Deux réactions au dossier de Lynda Brook

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

1. par Thierry 
Récupération d’études et de phrases diverses sorties de leur contexte, amalgame grossier dans le but de rallier à la cause des opposants au loup les péri-urbains qui peuvent être confronté à la présence du loup, présence somme toute prévisible si l’on connait la capacité de dispersion de l’espèce, rien de nouveau d’après moi…


Comme par hasard « l’étude » sort à la veille de la montée en alpage des troupeaux, pure coïncidence ? Je n’y crois guère vu la façon que ces polémiques sont lancées, avec toujours au final une source de référence qui va dans le sens qui les arrange pour faire passer sous couvert scientifique leur but : faire resurgir la peur du loup chez les urbains.


« vos chiens mangés sur vos terrasses, vos enfants enlevés sous vos yeux », oui cela peut exister mais dans un contexte particulier qui n’est pas reproductible chez nous, où il y a des loups il n’y a pas de chiens errants, tout a fait compréhensible, mais de là à vouloir prouver avec si peu de recul par la génétique ou le comportement des adaptations d’individus qui alors poseraient problème, scientifiquement ca ne passe pas…


Le loup « consanguin » du Mercantour dont la descendance n’aurait pas peur de l’homme et «  le testerait », je n’ai rien lu sur ce sujet, tout ce que je sais grâce au suivi des individus, c’est que les loups repassent parfois vers l’Italie, ils ne colonisent pas toujours dans le même sens.
Leur propos est bien trop hasardeux. Consanguinité chez le bouquetin mais pas le loup !
L’imprégnation de l’animal à l’homme se fait dans les premières semaines de la naissance, mais il peut exister des individus plus hardis, plus courageux, (comme chez les humains!), les prédateurs ou leurs proies ont chacun leur caractère ce qui peut expliquer certaines attitudes de loups ne fuyant pas loin lors d’une attaque sur un troupeau d’ovins, je me réfère là à une de mes connaissances, guide de chasse en Afrique qui pendant 25 ans de terrain a pu voir des comportements différents lors d’un même scénario sur une bête blessée. Un exemple : une attaque d’un lion sur un campement était le fait d’un animal qui n‘avait jamais vu d’homme car vivant à l’écart, l’homme était une proie comme une autre pour lui, ce n’est pas le cas du loup vivant dans nos contrées dont la peur de l’homme est ancrée depuis des générations (domestication du chien : 14.000 ans, loups pas domestiqué mais échanges de gènes sans cesse depuis des milliers d’années et surtout un ancêtre commun il y a 250.000 ans, comparer à une vingtaine d’années de retour naturel du loup en France pour en tirer des généralités c’est encore bien imprudent)
Le loup au contraire s’il n’a jamais vu d’hommes ou très peu, par exemple pour les loups d’Elesmere, ilot vers le cercle Polaire, s’approcheront il est vrai plus facilement des humains, ca n’a jamais était le cas pour nos loups européens dont les populations font se retrouver en contact, interféconds, avec brassage génétique par les pays de l’Est, Balkans ou l’Espagne/Portugal.
Nombreuses citations afférentes aux States (à mon niveau invérifiables) de David Mech (référence au niveau mondial donc forcément « crédibles » dans un dossier destiné à faire le buzz) sorties d’un contexte général qui font perdre l’idée de base et le sens voulu par Mech. Piège médiatique bien connu dont nos sommes confrontés quotidiennement, et dont il est très difficile de prouver dans un débat le contraire, tant il faut avoir du temps pour démonter les arguments primaires du contradicteur (populisme en politique).
Par contre (sauf erreur de ma part, vous me direz ça, car plusieurs heures pour lire ce dossier entièrement, pas que les caractères en gras ou titres effrayants),  je n’ai pas vu dans leurs sources des références à L.Boitani, en Europe c’est pourtant la référence sur notre loup italien. Le site internet de sports de montagne « Kairn » est lui bien sur cité, normal c’est la vitrine de Louis Dollo anti loup au possible, les articles de la Gazette de Férus sont sortis de leur contexte etc.
Enfin, et preuve que ce dossier est manipulé par les lobby de l’élevage : les attaques sur le Parc du Mercantour et ses « shérifs », hors sujet dans cette pseudo étude sur le comportement du loup, mais surtout la solidarité avouée avec un éleveur qui a usé de la violence physique sur un agent du Parc (que je connais personnellement depuis très longtemps et que je sais non violent) qui venait simplement faire son travail lors d’un constat d’attaque.
Cautionner cette violence révèle la démagogie de l'auteur.
C’est cette dernière phrase que je retiendrais, elle annule à mon sens toute teneur prétendument scientifique.
Pour l'anecdote, je vis à longueur d'année dans une zone à loups depuis son retour naturel, ne suis pas fonctionnaire du Parc National, ni salarié d'assoc.écolos, les loups prédatent parfois des ongulés "dans mon jardin", les vautours me survolent et mon chien est encore en vie !
Mais encore, je n'ai encore jamais vu de loups du moins en France, mon ami berger, qui garde constamment son troupeau, sans chien de protection n'a jamais eu d'attaque (ca ne veut pas dire qu'il n'en aura pas un jour ) et avec ça je suis chasseur !
Thierry (Source)

2. par Florent Dupont

Le rapport de la supposée scientifique Lynda Brook pose un réel problème dans le débat entourant les conséquences du retour naturel du loup dans les montagnes françaises. Il est en effet régulièrement repris par les partisans du camp hostile au loup, comme par exemple dans l'article de Kairn signé Louis Dollo le 27 mai 2013. Dans cet article, l'auteur dit à un moment ceci :
"Lynda Brook nous propose «un rapport d'études scientifiques qui démontre, en premier lieu, que le loup n'est pas aussi inoffensif que ses défenseurs radicaux le prétendent quand ils soutiennent «Le loup n'attaque pas l'homme»». Et elle dénonce une «Supercherie ! Le loup s'attaque à l'homme et tue!»"
Par-delà la forme de cet article de Kairn qui se rapproche plus du pamphlet anti-écolo, que de l'article de journalisme, j'ai voulu m'intéresser au fond, à ce fameux rapport "scientifique".
Un lien en bas de l'article renvoie vers le site personnel de Louis Dollo (ce qui est en soit un premier souci, car une source se doit d'être indépendante), sur cette page.

Le rapport scientifique évoqué y est cette fois présenté comme étant une simple ébauche :
« Vu le nombre d'incidents récents en milieu d'élevage et les signes avant-coureurs d'attaques sur l'homme, l'auteur a choisi de publier son dossier inachevé et non corrigé. »
Cela signifie donc qu'il n'est pas passé par un processus de « review par les pairs » comme cela doit être le cas normalement pour un article ou rapport qui se prétend réellement scientifique. En effet, n'importe qui peut écrire un rapport reflétant ses convictions personnelles appuyées par de pseudo-recherches scientifiques. Seul ce processus d'évaluation préalable à la publication permet d'affirmer la justesse scientifique d'un travail donné.
Si on clique sur ce « rapport scientifique » (lien donné en bas de page, le document pdf est hébergé sur le site de l'auteur, car apparemment aucun éditeur officiel n'a été sollicité pour diffuser ces « travaux »), on se rend compte qu'il n'a absolument rien de scientifique : aucun exposé de méthode, ni de données, ni quoi que ce soit d'autre. En clair, rien qui permette la moindre reproductibilité de l'étude, ce qui est à la base de tout travail scientifique. De plus, certains titres et phrases font preuve d'un évident parti-pris anti-loup, employant un vocabulaire qui n'a pas lieu d'être dans un rapport qui se prétend scientifique. Par exemple ce titre de section : « Le loup dans la Sainte Baume ... chut ! », et c'est sans compter le titre du rapport lui-même.
Les exemples de ce type sont nombreux. Il y a aussi un vrai florilège de fautes d'orthographe, de syntaxe et de grammaire, auxquelles s'ajoutent des expressions pour le moins hasardeuses : « le loup se spécialise dans la mise à mort d'herbivores domestiques **combien même** il n'en consomme qu'une partie ». Cela révèle de manière particulièrement flagrante que ce rapport n'a pas été relu par des personnes ayant les compétences nécessaires pour lui donner un réel niveau scientifique.
Un autre exemple dans la suite : « Il y a eu des incidents ... Le risque d'une attaque sur l'homme est devenu réel dans l'hexagone. Les récits que nous avons pu recueillir ces dernières semaines sont édifiants. » Quels incidents ? Aucune source n'est citée ici. Aucun chiffre précis n'est donné. On se rend bien compte qu'on quitte totalement le domaine de la science et des faits pour rentrer dans celui de la spéculation et des non-dits. La deuxième partie de cette citation est donc simplement un avis personnel, volontairement alarmiste et non basé sur des faits vérifiables ou sur une quelconque analyse d'augmentation de fréquence d'observations de loups ou autres. Bref, en terme de faits scientifiques on fait mieux, encore une fois.
Une dernière forme d'incohérence se rapporte à l'identité même de l'auteure de ce rapport. En effet, elle ne se revendique d'aucune affiliation académique comme cela devrait être le cas si réellement elle avait reçu un appui pour effectuer ses recherches. Elle est aussi parfaitement inconnue dans les moteurs de recherches spécialisés tels que "Google scholar" ou les portails du CNRS. Il semble donc totalement inconcevable qu'une personne seule (auteur unique de ce rapport), manifestement débutante (si tant est qu'elle existe) puisse fournir sans l'appui de la moindre organisation un travail de qualité sur lequel baser un vrai débat.
Il semble donc bien que ce rapport scientifique ne soit qu'une vaste supercherie destinée à donner une caution scientifique aux opposants du retour du loup. Le problème est que sur des sujets aussi délicats que celui-ci, il n’est pas acceptable de baser le débat d'idées sur de tels mensonges.
Florent Dupont (contributeur du site Camptocamp) Source