La commission Jospin chargée de faire des propositions pour rénover la démocratie française, vient de rendre son rapport ; s'il ne s'agit pas à l'évidence d'une révolution en profondeur du système, il est truffé de propositions qui vont toutes dans le bon sens. Reste à savoir si le gouvernement Ayrault aura le courage de les mettre en application, sachant qu'il devra faire face à l'opposition cumulée de la droite et de tous le barons locaux, de gauche comme de droite, qui verront leurs petits potentats sérieusement remis en cause.
Parmi les principales mesures, il y évidemment l'interdiction du cumul des mandats, du moins pour les fonctions exécutives. C'est la mesure qui fait le plus bruit contre elle ; on sent bien que de nombreux élus, notamment sénateurs défendent leur petits pré carré. C'est en effet le meilleur moyen de renouveler la classe politique et d'insuffler enfin un sang neuf sur la politique de ce pays, même si on peut regretter que la commission Jospin n'aille pas jusqu'au bout en proposant une limitation de tous les mandats dans le temps. Même si elle aura énormément de mal à être votée par le Parlement, il faut que le gouvernement tienne bon. D'ailleurs, pourquoi ne pas aller jusqu'au référendum ? Cela aurait le triple avantage de mettre les élus face à leurs responsabilités, et la droite face à ses contradictions, et de redonner un peu de popularité à un gouvernement mal en point pour l'instant.
Autre point intéressant, la fin des 500 signatures d'élus pour pouvoir se présenter à la présidentielle, remplacées par un parrainage de 150 000 citoyens. Le grand avantage serait d'éviter les candidatures saugrenues et multiples (cela a fait tant de mal à gauche par le passé). En outre, cette mesure tant souhaitée par le FN pourrait à mon avis lui être nuisible, à condition que les parrainages soient rendus publics (ou au moins en partie). En effet, je vois mal 150 000 citoyens de ce pays s'afficher publiquement pour un pays surfant sur les peurs (pour ne pas dire plus !). Le vote FN puise en partie sa force dans son anonymat.
Autres mesures symboliques et importantes, la réforme du statut du chef de l'Etat et la fin des conflits d'intérêt. La première est emblématique et a fait énormément de mal à notre démocratie à l'époque de Jacques Chirac qui s'est protégé derrière son statut pour se défiler devant la justice. C'est d'ailleurs ce même statut qui a longtemps freiné la justice dans les affaires visant Nicolas Sarkozy. Si François Hollande réussit à faire aboutir cela, il aura laissé une trace importante dans l'histoire de la démocratie de ce pays. Le second point est lui aussi vital. En s'assurant de façon publique que les hauts fonctionnaires, ministres ou dirigeants de grandes entreprises publiques n'ont pas ou plus de liens avec d'autres grandes entreprises vivant de la commande publique est également une nécessité. Nous avons tous en mémoire l'épisode des vaccins contre la grippe aviaire qui ont coûté une fortune au pays, et dont une grande partie est allé dans les poches d'un laboratoire où la ministre avait travaillé. Si on veut commencer la réconciliation du pays avec ses élites, il faut en passer par une pareille loi.
Ce ne sont là que quelques points, mais le rapport contient 35 propositions, d'importance inégale, mais qui toutes vont dans le bon sens. On peut en voir l'intégralité sur cet article du Nouvel Observateur qui pemet d'ailleurs de ce rendre compte à quel point elles sont conformes aux propositions du candidat Hollande. Là aussi, c'est un bon point, la crédibilité politique passan forcément par la réalisation des promesses.
Pour autant, s'il y a là matière à faire une vraie avancée démocratique, cela ne suffit pas. Il y manque à mon avis des choses essentielles. En premier lieu, comme je l'ai dit plus haut, la limitation des mandats électifs dans le temps (2 ou 3 mandats consécutifs, pas plus). Cela permettrait d'éviter une professionnalisation de la politique et de permettre aux citoyens de se rapproprier la chose publique. Ensuite, il n'y a quasiment aucune mesures pour mettre fin au bipartisme, véritable plaie de notre démocratie. Certes, il est bien proposé l'instauration d'une proportionelle de 10 % (soit 58 élus !) aux législatives, mais pourquoi seulement 10 % ? Par peur de la diversité ? Il faut évidemment aller plus loin, ce qui serait en outre une excellente manière de lutter contre les baronnies locales. Enfin, et c'est le reproche majeur que je fais à ce rapport, c'est que je n'y vois rien de nature à renforcer le Parlement, véritable clé de voûte de la République. Il est pourtant une mesure qui s'impose qui serait de découpler les élections législatives et présidentielles, et rendre ainsi à l'Assemblée Nationale son rôle de contre pouvoir, et en faire autre chose qu'une chambre d'enregistrement des propositions gouvernementales.
Mais bon, ne finassons pas, ce qui est proposé est vraie avancée. Prenons là et continuons à lutter pour aller plus loin !