Mt 9, 9-13
Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d'impôts). Il lui dit : « Suis-moi. » L'homme se leva et le suivit.
Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.
Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »
Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.
Dowtown Abbey. Je suis accro à cette série. Au départ je la trouvais un peu lente au démarrage, et puis finalement j’ai été complètement prise dans ces histoires de château britannique à l’orée du XXe siècle. Un monde, deux mondes (celui des employés de maison et celui des aristocrates), confrontés aux changements du siècle. Tout un univers codé où chacun sait où est sa place et où chacun reste à sa place (enfin presque).
Dans l’un des épisodes de la 3e saison (attention spoiler !), une des anciennes employée, qui, pendant la guerre de 14, avait eu le malheur de coucher avec un des soldates (artisto) et d’en avoir un enfant (non reconnu), revient dans le village. Entre temps elle est descendue bien bas : elle a fini par se prostituer pour vivre. Elle revient en temps qu’employée de maison d’une autre famille. Mais aux yeux du village elle reste la prostituée. Et il est vivement interdit de la fréquenter. Que ce soit les employés de maison du château (ils y perdraient leur réputation à côtoyer une catin) ou les aristocrates (que pensera-t-on de la famille si elle mange des repas préparés par une prostituée ! Leur réputation là aussi est en jeu !). Les personnes « fréquentables » n’ont pas à se mêler aux personnes « infréquentables ».
Comme si la prostitution, la déchéance, comme la maladie, était contagieuses. On ne fréquente pas certaines personnes car se serait quelque part se salir et salir sa réputation que de les fréquenter.
Au temps de Jésus, les infréquentables étaient bien entendu les prostituées, les lépreux etc.. Mais il y avait aussi les personnes comme Matthieu qui étaient publicains : juifs, ils collectaient l’impôt pour l’occupant romain. Des traîtres en gros. Des personnes pas vraiment fréquentables. On n’allait tout de même pas se mettre à table avec ces types-là !
Sans compter les règles de puretés à respecter. Le judaïsme distinguait et distingue toujours le pur de l’impur. En fait, l’on devrait plus vraisemblablement dire « le sacré », du « profane ». Et les deux ne devaient pas se rencontrer. Le sang par exemple relevait du divin, du sacré. Toucher du sang, ou en tant que femme, avoir ses règles, faisait se rencontrer les deux mondes : le sacré et le profane. Ce n’était pas possible. Il fallait donc se purifier. Des animaux ou des situations sont par essences « impures » : le porc est un exemple. La maladie aussi. C’est pourquoi le judaïsme a aussi développé tout un lot de règles visant à distinguer les situations pures des situations impures (être pécheur) et comment se préserver de l’impur, en plus des règles visant à retrouver la pureté.
Et là, nous nous retrouvons dans une situation où Jésus est mis au pied du mur par les Pharisiens : comment ? Il ose s’attabler avec des impurs ? Des intouchables ? Comment lui, qui se dit Juif, partage son pain avec des impurs ? Ils vont le contaminer ! Cela ne se fait pas ! Chacun doit rester à sa place !
Or la démarche de Jésus est différente et basée sur énormément de miséricorde. Ce qui nous rend impur, ce qui nous éloigne du sacré, ce ne sont pas tant nos actes en rapports avec des règles, que ce que nous portons dans le cœur. Ce sont nos pensées qui peuvent être impurs et nous éloigner de Dieu. Or Dieu nous laisse libres. Libres de faire le bien, libres d’aimer son prochain. Or si nous n’avons pas le cœur ouvert à cela, à quoi peuvent servir des rites destinés à nous purifier le corps par exemple ? Je peux dire des méchancetés sur mon voisin, mais si je ne touche pas ma femme quand elle a ses règles c’est bon ? C’est un peu comme si on nettoyait un super plat de service (rutilant le plat !) mais que dedans on servait des fruits pourris.
La démarche de Jésus est donc opposée. Il n’est pas pour renverser les règles. Il est là pour les prioritariser. Aimer son prochain est la première règle. Avoir de la miséricorde pour ceux qui tombent, pour ceux qui sont petits, pour ceux qui sont malades. C’est là où Dieu nous attend !