Je suis tranquillement dans le RER. Les mains posées sur mon sac, je réfléchis.
J’ai chaud, j’ai hâte d’arriver à ma station pour sortir. Un groupe d’Italiennes arrivent dans le wagon.
Deux s’installent dans les sièges en face de moi. Une autre s’assoit sur le carré à côté. Elles parlent entre elles.
Elles parlent longuement avec animation, pas beaucoup d’interruption dans leurs échanges. Puis ce débit de paroles diminue. Celle qui est assise à côté, a le nez en l’air. Elle regarde ensuite en bas puis devant elle en diagonale. A ce moment là, elle bloque sur mes mains posées sur mon sac.
Elle ouvre grand les yeux, semble dubitative, glisse son regard sur le côté. Puis. A nouveau, elle regarde mes mains. Rebelote quelques secondes plus tard, elle dirige ses yeux ailleurs et hop, elle revient sur moi. Plusieurs fois et avec de plus en plus d’insistance. Du coup, je la regarde dans les yeux. Elle finit par baisser le regard.
Je regarde ailleurs, mais je surprends encore son regard inquisiteur sur mes mains. En ce moment, j’ai les mains dans un état pas très follichon, les doigts sont tout abîmés. Ma peau se desquame, de mes paumes aux phalanges. Je n’ai pas mal, j’ai juste la peau ultra rêche et très inesthétique. Après visite chez la doc, il s’avère qu’un champignon a décidé d’y élire domicile (glamour hein). Et donc en attendant que le traitement éradique un peu tout ça, je patiente. La chaleur et mon stress du moment seraient aussi des facteurs importants par rapport à cette peau qui se barre.
Donc depuis plusieurs jours, je dois expérimenter le regard troublé de certains inconnus sur mes mains. Au début, j’avais envie de cacher mes mains, j’avais presque honte de mes mains ultra abîmées. Voir le regard dérangé des gens avec leurs interrogations, se demandant peut-être comment j’avais eu ça, si c’était contagieux etc. Et puis bizarrement, je m’y suis habituée, c’est comme ça me suis-je dis, ça va partir progressivement, c’est pas très joli, joli, mais est ce que je dois planquer mes mains parce que ça dérange autrui. Est ce que le regard des autres doit m’importer tellement que je dois les dissimuler honteusement. Et puis si les gens sont si intrigués, ils ne sont pas obligés d’être aussi indiscrets en zieutant.
Non et Non et Merde !!!!
Alors je compose avec cette soudaine expression de ma peau qui fait sa mue et je pense déjà à cette peau neuve, cette peau renouvelée qui se pointe déjà. Je compose avec ce regard, je ne baisse pas les yeux, je soutiens, je souris même. Même si je le juge négatif, je ne peux pas intervenir dessus alors à quoi bon me faire honte. Et puis je compose aussi avec mon regard, le mien, le plus sévère, le plus dur, le plus troublé par ce qui se passe, mais qui a tendance à s’adoucir.
S’adoucir.
Enfin.