My Dark Angel – Chapitre 27

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete
Angel

La lumière crue du jour qui inondait la chambre m’arracha à contrecœur à un sommeil réparateur et sans cauchemar. La matinée semblait déjà bien avancée pourtant j’eus la surprise de le sentir encore prêt de moi. Lui d’habitude si matinal était resté à mes côtés, les yeux clos et la respiration régulière d’un homme qui dormait paisiblement. C’était en tout cas l’image qu’il offrait. Je n’étais pas certaine qu’il soit réellement assoupi. Je n’étais même pas certaine que les vampires aient besoin de dormir. Dans le doute, je restai immobile, le visage tourné vers le sien. Je voulais me repaître de ce moment trop rare où il paraissait presque vulnérable, où il s’abandonnait sans revêtir cette apparence dure et froide derrière laquelle il se retranchait lorsqu’il se sentait à découvert ou quand je le poussais dans ses retranchements.

 Je suivais du regard la ligne brutale de sa mâchoire, celle fine de ses lèvres en me demandant quel âge il pouvait finalement bien avoir lorsqu’il avait été transformé. En dehors des faits bruts de son histoire, je ne savais tout compte fait que peu de choses sur lui. Quels avaient été ses rêves ? Que faisait-il avant de revenir à New-York ? Quelles femmes avait-il aimé ? Et combien ? Rapportée à son âge vampirique, cette question me fit écarquiller les yeux avant d’être chassée aussitôt de mon esprit. Je me redressai sans bruit et avançai une main hésitante. J’effleurai du bout des doigts ses épaules et son torse. Ils glissèrent plus bas jusqu’à la lisière du drap où une main ferme les immobilisa. Je sursautai et me mis rougir furieusement d’avoir été prise en flagrant délit. Il me regardait à travers ses paupières mi-closes avec une telle acuité que j’en fus soudain mal à l’aise. Je tentai de retirer ma main mais il la retint fermement et m’attira à lui tout en dégageant le drap qui faisait barrage entre nous. Son invitation était aussi silencieuse qu’explicite. Je l’enjambai et laissai mes mains courir sur son torse.  Son regard caressait mon corps avec une telle intensité que mon souffle se bloqua dans ma gorge. C’était étrange de le surplomber de cette manière comme s’il était à ma merci. Il me laissa faire, un léger sourire provocateur aux coins des lèvres.

Je n’avais jamais fait l’amour à un homme, ni jamais pris d’initiatives de ce genre. La seule expérience normale que j’avais eue avait été avec Tom. Je l’avais laissé faire  passivement en priant pour qu’il en termine rapidement et qu’il disparaisse. Là, tout était différent. Les sensations que me faisait découvrir cet homme qui guidait le mouvement de mes hanches, calant son rythme sur le mien, l’intensité des sentiments que j’éprouvais pour lui : tout  cela était à la fois nouveau et presque terrifiant. A la lumière du jour qui inondait la pièce et sous ce regard qui ne me quittait pas, je me sentis soudain beaucoup trop exposée. Je clos fermement les yeux pour échapper à cette attention accrue. Il comprit mon brusque malaise et se redressa pour venir m’enlacer. Je nichai mon nez dans ses cheveux et dépliai mes jambes enfoncées dans le matelas pour venir les enrouler autour de ses hanches. Je m’accrochai à lui comme à une planche de salut et le laissai finalement mener cette danse dont il connaissait les pas beaucoup mieux que moi. Lorsque le plaisir nous submergea l’un l’autre, il affirma son étreinte autour de moi le temps que les tremblements qui m’agitaient ne cessent. J’aurais pu rester ainsi indéfiniment, bercée par ses bras et par sa respiration qui retrouvait peu à peu un rythme régulier.

Il s’écarta le premier et dégagea mon visage des mèches indociles qui le balayaient. Un léger sourire erra sur ses lèvres jusqu’à ce qu’il se rende compte que je le dévisageai étrangement.

 — Qu’est-ce qui se passe ?

— Pourquoi m’as-tu rejetée l’autre soir ? demandai-je sans préambule.

Ce n’était pas forcément le moment adéquat mais la question me taraudait depuis trop longtemps. Il en fut également surpris. Il haussa les sourcils et se laissa retomber en arrière pour s’adosser à la tête de lit. Son visage s’était assombri mais je continuai à le presser du regard pour obtenir une réponse. Il soupira de dépit.

— Nous deux… ce n’était pas une idée facile à accepter, hésita-t-il. Je t’ai vue grandir, j’étais censé veiller sur toi… comme lui. Et comme lui, j’ai…

Il s’interrompit soudain devant mon air outré. Scandalisée à l’idée qu’il ait pu faire ce genre de rapprochement entre ce que Greg m’avait fait subir et ce qui venait de se passer,  je m’écartai  de lui pour aller m’asseoir sur le bord du lit et le fusillai du regard.

— Comment peux-tu comparer ce qu’il m’a fait subir avec ce qu’il y a entre nous ? Comment peux-tu seulement te comparer à lui ? m’indignai-je.

Il plissa les yeux et lâcha un ricanement bref.

— Question image de soi faussée, tu n’es pas vraiment bien placée pour me faire la morale. Dois-je te rappeler que la première chose que tu as faite en sortant d’ici, c’est d’aller te jeter dans les griffes d’un proxénète,  se défendit-il posément avec un sourire faussement narquois.

J’ouvris la bouche pour me rebiffer mais la refermai aussitôt. Je n’avais rien à répliquer à cela. Il avait entièrement raison. Mais finalement, ses doutes et ses questionnements à notre sujet me rassuraient. Je n’étais pas la seule à être perdue au milieu de sentiments aussi contradictoires que violents, à me demander quelle image il pouvait bien avoir de moi, si ce que nous ressentions était moralement acceptable ou non. Nous n’étions ni l’un ni l’autre doués pour verbaliser nos ressentis et j’espérais seulement qu’à l’avenir nous allions être capables de le faire sans que nos pires travers ne refassent surface. Je me protégeais derrière la provocation, lui derrière une brutalité froide et calculée qui n’avait pas manqué de m’effrayer à plusieurs reprises déjà.

La sonnerie du téléphone posé sur la table de nuit vint soudainement briser le silence qui venait de s’installer entre nous. Il décrocha pendant que je cherchais désespérément quelque chose à me mettre sur le dos.

— C’est le gardien de l’immeuble, m’informa-t-il le combiné collé à l’oreille. Tu connais un certain Brian Grant?

Je restai un moment interdite.

— C’est le barman du club. Qu’est-ce- qu’il fait là ? m’étonnai-je.

— Faites-le monter, ordonna-t-il à l’adresse de son interlocuteur avant de raccrocher.

~*~

Quelques minutes plus tard, après une douche et un habillage rapides, ce fut un Brian au bord de la décomposition que je retrouvai dans le salon. Penaud, on ne peut plus mal à l’aise au milieu de ce luxe et sous le regard perçant du vampire, le pauvre ne savait plus quoi faire de ses bras et se dandinait nerveusement sur place. Elijah n’avait de toute évidence pas la moindre intention de jouer les hôtes affables. Silencieux comme souvent, il le toisait, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon. Il s’était habillé lui-aussi dans la précipitation. Son col de chemise était ouvert et pour une fois il avait fait l’impasse sur la veste mais, malgré tout, il dégageait une prestance qui faisait cruellement défaut à Brian dont le jean et le pull informes accentuaient sa silhouette longiligne et son attitude gauche. Il accueillit mon arrivée avec un soupir de pur soulagement.

— Monsieur Grant est venu te rapporter tes affaires, m’informa Elijah en désignant du menton le canapé sur lequel était posé le sac que j’avais laissé dans le bureau de Tony la veille.

— Tony était sacrément furax quand il ne t’a pas vue revenir, je voulais m’assurer que tout allait bien, bredouilla Brian en fourrageant une main dans sa tignasse blonde toujours décoiffée.

Je me surpris à imiter son geste pour échapper au coup d’œil assassin que me lança Elijah à la dérobée pour me faire comprendre que, malgré la leçon qu’il s’était ingénié à m’infliger la veille et la nuit que nous venions de passer, il était loin d’avoir passé l’éponge sur ce point.

— Et puis surtout, je n’ai pas eu le temps de te parler hier soir. Tony s’est pointé  avant que je n’ai eu le temps de te dire pour Charlène, continua Brian.

Il sembla soudain plus inquiet qu’embarrassé. Un frisson d’appréhension me parcourut.

— Charlène ? demandai-je du bout des lèvres en me souvenant de l’air sombre du barman lorsque la veille je lui avais demandé où elle se trouvait.

J’avais alors mis ce changement d’attitude soudain sur le compte de l’arrivée de Tony. Ce n’était apparemment pas le cas. Je n’avais pas de nouvelles de Charlène depuis notre après-midi shopping. J’avais bien tenté de lui laisser des messages mais elle était aussi hermétique que moi à tout ce qui touchait les téléphones portables qu’elle n’utilisait qu’en cas de problème  avec un client.

— Où est-elle ? Qu’est-ce qui lui est arrivée ? le pressai-je alors qu’il tardait à poursuivre.

— Elle est à l’hosto. Un type l’a tabassée. On l’a retrouvée inconsciente dans une des chambre de l’hôtel.

Je me sentis blêmir d’un coup. Je reculai, chancelante, jusqu’au canapé pour m’appuyer contre le dossier.

— Quoi ? Comment va-t-elle ? demandai-je d’une voix étranglée.

— Il ne l’a pas ratée. Ce salopard lui a fracturé la mâchoire…

Je déglutis avec difficulté, sentant un détestable goût de bile envahir ma bouche.

— Quand ? ….Quand est-ce arrivé ? me surpris-je à lui hurler dessus comme s’il était responsable de quoi que ce soit.

— Samedi dans la nuit….

— Elle ne travaillait pas samedi ! Nous étions censées sortir ! m’emportai-je en dépit du bon sens.

— Un samedi soir ? Tu imagines Tony lui donner un congé le soir où il y a le plus de monde ? s’étonna-t-il de ma naïveté.

Je ne m’étais effectivement même pas posé la question ce jour-là, trop heureuse de pouvoir m’échapper de l’appartement et de partager ce genre de soirée avec elle. Je me fustigeai mentalement de ma propre bêtise. J’avais tenté de lui dissimuler ce jour-là le désarroi dans lequel me plongeaient les soupçons de Delanay, l’attitude glaciale d’Elijah à la suite de la mort de Greg et les photos du cadavre de Tom mais elle l’avait malgré tout deviné et avait bravé Tony pour rester à mes côtés.

— C’est lui qui a fait ça ? hurlai-je à nouveau en repensant à cet air détaché et indifférent avec lequel ce fumier m’avait proposé de l’attendre en sachant pertinemment ce qu’il en était.

Brian assistait d’un air désolé mon agitation croissante. Il finit par se tourner vers Elijah pour  trouver une quelconque aide. Ce dernier s’approcha de moi d’un pas posé qui contrastait grandement avec mes gesticulations inutiles.

— Calme-toi et laisse-le finir, m’intima-t-il.

Mais je n’avais pas envie de me calmer. Je voulais au contraire hurler de tout mon saoul. Le nœud qui me nouait la gorge et l’estomac se fit aussi douloureusement sentir que cette colère grandissante qui me donnait une furieuse envie de tout briser autour de moi y compris ses mains qu’il venait de poser sur mes épaules. Mais la pression de ses doigts qui se fit plus insistante me ramena quelque peu à la raison.

— Je ne sais pas si c’est lui, avoua Brian. Mais ce ne serait pas la première fois qu’il corrige une des filles…

— Dans quel hôpital est-elle ? l’interrompit Elijah.

Il n’avait pas quitté mon visage des yeux. Ses mains vinrent effacer les larmes qui m’avaient échappé sans que je m’en rende compte.

— Au Queens Hospital center, nous informa Brian.

— Merci de nous avoir tenu au courant Monsieur Grant, le congédia poliment mais fermement Elijah.

Le jeune homme ne se fit pas prier. Il me lança un « A bientôt Angel » auquel je ne répondis que par un vague signe de tête. A peine avait-il refermé la porte que je m’effondrai dans ses bras qui avaient anticipé ma réaction en se refermant aussitôt sur moi.

Dans le taxi qui nous conduisait à l’hôpital, je m’efforçai de contenir cette vague de culpabilité qui me submergeait. Mais en vain. Je n’arrivais pas à chasser de mon esprit que rien de tout cela ne serait arrivé si elle n’avait pas fait faux bond à Tony à cause de moi.

— Cesse de te torturer : tu n’y es pour rien, me rassura Elijah comme s’il lisait dans mes pensées.

Il se saisit de ma main qui malmenait nerveusement le pan de mon manteau et la serra dans la sienne jusqu’à ce que je me détende.  Son calme avait finalement quelque chose de rassurant. Mais cet apaisement fut de courte durée. Notre entrée dans le hall de l’hôpital raviva mes angoisses mais aussi des souvenirs douloureux qui profitèrent de ce moment de faiblesse pour refaire brutalement surface. Je haïssais ces endroits, l’odeur qui y régnait, les images qui me revenaient de l’agonie de ma mère. Je me serais volontiers enfuie à toutes jambes s’il ne m’avait pas entraînée dans les couloirs sans fin après avoir demandé le numéro de chambre de Charlène à l’accueil. Lorsqu’il ouvrit la porte, je restai pétrifiée sur le seuil et portai une main à ma bouche pour étouffer une plainte. La seule amie que je n’avais jamais eue gisait sur le lit, immobile et méconnaissable, comme une morte défigurée, le visage tuméfié. Un bandage lui recouvrait une partie de la tête et le bas du visage. Sa bouche n’était qu’un fin interstice au milieu des bandes blanches et d’où sortait l’appareillage qui lui permettait de respirer. Cet horrible spectacle me coupa le souffle. Notre arrivée l’avait réveillée. Ses yeux gonflés et au beurre noir s’entrouvrirent péniblement.

— Je vais tâcher de trouver un médecin pour savoir ce qu’il en est, me murmura Elijah.

Une fois seule avec elle, je fis un effort surhumain pour me ressaisir et pour m’approcher. Je serrai doucement ses doigts brûlants. Elle répondit par une pression si faible qu’elle était à peine perceptible. Ses magnifiques yeux bleus injectés de sang me regardaient avec insistance. Elle voulait me dire quelque chose mais elle en était incapable. Sa mâchoire brisée était immobilisée. Elle s’agita faiblement, ses doigts se refermèrent avec plus de force sur les miens. Des larmes de frustration perlèrent au coin de ses paupières gonflées. La vague plainte qui s’échappa de ce corps martyrisé que je peinais à reconnaître eut raison du peu de contenance dont j’étais encore capable.

— Je suis tellement désolée, sanglotai-je ouvertement.

Une infirmière pénétra à ce moment dans la chambre.

— Vous devriez la laisser se reposer, me recommanda-t-elle en constatant l’agitation croissante de Charlène.

Elle ne me laissa pas d’autre choix que d’obtempérer. Je sortis dans le couloir et m’appuyai contre le mur pour ne pas chanceler. Je portai mes mains à mes tempes qui battaient furieusement et fermai les yeux. Les mains froides d’Elijah sur mes joues baignées de larmes me les firent rouvrir presque aussitôt.

— Fais quelque chose ! Je t’en prie, soigne-la ! le suppliai-je.

Il me regarda avec un air désolé.

— Je ne peux pas.

— Pourquoi ?! m’insurgeai-je.

— Réfléchis : je ne peux pas hypnotiser un service entier d’hôpital pour couvrir sa guérison miraculeuse.

C’était un argument plein de bon sens que je n’avais pas envie d’entendre. J’écartai avec humeur ses mains de mon visage.

— Alors tue ce salopard !

Aveuglée par le chagrin et la colère, je ne me rendis même pas compte que je venais de parler beaucoup trop fort au milieu d’un couloir dans lequel se croisaient du personnel  médical et des visiteurs. Certains regards se tournèrent vers nous mais je n’en avais que faire. Pas lui. Il m’agrippa par le bras et m’entraîna à l’écart, dans un renfoncement entre deux chambres qui faisait office de salle d’attente.

— Ressaisis-toi, bon sang ! m’intima-t-il. Je ne peux pas m’en prendre à Tony maintenant…

— Pourquoi ? insistai-je avant qu’il n’ait pu finir sa phrase.

— Parce que Delanay est au courant de tout ! lâcha-t-il vivement sans hausser la voix. Il sait ce que je suis. Il sait aussi pour Tom et Greg.

Ma colère retomba d’un coup pour laisser place à une réelle panique.

— Comment peut-il savoir ?

— Je ne sais pas mais il me fait suivre depuis des jours. Et peut-être toi aussi mais je ne suis sûr de rien.

Je me laissai tomber dans le siège derrière moi et enserrai ma tête entre mes mains pour comprimer une douleur lancinante qui ne faisait que s’accroître. Il s’accroupit à ma hauteur et me releva le menton pour que je le regarde.

— Ecoute-moi, dit-il. Je m’occupe de Delanay et, pour Charlène, ce sera long mais elle va se rétablir. Je lui donnerai les moyens de quitter cette ville et refaire sa vie. Et nous ferons la même chose.

— « Nous » ? répétai-je machinalement.

— Bien sûr «  nous », me confirma-t-il en caressant doucement ma lèvre inférieure de son pouce.

— On ne part pas tant qu’elle ne sera pas rétablie, affirmai-je.

Il acquiesça sans hésitation. Ses paroles me rassérénèrent. Je voulais y croire, me  conforter dans l’idée qu’il allait tout régler comme d’habitude, que nous partirions de cette ville que j’avais de plus en plus en horreur. Cette tranquillité d’esprit fut aussi soudaine que brève. Après que le médecin nous ait déconseillé de rester plus longtemps pour permettre à Charlène de se reposer, je me résignai à partir sans l’avoir revue. Les portes coulissantes de l’entrée venaient de se refermer sur nous lorsque nous le vîmes descendre de voiture et s’avancer  avec cette démarche fière et altière qui lui donnait un côté aristocratique. Je sentis la main qu’Elijah avait posée sur mon dos se contracter et mon angoisse refaire brutalement surface.

— Monsieur Mikaelson, Mademoiselle Clarkson, nous salua Delanay avec un sourire qui aurait presque pu paraître sincère.

— Que faites-vous ici ? répliqua froidement Elijah.

Le regard du lieutenant se perdit par-dessus nos épaules pour admirer la façade de verre du hall derrière nous.

— Je suis venu m’enquérir de l’état de santé de Mademoiselle Thomson et voir si elle est en mesure d’identifier son agresseur.

— Parce que, bien entendu, c’est vous qui allez vous occuper de cette affaire, en déduisit Elijah dont l’impatience grandissante crispait les traits.

L’attention de Delanay se porta à nouveau sur son interlocuteur. Je fus alors frappée par la similitude entre ces deux hommes qui s’affrontaient du regard devant moi : la même posture fière et la même économie de paroles et de gestes qui leur donnait une prestance et une assurance désarmante. Après de longues secondes d’un duel silencieux, Elijah tourna légèrement la tête vers moi.

— Rentre à l’appartement. Je dois avoir une discussion avec le lieutenant Delanay.

Je restai un moment interdite mais son regard se fit plus insistant et je finis par obtempérer. Je m’engouffrai dans un taxi garé devant l’hôpital. Quand ce dernier démarra, je me tournai pour voir les deux silhouettes à travers le pare brise arrière. Je n’eus le temps que de voir Elijah monter dans la voiture de Delanay avant que le taxi ne s’engage dans la circulation et qu’ils ne disparaissent de mon champ de vision.