En France, les manifs les plus importantes sont venues des mouvements catholiques contre le mariage gay, bien loin de ce qui préoccupe généralement les citoyens des autres pays du monde actuellement.
Article de Philippe Mercure - La Presse
Il y a eu le Printemps arabe, le mouvement Occupy et les indignés espagnols en 2011. Puis les carrés rouges au Québec et les manifs contre les mesures d'austérité en Grèce et ailleurs en Europe en 2012.
Égypte
L'expression «coup d'État démocratique» a-t-elle un sens? C'est la question que se pose le monde entier depuis que l'armée a renversé le gouvernement élu de Mohamed Morsi en Égypte. Déclenchée par des soulèvements populaires alimentés par le piètre bilan du président, cette prise de pouvoir divise profondément la société égyptienne. Bien malin qui peut prédire la suite des choses.
Brésil
Des manifestations localisées contre une hausse des tarifs d'autobus ont conduit aux plus importantes protestations en 20 ans au Brésil, amenant plus de 1 million de personnes dans les rues. La tenue prochaine de la Coupe du monde de soccer a canalisé la colère, les manifestants revendiquant des services publics fonctionnels plutôt que des stades.
Turquie
Le projet de raser un parc d'Istanbul pour ériger un centre commercial a mis le feu aux poudres dans une population excédée par un gouvernement jugé «islamisant» et trop conservateur. Les affrontements entre manifestants et policiers ont fait au moins quatre morts et des milliers de blessés depuis la fin du mois de mai.
Bulgarie
La nomination d'un homme d'affaires controversé, Delyan Peevksi, à un poste politique a soulevé la colère des citoyens, qui sont descendus dans les rues de Sofia le 14 juin dernier. L'annulation de la nomination n'a pas calmé le jeu, les protestataires réclamant aujourd'hui la tête du gouvernement socialiste élu en mai dernier.
Hong Kong
Des dizaines de milliers de Hongkongais ont défié les pluies torrentielles et la menace d'un typhon lundi dernier pour dénoncer l'interventionnisme de Pékin à Hong Kong, 16 ans après la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine. Les protestataires ont réclamé la démission du chef de l'exécutif de Hong Kong, Leung Chun-ying.
Chili
Ce pays en plein boom qui affiche le niveau de vie le plus élevé de l'Amérique latine a été l'objet de violentes manifestations étudiantes entre 2010 et 2012. Les protestations ont repris de plus belle cette semaine à la veille des prochaines élections, les manifestants s'en prenant directement aux candidats.
Les protestations se multiplient dans le monde
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Guilherme Manhaes est le genre de citoyen dont personne n'avait vu venir la colère. À 28 ans, cet avocat de Rio de Janeiro fait partie de la classe moyenne qui émerge à toute vitesse au Brésil - un pays qui a connu l'une des croissances économiques les plus fulgurantes du globe au cours des 10 dernières années.
Mais M. Manhaes n'a pas passé les dernières semaines à porter des toasts à la nouvelle influence de sa nation sur les marchés mondiaux.
«Avec ma femme, je suis dans les rues de Rio, a-t-il expliqué à La Presse. On manifeste contre la mauvaise qualité des services publics et la collusion. Il y a beaucoup de problèmes au Brésil, malheureusement.»
Comme lui, 1 million de Brésiliens ont pris la rue au mois de juin, déclenchant le plus important mouvement de protestation des 20 dernières années dans le pays.
Mais la situation ne touche pas que le Brésil. En Turquie, à Hong Kong, au Chili, en Bulgarie, en Indonésie, les citoyens sont aussi descendus en masse dans les rues récemment, prenant souvent leur gouvernement par surprise.
Que se passe-t-il? Selon Moises Naim, associé à la Fondation Carnegie pour la paix internationale et auteur du livre The End of Power, la presque totalité de ces mouvements de protestation découle d'un phénomène qu'on n'a pas tendance à associer d'emblée aux troubles sociaux: le succès.
«Regardez les pays où les citoyens protestent, dit-il. Ce sont presque tous des pays qui ont connu de très fortes performances économiques au cours de la dernière décennie. Des pays qui ont été très efficaces à sortir les gens de la pauvreté, à faire croître leur classe moyenne, à fournir davantage d'éducation aux jeunes.»
Tout n'est pas parfait dans les pays concernés, loin de là. Mais pourquoi protester quand les choses bougent ?
«Parce que le succès nourrit les attentes, répond M. Naim. Et les attentes de la population grandissent toujours beaucoup plus rapidement que la capacité des gouvernements à y répondre.»
Les soulèvements actuels sont donc très différents de ceux du Printemps arabe, qui avaient fait tomber des dictatures. Cette fois, note M. Naim, c'est surtout la classe moyenne de pays démocratiques qui monte au front. Pas nécessairement pour mettre fin à une impasse, mais pour réclamer davantage de possibilités.
Si les mouvements de protestation sont très efficaces à déstabiliser les gouvernements, M. Naim les juge cependant très mauvais à apporter des solutions et à gouverner eux-mêmes. Dans une analyse publiée dans The Guardian, le journaliste et auteur Seumas Milne note d'ailleurs qu'en l'absence de structure et de programme politique clair, les mouvements de protestation auxquels on assiste sont voués à n'être que des feux de paille ou, pire, à être détournés par d'autres groupes plus organisés.
«L'un des problèmes est que les partis politiques ont fait un travail atroce au cours des 20 dernières années pour attirer les jeunes et ceux qui veulent changer le monde, dit Moises Naim. Les activistes et idéalistes se retrouvent donc dans des organisations non gouvernementales et d'autres mouvements qui ne peuvent prendre le pouvoir.»
Que se passera-t-il dans les pays concernés? D'autres suivront-ils la vague?
«Personne n'avait anticipé le début de ces protestations et il est tout autant impossible de prédire comment et quand elles cesseront, dit M. Naim. Mais ce qui est clair, c'est que le climat politique des pays touchés a radicalement changé. Et que d'autres pays vont suivre - ça, j'en suis convaincu.»
Source : Philippe Mercure - La Presse