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Les poissons raréfient l'oxygène de l'océan profond

Par Memophis

Le rôle des animaux marins dans l’appauvrissement de l’oxygène de l’océan profond est sous-estimé. Jusqu’ici, on considérait que seuls les micro-organismes influaient sur la concentration d’oxygène dans les abysses. Or, il semble que le plancton et les poissons, grands migrateurs verticaux, y contribuent fortement.

Le 29/06/2013 à 09:36 - Par Delphine Bossy, Futura-Sciences

 
   

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Le requin gris de récif est le requin le plus commun dans la bande équatoriale de l'Indo-Pacifique. Il peut vivre 32 ans et mesure en moyenne 1,9 m. Comme son nom l'indique, il vit dans les récifs coralliens. À la Pleine Lune, ce gros poisson migre vers les profondeurs. Ce comportement aux allures vampiriques est probablement une stratégie d’optimisation d’énergie et de chasse. Le requin suit les proies, elles-mêmes influencées par le cycle lunaire. © NOAA

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Entre le jour et la nuit ont lieu dans l'océan de vastes migrations verticales entre la surface et lesprofondeurs abyssales. Des poissons, le plancton et une immense cohorte de micro-organismes participent à ces voyages quotidiens. Parmi le phytoplancton, certains organismes plongent de nuit pour aller chercher des zones où les éléments nutritifs sont plus abondants. Il faut ensuite remonter le jour venu pour bénéficier de la lumière indispensable à laphotosynthèse. Certaines espèces de poisson migrent en journée pour échapper à leurs prédateurs, et peuvent parcourir des distances variant de 200 à 650 m.

À ces profondeurs, l’oxygène est rare et on les qualifie de zones de minimum d’oxygène. Jusqu’à présent, l’influence des animaux marins sur les variations d’oxygène dans ces zones était considérée comme négligeable. La majorité de la communauté scientifique admettait que les micro-organismes (bactéries et archées) étaient les principaux consommateurs d’oxygène à de telles profondeurs. Une nouvelle étude montre que les migrations verticales des espèces espèces animales, du plancton aux petits poissons, sont au contraire très influentes sur cet appauvrissement de l’oxygène.

La figure ci-dessus montre les différentes profondeurs (en mètres) que les animaux marins atteignent en migrant au cours de la journée pour échapper aux prédateurs. Le rouge indique les zones les moins profondes (jusqu’à 200 m), et le bleu les plus profondes (jusqu’à 600 m). Les chiffres noirs sur les lignes représentent la différence (en millimoles/m3), utilisée pour mesurer la teneur en produits chimiques, entre l'oxygène à la surface et à environ 500 m de profondeur, ce qui est le meilleur paramètre pour prédire la profondeur de migration.

Cette figure montre les différentes profondeurs (en mètres) que les animaux marins atteignent en migrant au cours de la journée pour échapper aux prédateurs. Le rouge indique les zones les moins profondes (jusqu’à 200 m), et le bleu les plus profondes (jusqu’à 600 m). Les chiffres noirs sur les lignes représentent la différence de concentration (en millimoles/m3) entre l'oxygène à la surface et à environ 500 m de profondeur, ce qui est le meilleur paramètre pour prédire la profondeur de migration. © Bianchi et al., Nature Geoscience

L’étude, dont les résultats sont publiés dans Nature Geoscience, suggère que les migrations verticales peuvent entraîner une baisse de 10 à 40 % du taux d’oxygène de l’océan profond. « Ce que nous montrons ici, c’est que les animaux qui migrent au cours de la journée sont une grande source d'appauvrissement en oxygène. Nous fournissons les premières données mondiales qui affirment cela », explique Daniele Bianchi principale auteur de la publication.

Le réapprovisionnement en oxygène est un équilibre fragile

Les poissons et le plancton ont donc un rôle crucial dans la chimie des océans, et leur contribution à l’appauvrissement en l’oxygène est largement sous-estimée. L’importance de la migration verticale est bien connue et documentée par la communauté scientifique, mais aucune étude n’avait jamais quantifié son influence sur la consommation d’oxygène.

L’équipe de l’université de Princeton a établi un modèle global des migrations verticales journalières et de l’appauvrissement en l’oxygène à partir des données d’ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler) fournies par 389 bateaux durant la période 1990-2011. De même qu’un sonar, les ADCP envoient un signal acoustique et donnent des indications sur les courants marins. Les chercheurs s’en sont servis pour évaluer les mouvements ascendants et descendants des animaux marins (lieu, date, fréquence, etc.). Ils ont ensuite prélevé des échantillons d’eau à ces emplacements et réalisé une analyse chimique pour déterminer le taux d’oxygène.

Ces données ont confirmé que les migrations verticales intensifiaient l’appauvrissement en oxygène. L’étude met donc en évidence que dans la chimie des océans, le rôle de l’écosystème marin est essentiel dans les flux d’échanges d’oxygène. L’océan profond est tout juste capable de régénérer le stock d’oxygène consommé par les migrateurs. Mais l’équilibre est fragile. Dans le contexte de changement climatique actuel, on s’attend à ce que l’oxygène s’appauvrisse en profondeur. Cela pourrait entraîner des changements de comportements migratoires, exposant les proies plus souvent à leurs prédateurs. En d’autres termes, si l’équilibre est rompu, ce sera tout l’écosystème marin qui en sera affecté.


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