscovici ne dit pas que le projet de taxe est refusé. Au contraire: "Le travail que je veux mener, c'est un travail d'amélioration de la
proposition de la Commission pour mettre en œuvre une taxe qui ne nuise
pas au financement de l'économie ". Il dit qu'il trouve le projet de la Commission européenne est trop difficile: "La proposition de la Commission, je lui ai fait cette remarque,
m'apparaît excessive et risque d'aboutir au résultat inverse si nous ne
remettons pas les choses dans les rails."
5. Attac a raison quand elle dénonce le risque que la prudence française pourrait "saborder" le projet européen. L'association est d'ailleurs précise à souhait sur les différents points qui font grincer des dents l'équipe de Mosco: taxation à l'origine, taxation des crédits à très court terme, taxation des acheteurs (et pas seulement des vendeurs), etc.
Bref, la véritable information est comment Moscovici justifie son attitude devant des banquiers, et sur quels points. Mais assimiler la chose à l'abandon d'une taxe qui existe déjà en France est assez .... cocasse.
A bon entendeur...