Ludovic Vigogne : « Sarkozy a envie d’un retour mais l’histoire n’est pas écrite »

Publié le 10 juillet 2013 par Délis

Celui qui avait juré quitter la vie politique il y a tout juste un an semble sur le point de remettre le bleu de chauffe. Réintroduit dans le jeu politique suite aux problèmes liés  à la gestion des comptes de campagne de l’UMP lors de la dernière élection présidentielle, Nicolas Sarkozy semble plus près que jamais d’un retour . A mi-chemin entre la série télé et le film de science-fiction, ce nouveau chapitre de l’histoire de la droite française méritait un coup de projecteur. Pour mieux décrypter la situation et les attentes de l’opinion, Ludovic Vigogne revient sur ce « renoncement au renoncement ».

Délits d’Opinion : Nicolas Sarkozy semble plus que jamais la seule véritable alternative à droite selon le dernier sondage CSA pour Atlantico. Son retour est-il devenu inéluctable alors que 59% des Français y sont opposés (Ifop)?

Ludovic Vigogne : « Il est clair que Nicolas Sarkozy reste, aux yeux des sympathisants de droite, le champion que tous attendent. Ce constat est vérifié depuis plusieurs mois. Les sympathisants de droite ne se sont jamais démobilisés depuis la présidentielle et attendent son retour. Les récents événements de la semaine devraient confirmer ce phénomène, sans l’accentuer.

On ne retrouve pas en revanche ce désir de retour chez l’ensemble des Français. Au minimum ils souhaitent que sa mise en retrait se prolonge sans le condamner pour l’avenir ; au maximum, ils ne veulent pas du tout le voir revenir. Lors de la séquence qui vient de s’écouler, ce n’est pas à eux que l’ancien président s’est adressé. En effet, sa cible prioritaire était avant tout sa famille politique et ses fidèles soutiens. Ce sont d’abord eux qu’il cherchait à solliciter pour des dons. C’est aussi à eux qu’il voulait montrer qu’il faudrait compter avec lui pour 2017.

Malgré l’emballement que l’on vient de vivre, il ne faut pas considérer son retour comme inéluctable. Il est certain que Nicolas Sarkozy le souhaite. Il l’envisage de manière progressive. Mais l’histoire n’est pas écrite. Il reste beaucoup d’incertitudes avant d’envisager son éventuel retour au premier plan. En revanche, le choix du moment, où il vient de dévoiler son appétit pur 2017, n’est pas du au hasard. Sarkozy mesure en effet l’indépendance croissante de certains de ses anciens lieutenants qui visent désormais la primaire de 2016, même s’il souhaite y aller. Il voit que de plus en plus de parlementaires tournent la page Sarkozy et se choisissent un autre candidat. Prendre la parole c’était un moyen pour lui de couper l’herbe sous le pied à Fillon, Bertrand, Le Maire….et de déstabiliser des écuries pré-présidentielles encore en construction.»

Délits d’Opinion : Politiquement, où se positionnerait le « nouveau Sarkozy » entre les Fillon, Juppé, Bertrand et Copé ?

Ludovic Vigogne : « Il est évidemment trop tôt pour dire ce que sera le nouveau Sarkozy, comme il le promet déjà à ses interlocuteurs. Cependant, de son discours de lundi au siège de l’UMP, on retiendra une tonalité légèrement plus « 2007 » que « 2012 » ; autrement dit une ligne « Buisson » moins clairement exprimée qu’il y a un an. On retiendra sa volonté d’ouverture, son engagement pro-européen, son choix de se qualifier comme n’étant pas conservateur. A beaucoup de ses visiteurs, il explique que selon lui le clivage gauche/droite est dépassé. »

Délits d’Opinion : Le « désir de Sarkozy » exprimé à droite est-il aussi un appel pour mieux faire barrage au FN au printemps 2014 ?

Ludovic Vigogne : « Avant toute chose il faut garder en tête que malgré les excellents scores de popularité de Marine Le Pen, les progrès constatés au niveau des thématiques d’extrême-droite et les bons scores des dernières élections partielles, le FN ne devrait pas emporter de nombreuses villes en 2014, voire aucune. Le mode de scrutin ne leur permet quasiment nulle part d’y arriver seul. La règle du jeu électoral ne permettra pas une vague bleu marine. Quant aux tentations de certains à droite vis-à-vis du FN dont on parle tant, il faut se souvenir qu’on les avait déjà évoqué avant les législatives de 2012 et qu’elles ne se sont quasiment nulle part vérifiées. La frontière a été maintenue entre les deux partis. Elle devrait très largement l’être pour les municipales. Dans la tête des leaders de droite, la question est davantage celle des élections européennes, où le FN pourrait faire un score proche de celui de l’UMP, voire le dépasser.

Pour Nicolas Sarkozy la présence du FN dans le débat à droite sera évidemment un élément clef qu’il devra prendre en compte. A ce sujet, on retiendra que son discours de lundi, il n’y a pas fait mention et que l’ancien Président a même pris soin de se différencier de la « droite décomplexée » de Jean-François Copé . Il a confirmé ainsi qu’il était possible d’envisager des changements non négligeables dans son positionnement politique de demain, lorsque l’on se souvient que dans l’entre deux de tour de la présidentielle de 2012, il s’est livré, sous l’impulsion de Patrick Buisson, à une opération-séduction jamais vue à l’égard des électeurs de Marine Le Pen. »