Il y a encore quelques mois, on aurait conseillé de prendre ses précautions sur l’euro (risque d’éclatement de la zone) et d’éviter d’aller visiter les sites de Persépolis (risque de conflit israélo-iranien). Si la probabilité de survenance de ces évènements ne tend pas encore vers zéro, force est de constater que les priorités ont changé depuis quelques mois. Pour faire rapide, on peut regrouper les risques encourus par les investisseurs et les entreprises en deux grandes catégories : ceux ayant trait à une « normalisation » de situations exceptionnelles ; ceux ayant traits à des risques sociaux.
Par « normalisation », nous entendons la correction de situations aberrantes au regard de standards historiques, voire académiques. Deux aberrations sont ainsi susceptibles de se corriger dans les mois ou trimestres à venir, sans que l’on sache précisément la date et l’ampleur du processus. D’où l’inquiétude.
La première normalisation est le retour des politiques monétaires à des pratiques plus orthodoxes. Concrètement, cela signifie arrêt de l’inondation mondiale de liquidités par les grandes banques centrales et retour des taux d’intérêt à long terme à des niveaux réels rémunérant correctement le temps et le risque. Les récents propos du Président de la Fed, laissant entendre que le sevrage pourrait commencer plus tôt qu’attendu, ont semé une certaine panique sur les marchés mondiaux, entraînant une forte hausse des taux longs et des corrections boursières en juin. Tous les investisseurs se sont vus dans la situation de danseurs attendant que la musique s’arrête alors qu’il n’y avait pas assez de chaises pour tout le monde.
La seconde normalisation concerne la Chine, dont on se rend chaque jour davantage compte que le temps de la croissance à 10% est terminé et que la nouvelle cible des autorités est sans doute plus proche de 6% que de 8%. Le risque est alors que les paris d’investissements (réels) faits dans la perspective d’une forte croissance soient pris en défaut, entraînant une cascade de faillites d’entreprises et de banques. Rappelons que l’investissement ne représente pas loin de 50% du PIB chinois et que le développement du « shadow banking » a encore plus fragilisé une sphère financière déjà gorgée de créances douteuses.
La deuxième catégorie de risques concerne les mouvements sociaux qui se multiplient aux quatre coins de la planète. Aux tensions anciennes dans le sud de l’Europe, se sont ajoutées, ces derniers mois, de brutales éruptions dans les pays émergents. Il faut aussi distinguer les guerres civiles avérées ou menaçantes dans les pays arabes (Syrie, Egypte, Bahrëin), des mouvements de contestation dans de grands émergents démocratiques (Turquie, Brésil). Les racines de ces crises sociales sont diverses, mais les facteurs économiques y ont une place importante : pauvreté, corruption, aggravation des inégalités sociales etc. poussent les peuples au désespoir ou à se rebeller.
Pour autant, de même qu’il existe une « face sombre » dans toute réussite, il existe une « face claire » derrière tous ces dangers. La « normalisation » américaine est ainsi le signe d’une sortie progressive de la plus grave crise financière depuis 1929 et d’un assainissement des marchés immobiliers et donc des comptes des ménages américains. La « normalisation » chinoise est aussi un signe annonciateur d’un rééquilibrage du modèle de croissance reposant moins sur les exportations et plus sur la consommation interne. Quant aux mouvements sociaux des grands émergents (il est difficile de trouver une « face claire » aux guerres civiles arabes), ils sont le signe de l’irruption sur la scène de l’Histoire d’une classe moyenne aspirant aux canons de la société de consommation occidentale.
Pour les investisseurs, comme pour les entreprises, l’été 2013 impose donc de prendre ses précautions avant de partir en vacances, tant les accidents potentiels sont nombreux (krachs obligataires américains, crise bancaire chinoise etc.). Mais il faudra bien avoir à l’esprit, à la rentrée, que le monde reste riche de potentialités à saisir et que la réorientation de la croissance mondiale vers les biens de consommation, pourrait, pour une fois, nous profiter. Bon été !