Les lecteurs qui me suivent depuis le début de ce blog connaissent ma parano par rapport au risque de monnaie. On a beau sélectionner des sociétés de qualité, si l’on ne tient pas compte des effets de change, on risque de voir fondre ses revenus comme neige au soleil. Même les titres cotés sur nos places financières domestiques sont sujets à ce risque, à cause de la mondialisation. A contrario, si l’on est attentif à cette question, on peut en tirer avantage en investissant dans des entreprises qui savent comment tirer des bénéfices avec les fluctuations des devises.
Les plus belles sociétés de dividendes croissants se situant aux Etats-Unis, avec un dollar qui est par nature faible, j’ai toujours été très attentif au problème du risque de monnaie. Toutes mes stratégies d’investissement dans les dividendes tiennent donc compte de ce problème, en considérant tout d’abord la volatilité des placements non pas dans leur propre monnaie, mais en francs suisses. Ainsi un titre qui peut sembler a priori assez pépère en dollars peut s’avérer risqué en CHF. A contrario, une action américaine qui oscille passablement dans sa monnaie peut naviguer dans des eaux plus calmes en francs suisses.
Certains titres par ailleurs comportent une qualité encore peu reconnue parmi les investisseurs, celle de s’affranchir eux-mêmes du risque de change. Il est ainsi possible d’investir dans des titres libellés en dollar sans craindre une dévalorisation à cause de la faiblesse structurelle du billet vert. C’est particulièrement le cas des sociétés fortement ouvertes à l’international et/ou qui travaillent dans le domaine des matières premières.
J’ai traduit pour vous ci-dessous un article que j’ai trouvé sur gurufocus et qui partage les mêmes interrogations que mon blog par rapport au risque de change. C’est même étonnant et instructif de lire le point de vue d’en face, celui des américains, avec leur monnaie faible :
La première décennie du nouveau millénaire est désormais considérée par les investisseurs comme une décennie perdue. Ils ont connu deux krachs boursiers spectaculaires après la bulle Internet des années 1990 et la bulle immobilière des années 2000. Même avec le recours à la planche à billets du gouvernement américain, le retour sur investissement de l’ensemble du marché, telle que mesuré par le S & P 500 est à peine positif depuis janvier 2000. Si l’image n’est pas si sombre aux Etats-Unis, demandez aux investisseurs étrangers qui ont investi dans le marché américain durant cette période. Depuis le dernier excédent budgétaire américain dans les années 2000, le dollar américain a perdu de la valeur par rapport aux principales devises étrangères. Un investisseur australien qui aurait acheté pour 100 dollars américains avec ses dollars australiens au début des années 2000, se serait retrouvé en juin 2011, avec l’équivalent de 62,1 dollars australiens. Tandis qu’un américain aurait perdu 13% sur le S&P 500 durant cette période, un investisseur australien aurait subit une perte de près de 50%, sur le même placement !
La situation est similaire pour les investisseurs en provenance du Japon, des pays de la Zone Euro, du Canada, de la Suisse et même de la Chine. L’investisseur suisse est celui qui a perdu le plus à cause de la force extrême du CHF. La situation est moins problématique pour les investisseurs britanniques dont le pays est confronté à un problème budgétaire similaire qu’aux Etats-Unis.
Qu’est-ce que les investisseurs peuvent en déduire? Nous devrions penser plus globalement nos idées en matière d’investissement. Les investisseurs américains peuvent même bénéficier de la faiblesse du dollar en optant pour des entreprises internationales.
Il est certes difficile de prédire le mouvement du mouvement des taux de change. Néanmoins, sur le long terme, les pays avec des taux de croissance élevés et des dépenses publiques bien gérées se traduisent par une monnaie forte. Avec un niveau croissant de dette publique et des dépenses fédérales alarmantes, nous savons que les États-Unis n’en font pas partie.
Si vous vivez aux USA, vous ne remarquez peut-être pas la faiblesse du billet vert. Mais vous devez être conscient de cette situation et vous protéger sur le long terme. Comment? Tom Gayner, le CIO de Markel Corp (MKL) investit dans des sociétés américaines avec de grandes opérations internationales. C’est aussi la méthode de l’investisseur Arnold van den Berg, comme il le dit dans notre entretien avec lui .
Peut-être que c’est l’une des raisons qui explique pourquoi Warren Buffett a investi dans des actions internationales, comme le réassureur allemand Munich Re, le réassureur suisse Swiss Re, le géant pharmaceutique français Sanofi-Aventis (SNY), le détaillant britannique Tesco (TSCDF.PK), la société coréenne Posco acier (PKX) et le constructeur automobile chinois BYD (BYDDY.PK).
Lorsque vous investissez dans des sociétés américaines qui gèrent une part importante de leur business à l’étranger, le chiffre d’affaires et le bénéfice profitent de la faiblesse du dollar. C’est le cas notamment de Coca-Cola (KO). En 2010, les taux de change des devises étrangères ont eu un impact favorable sur le résultat opérationnel consolidé d’environ 3 pour cent. Selon Coca-Cola, la faiblesse du dollar a contribué à ses résultats.
Johnson & Johnson (JNJ) a généré un revenu total de 61,6 milliards de dollars en 2010, dont seulement 29,45 milliards $ (48%) proviennent des activités américaines. Le cigarettier Philip Morris (PM), qui est une spin-off de Altria (MO), affiche un chiffre d’affaires 67,7 milliards $, dont 28 milliards de dollars provient de l’UE, 16 milliards de l’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et de l’Afrique et 15 milliards qui proviennent d’Asie. Walmart (WMT) réalise environ 26% de son chiffre d’affaires à l’international, avec environ 20% de bénéfices.
Les investisseurs américains peuvent donc se protéger contre une baisse du dollar en investissant dans des sociétés américaines qui réalisent de grandes opérations au niveau international. Outre cela, les investisseurs américains peuvent également investir dans des sociétés étrangères qui sont négociés aux États-Unis par ADR. Il s’agit de la méthode d’investissement préférée de Tom Russo. Les investisseurs peuvent acheter ces actions, tout comme ils achètent des sociétés américaines. Ces titres étrangers sont échangeables au taux de change du jour. Une baisse du dollar entraîne donc une augmentations du cours, même si les prix des actions dans les bourses étrangères demeurent inchangés.
Tom Russo affirme: «70% de notre fonds est composé d’entreprises étrangères. Ces entreprises sont généralement familiales et conservées à long terme. Leurs marques possèdent des centaines d’années d’histoire. Cela leur donne d’énormes avantages concurrentiels. Leurs consommateurs sont fidèles. » La performance du fonds a bénéficié de la baisse du dollar d’au moins 2% par an au cours des 26 dernières années.
Jetons un œil à l’un de ses plus grands titres, Nestlé. Le fabriquant de nourriture et de boissons est coté à la bourse suisse sous le symbole NESN. Ses ADR sont négociées à New York sous le symbole NSRGY. Tandis que Nestlé baisse à la bourse suisse, l’ADR monte à New York. La différence de performance provient de la dévaluation du dollar américain par rapport au franc suisse. Autre exemple avec le Japon. Toyota Motor Corp ADR (TM) augmente tandis que le titre à Tokyo stagne. Cela provient d’une baisse du dollar américain par rapport au yen japonais.
Prédire les mouvements à court terme des taux de change est aussi difficile que de prévoir les cours des actions du lendemain. Mais sur le long terme, un pays qui se développe rapidement et gère de façon responsable ses dépenses publiques affiche des devises plus fortes. Investir dans des sociétés américaines qui réalisent beaucoup d’opérations au niveau international ou acheter des ADR de sociétés étrangeres peut vous aider à diversifier votre risque et vous protéger contre une baisse du dollar.
Dans mes stratégies d’investissement, je poursuis précisément les deux axes décrits dans cet article de gurufocus. Les Global Dividend Growers et les Smoking & Drinking Dividends se composent majoritairement de sociétés américaines qui réalisent une grande partie de leurs activités hors des Etats-Unis. Les Ex-US International ETFs and Dividend Stocks se composent quant à eux d’entreprises internationales non américaines.
J’ai d’ailleurs récemment décidé de compléter cette dernière stratégie par quatre nouveaux ETFs :
iShares Dow Jones Intl Select Div Idx (IDV) -NYSEArca
WisdomTree Japan SmallCap Dividend (DFJ) -NYSEArca
iShares MSCI Switzerland Capped Index (EWL) -NYSEArca
iShares MSCI Japan Index (EWJ) -NYSEArca
Ces ETFs feront prochainement l’objet d’un article respectif plus détaillé.