L’Assemblée nationale a adopté mardi 9 juillet (300 voix contre 228) les deux projets de loi qui visent à interdire le cumul de certains mandats. La modernisation de la vie publique a réalisé un petit score pour un projet qui aurait mérité de caresser l'unanimité. Cette promesse de François Hollande a peiné à convaincre l’ensemble des députés qui soutiennent le gouvernement et qui ont été élus en se réclamant du programme du président. Il s’agit d’une réforme nécessaire à la démocratie mais qui se révèle imparfaite. Il faudra continuer à en parler. Le mandat unique reste une utopie citoyenne que les représentants élus n’ont ni évoquée ni retenue. Il sera toujours possible de garder son rond de serviette au Palais Bourbon ou au Sénat puisque l’amendement limitant à trois le nombre de mandats successifs d’un parlementaire a été repoussé à l’initiative du gouvernement. Les députés se sont sans doute appliqués à eux-mêmes l’argument de l’allongement de la vie durée de vie qui permet de retoucher tous les deux/trois ans la législation des retraites. Pourquoi un parlementaire ne travaillerait pas plus longtemps se sont dit, in peto, les récalcitrants ?
Les élus bourguignons ont des idées sur la question de l'accumulation des mandats. Et ils ont envie de les diffuser. François Rebsamen, maire-sénateur a choisi Le Figaro (12 juin 2013) pour rappeler combien le cumul est profitable à la démocratie locale tout en affirmant que le moment venu, il choisirait d’être maire en priorité. « Je serai candidat au renouvellement de mon mandat de maire de plein exercice. Je considère qu’il n’est pas anormal qu’on puisse être sénateur et maire ». Celui que France 3 Bourgogne a qualifié « de roi du cumul » http://bourgogne.france3.fr/2013/02/08/francois-rebsamen-l-un-des-rois-du-cumul-196291.html en affichant au compteur « 3 mandats et 15 fonctions » se verrait bien en chef de la tribu des 267 sénateurs (sur 348) titulaires d’un mandat parlementaire et d’un mandat d’exécutif local pour faire vivre cette petite exception de la culture politique française.. C’est une idée que le maire de Dijon défend avec un brin d’humour bravache un peu résigné mais avec le talent de l’obstination. Le cumul doit être clairement expliqué aux Français ainsi que cela est rappelé dans un entretien donné au journal Le Monde (04/09/2012) où l’élu pense lutter contre la démagogie en ayant « bien conscience d’être à contre-courant de l’opinion ». Une étude dirigée par le politologue Laurent Bach, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris montre que la France est de très loin, le pays d’Europe au plus fort taux de cumul des mandats.
Le cas bourguignon est un cas éclairant à regarder dans les détails. Le Bien Public (16/09/2012) rapporte les coulisses de la démission du député PS Laurent Grandguillaume, décidemment sur la bonne voie de la démocratie citoyenne élu député en juin 2012, de l’exécutif du conseil municipal de Dijon. Le quotidien dijonnais à cette occasion rappelle avec points de suspension insolents en fin d’article que le cumul ne concerne pas seulement les mandats électifs mais aussi les postes non soumis au suffrage universel tels que président d’un OPAC. Les élus socialistes bourguignons portent haut et fort la défense de leur identité cumularde. Le Bien Public, dans sa page potins certifiés sincères et authentiques nommée Ne le répétez pas, fait état d’une confidence publique de François Patriat, sénateur-président de région, au cours d’une session de l’assemblée territoriale (01/07/2012) : « Mon successeur ? C’est moi-même ! ». Le quotidien dijonnais ajoute que le président a précisé : « Elle, [Martine Aubry] n’a que me virer du parti. Je serai encore mieux élu la prochaine fois ». La thésaurisation des mandats est « une source d’efficacité », insiste le président de l’exécutif bourguignon dans un entretien donné au Bien public (31/08/2012). Il ne maque pas de préciser qu’il faut distinguer le cumul des mandats de celui des indemnités qui sont en fait plafonnées : « Le sénateur et président du conseil régional que je suis perçoit 5 693 euros du sénat et 2 176 euros de la région (Ndlr : dont les impôts, pour la part régionale, sont prélevés à la source) », détaille-t-il. L’internaute mesquin fera lui-même le calcul. http://www.bienpublic.com/cote-d-or/2012/08/31/francois-patriat-est-favorable-au-cumul-des-mandats-pas-des-indemnites-une-source-d-efficacite en se rappelant que cet écrêtement ne concerne pas les fonctions liées à l’intercommunalité ou exercées dans un syndicat mixte. Cela est rappelé avec perversité par les médias et curieusement très peu mentionné par les élus. Une amnésie à mettre sans soute sur le compte du surmenage issu du cumul.
Le texte va aller au Sénat. François Patriat a prévenu : « Le projet de non cumul des mandats ne passera pas au Sénat ». (AFP, 15/01/2013). Affaire de temps, les navettes feront leur office. La mise en application sera pour 2017. Les scrutins municipaux et européens de 2014 se joueront à l’ancienne. Il faut du temps pour digérer une réforme. C’est ce que pense Christian Jacob, président du groupe UMP, pour qui la loi mettant fin au cumul des mandats « détricote les institutions de la Ve République ». On comprend qu’il craigne alors de prendre une veste.