Justice et presse

Publié le 08 juillet 2013 par Jlhuss

"En matière de droit de la presse, il n’y a pas 36 façons d’envisager un jugement. Il y en a 2.

Soit on considère que le droit de l’information est primordial et, à partir de ce principe, on examine les éventuels délits qu’un journaliste a pu commettre. Soit le juge considère qu’un journaliste doit être traité comme s’il n’était pas un journaliste, comme s'il n’avait pas pour mission la responsabilité de livrer à son public une information pertinente, comme si le droit à l'information n'était pas un droit fondamental.

A Versailles, des magistrats de la cour d’appel ont résolument opté pour cette vision dégradée du droit à l’information. Mediapart pouvait-il diffuser les enregistrements effectués au domicile des Bettencourt par le Majordome, c'est-à-dire le document fondateur de ce que l’on appelle « l’affaire Bettencourt », la pièce maitresse à partir de laquelle la justice, elle-même a pu lancer des enquêtes dans une dizaine de directions ? A la question de la diffusion de ces documents essentiels pour la compréhension de toute cette affaire, la cour d’appel de Versailles répond donc non.

Et les magistrats ne s’embarrassent pas longtemps de ce fameux droit à l’information. Qu’importe, écrivent-ils, si les journalistes de Mediapart ont « procédé à un tri au sein des enregistrements diffusés pour ne rendre publics que les éléments ne portant pas atteinte, selon eux, à la vie privée des personnes concernées », qu’importe, ajoutent t’ils, « que, depuis leurs diffusions, les informations aient été reprises, analysées et commentées par la presse », ces enregistrements ont été obtenus de manière illicite, ils doivent donc disparaître, ordonnent les magistrats.

Car la cour d’appel ne se contente pas de demander à Mediapart le retrait des enregistrements que le journal publiait sur son site, elle le condamne à retirer également la publication de « tout ou partie de la retranscription des enregistrements. » Oui, Mediapart doit, c’est un comble, effacer les éléments de preuve qu’il avait obtenus. Effacer les traces de son enquête. Effacer les éléments qui ont par ailleurs conduit la justice à lancer ses propres investigations. Effacer des documents qui permettent à chacun de se faire une opinion sur un dossier que les principaux protagonistes ne cessent de commenter. Dans d’autres pays, on appelle cela une censure."

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