Christopher Froome gagne la première étape de montagne du Tour de France 2013. Il devient maillot jaune. Les spécialistes s’y attendaient. Et depuis hier, en plus du récit de l’exploit et de la mention qu’il a frappé un grand coup, se construit doucement la légende.
Les spécialistes s’y attendaient, ils avaient donc anticipé en créant des sujets autour de la personnalité du leader de l’équipe Sky.
Ses origines, et le surnom qu’on lui donne : le Kenyan blanc, sa passion des animaux qu’hier France 2 dans l’après tour nous a montré avec un reportage attendrissant où l’homme Christopher jouait avec un lionceau.
Froome en Tarzan moderne, roi du vélo, et déjà maître de la grande boucle : voila les traits du personnage qui va nous être donné.
Sauf que la question qui se pose c’est : "Lui aussi est-il dopé ?" La construction naissante du mythe cherche à masquer l’intérêt de la question. Mais cette question plus personne ne peut s’empêcher de la poser et j’allais dire plus personne n’a le droit de ne pas se la poser.
Les journalistes directement partisans( ceux de France Télévisions) et les anciens du sport qui le sont aussi (Bernard Hinault) en sont pour leurs frais. Aujourd’hui, demain, à l’arrivée du tour ou quelques mois après la question sera toujours aussi vivace et la réponse sera alors encore plus terrible.
Un journaliste sportif d’I télé nous dit "Oui mais on ne va pas se poser la question à chaque exploit". Il nous révèle par la qu’il a peur pour sa raison d’être et la raison d’être des commentateurs du sport. Sont-ils armés pour poser les termes du débat et leur emportement, leur déni ou leur colère ne sont-ils pas justement la preuve du contraire ?
Ont-ils la possibilité d’interroger cette exigence de performance hors normes qui est l’ingrédient principal de l’événement sportif ? Imbriqués dans les balbutiements maintenant déjà bien entamés d’une nouvelle détermination de l’humain qui se nomme l’anthropotechnie et que vous feriez bien d’aller interroger, ils jouent mi complices, mi victimes au jeu du pas pris pas peur qui est en train soit de tuer le cyclisme, soit d’en faire le porte étendard de nouvelles règles du sport qui pourraient s’imposer à tous et qui accepteraient le dopage comme un élément constitutif de départ.
Tous les concurrents y auraient droit, comme ils ont droit de boire ou comme ils ont l’obligation de porter une tenue distinctive. Et comme le spectacle l’exigerait ou que la dureté de l’épreuve l’exigerait cela serait admis au départ, le reste, c’est-à-dire la décision, le résultat, seraient donc la résultante ou bien de l’irréductible talent personnel ou bien de la meilleure technique d’amélioration des performances utilisée au même titre que la roue lenticulaire, que la préparation physique et musculaire ou la forme du guidon.