De quelques traits de crayons et de pigments mélangés à de l’eau pure, je peins leur visage. La couleur imprègne la fibre du papier et coulisse. Je laisse place à la spontanéité du geste. L’eau est ma précieuse alliée, ma complice. Avec elle, je joue de la transparence, de jeux d’ombre et de lumière. Les teintes employées à l’aquarelle s’accordent à la raison d’être de ces pilotes : entre ciel et terre. Je souhaite représenter ces hommes qui ont contribué au développement du Nord québécois. Mon regard se pose essentiellement sur le leur. Je m’imprègne de leurs expériences de vie, de leurs émotions.
L’aviation de brousse a vu le jour en 1919 au Québec, plus exactement au Lac-à-la-Tortue, en Mauricie. Elle désigne les opérations aériennes effectuées dans les régions éloignées. Stuart Graham fut le premier pilote de brousse au Canada. J’ai eu plaisir à le peindre, entouré de deux de ses collègues. Né à Boston, en 1896, après avoir acquis son expérience de pilote pendant la Première Guerre mondiale, il fit amerrir sur ce lac, un avion de type Curtis HS-2L.
L’histoire des pilotes de brousse commençait. On pouvait maintenant photographier les territoires et détecter les feux de forêt. Les compagnies minières utilisaient les services aériens pour transporter les prospecteurs, acheminer de l’équipement, du ravitaillement. Grâce à leurs multiples interventions, ces pilotes ont participé à l’évolution économique et culturelle du Canada.
L’exaltation pour l’aviation était une passion si intense pour ces hommes qu’elle n’était pas qu’un simple gagne-pain, mais bien une raison de vivre, dangereusement, et de souvent frôler la mort. Constamment poussés à aller plus loin, plus haut, ils vibraient sur les ailes de l’aventure pour assouvir leur soif de découverte. Ils faisaient de leurs aspirations une réalité en côtoyant la liberté. Le Québec et ses grands espaces, ses eaux douces à profusion et la démesure de ses paysages alimentaient leurs rêves d’exploration.
Ce travail peu commun exigeait un jugement sûr, une grande maîtrise de soi et une santé de fer. Les conditions météorologiques les forçaient à s’adapter aux caprices des saisons. Face au vent, à la neige, à un grésil inattendu, à la pluie, au brouillard indésirable… ils regardaient l’horizon.
Quand j’observe leur visage, cette force, ce courage, cette détermination m’habitent. C’est à croire qu’aux commandes de leurs appareils, ils se sont élevés au-dessus des nuages pour tracer la voie à notre pays.
Virginie Tanguay
Notice biographique
Notice biographique de Virginie Tanguay
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