La Longue Terre, de Terry Pratchett et Stephen Baxter
Par Guixxx
@zeaphra
Chers vous,
Ça fait longtemps que je ne vous ai pas écrit. Pour tout
dire je n’ai pas vraiment écrit plus de six lignes pendant les trois semaines de mes
vacances où j’ai posé mes neurones et fait entré l’air frais dans mon cortex
frontal encombré. (J’ai quand même écrit trois cartes postales que j’ai oublié
de poster après les avoir timbrées… si si. De la grande prose en plus !)
Je suis une petite chose stressée, et cette année a été
particulièrement mouvementée avec toutes les péripéties qu’on attend d’une
première année de boulot (sans vacances pendant un an), comprenant un Noël
harassant et un déménagement. Bref j’avais besoin d’une parenthèse pour me
vider et voir autre chose, imaginer pendant trois semaines que je vis ailleurs
que dans un appartement d’un taille ridicule donnant sur une rue polluée a un
prix exorbitant qui me pompe mon salaire, mais plutôt dans la verdure du sud,
la chaleur de ses rayons... Imaginer que je n’ai pas à lire comme une boulimique
pour satisfaire le plaisir d’autres que moi (j’ai pu lire à mon rythme, choisir
l’ordre et l’avancée de mes lectures, bonheur), imaginer tout un tas de chose
qui font du bien et qui m’ont ramené à une nouvelle paix intérieure. Je sais
que ça ne va pas durer longtemps, alors profitons-en !
Durant donc mon petit voyage au pays du canard confit et de
la violette, j’ai pu dévorer La longue terre de Terry Pratchett et Stephen
Baxter qui est paru récemment aux éditions L’Atalante (allongée sur une chaise
longue au soleil pour une petite digestion entre deux magrets de canard et les
fraises du jardin).
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’ai déjà lu un
roman à quatre main de Sir Pratchett, l’excellent et incontournable De bons
présages coécrit avec Neil Gaimain (il va falloir que je vous parle de ça un
jour aussi…), et j’avais tout simplement adoré, mes muscles zygomatiques étaient
plus frétillants que jamais. Pour tout avouer, je n’ai encore jamais lu de
Terry Pratchett ( - tout seul - La huitième
couleur attend dans ma bibliothèque depuis presque dix ans) et je ne connais
pas l’œuvre de Stephen Baxter. Je les connais de nom, je connais leurs livres,
alors forcément je me doutais que l’un des grands écrivains de fantasy burlesque
opérant avec un grand écrivain de hard Science Fiction était un évènement assez inattendu et ne devait donner qu'un grand et bon roman... ou un ratage total.
Eh bien pour moi c’est une réussite !
La Longue Terre, c’est le nom que vont donner les
scientifiques à la découverte subite et improbable que va faire l’humanité
lorsqu’un anonyme poste sur internet le schéma de fabrication d’un « passeur »,
permettant de voyager à travers les mondes parallèles. Les enfants du monde
entier vont s’amuser à reproduire le boitier assez facile à réaliser (qui s’alimente seulement d’une patate) et
appuyer sur le déclencheur qui les enverra directement sur une Terre parallèle... Panique, stupeur, incompréhension puis assimilation de ce nouvel élément dans l’évolution
de l’humanité : l’homme à aujourd’hui accès à une infinité de terres
parallèles, presque similaires à la nôtre à quelques détails près. Certains
vont y voir le moyen de recommencer leur vie, faire table rase. D’autres la
chance d’étendre leur empire, de faire évoluer l’économie et la civilisation. D’autres
encore ne peuvent pas « passer », malgré tous leurs efforts, et
conspuent ce nouveau phénomène qu’ils considèrent comme une dégénérescence de l’humanité.
De son côté, Josué Valiente, est un passeur-né. Il a
découvert le passage comme les autres enfants lorsqu’il avait treize ans, mais
il s’est vite rendu compte qu’il n’avait pas besoin de boitier pour sauter d’un
monde à l’autre, et qu’il ne subissait pas les violents effets physique du
passage qui vous plient en deux et vous font rendre jusqu’à votre bile. Il passe son
temps à parcourir les mondes, recherchant la solitude et le silence, mais sa
routine va être bouleversée par la demande atypique de Lobsang, (intelligence
artificielle qui serait la réincarnation d’un réparateur de vélo tibétain), et
qui a besoin de Josué pour explorer les mondes à travers un dirigeable équipé
de toutes les innovations scientifiques.
Alors que l’humanité découvre à son rythme le foisonnement
des mondes de la Longue Terre, Josué et Lobsang vont se rendre jusqu’au confins
des Terres parallèles dans une aventure extraordinaire et extravagante.
La seule
chose qu’on peut reprocher à La Longue Terre c’est peut-être que le début peine
à mettre l’intrigue en route. Il faut s’accrocher quelques pages, puis quand
tout se met enfin en place, quand on comprend ce qu’est le passage et la Longue
Terre, les possibilités infinies qu’elle propose à l’humanité, le roman devient
passionnant. C’est aussi surtout dès qu’on fait la connaissance de Lobsang,
cette intelligence artificielle complètement déjantée, curieuse de tout, dont
la conscience et la morale tentent de s’adapter aux standards humains par l’observation
de tous les films parus depuis l’avènement des frères Lumière, qu'on commence à s’amuser !
Parce qu’en soit, le sujet n’est
pas aisé. Il y a un côté écologiste dans La Longue Terre, la conscience aiguë que notre évolution arrive à son terme et cause plus de destruction qu’autre
chose. La Longue Terre, le passage à travers ces terres parallèles, permet de recommencer
et de rebâtir une humanité neuve dans un nouvel univers plus hospitalier que
ces tas de bétons pollués que nos aïeux nous ont laissé (et qu’on continue à
étendre). Dans la Longue Terre, certains font le choix de faire des colonies
sur des mondes très éloignées, de vivre dans la nature de manière assez
radicale, quand d’autres, plus proches de notre Terre, construisent usines et
industries sur les territoires encore vierges et inexploités de ces mondes
foisonnants de vie et de matières premières. Certains encore sont condamnés à
rester sur Terre, incapable physiquement de passer de l’un à l’autre, et
conçoivent une haine d’abord timide puis destructrice pour ce nouvel ordre
mondial.
Mais ce
que j’ai surtout adoré, ce sont les explorations systématiques de Josué et
Lobsang.
Clairement,
le tandem Josué et Lobsang me fait penser à Baxter et Pratchett, l’un est plus
mesuré, plus sérieux (Josué), l’autre est un personnage totalement burlesque,
qui change d’aspect comme de chemise, empruntant les voix de acteurs des années
50, à l’humour assez douteux (Lobsang). Bon ça c’est mon interprétation, hein.
Donc ce tandem d’explorateurs atypique, l’asocial compulsif et l’excentrique
suspect, donne une dimension humoristique à La Longue Terre. Leur aventure, la
découverte de nouvelles espèces, leur exploration de mondes à la faune et à la
flore entièrement nouvelles, laisse rêveur. La découverte d’autres passeurs, des
êtres humanoïdes par bien des aspects différents des humains, leur permet d’expliquer
le folklore de certains pays et les légendes qui nous abreuvent de Trolls, d’Elfes
et autres petite peuple qui enchantent tant notre littérature et alimentent les
auteurs de fantasy comme… Pratchett !
A gauche, Sir Pratchett, à droite, Stephen Baxter
Bref,
La longue Terre est un roman de SF assez hors norme, aux références multiples,
à l’imaginaire abondant, drôle et entraînant, à la frontière entre la SF, la
Fantasy et le roman d’aventure : une œuvre ambitieuse, dont la suite est déjà
parue en VO, The Long War, que j’attends désormais de pied ferme !
Mon
ventre gargouille, lorsque j’écris j’en oublie de me sustenter. Je vais donc
délaisser mon clavier pour trouver un crouton de pain et reposer mes yeux
rougis par l’écran d’ordinateur… puis aller continuer mes lectures : le
train d’enfer reprend, eh oui, dès fin août c’est la rentrée littéraire, plus
de 550 nouveaux romans rien que pour vous, épluchés par vos libraires pour vous
laisser seulement les quartiers les plus juteux. Rien que d’y penser j’ai déjà
envie de repartir en vacances. M’enfin…
Amitiés,
Guixxx.