Voilà un article que j’ai longtemps hésité à écrire. Mais si ça peut aider d’autres personnes dans le même cas que moi, alors c’est parti ! Je suis prête à vous dévoiler toute la vérité, rien que la vérité. Et la vérité c’est que je suis malade. Rien de très grave, mais pas mal handicapant. Et quand on fait du sport à haute dose, avoir un truc qui déconne dans son corps c’est pas toujours évident. Encore plus quand il s’agit d’un sport de contact où l’on ne peut pas relâcher son attention ou être moins en forme un jour qu’un autre sinon bonjour les dégâts.
C’est quoi l’souci ?
J’ai ce qu’on appelle une hypothyroidie d’Hashimoto. Ça a l’air cool et exotique, pour un peu ça aurait bien sa place sur la carte d’un resto japonais mais en fait c’est relou. Pour la faire simple, ma thyroïde ne fonctionne pas très bien, voire pas du tout. Et c’est fort contrariant parce que c’est elle qui est censée chapeauter un peu tout le fonctionnement du corps : l’appétit, les hormones, le poids, les humeurs, le sommeil, la digestion et plein d’autres trucs encore. Y’a des maladies de la thyroïde qui se soignent, mais pas la mienne. C’est une maladie auto-immune. En gros, mes anticorps sont débiles et attaquent sans cesse ma thyroïde comme si c’était un corps étranger. Et on n’y peut rien à part prendre des cachets. Saleté de système immunitaire.
Les médecins ont mis pas mal de temps avant de diagnostiquer ce que j’avais donc j’ai passé pratiquement une année à me demander ce qu’il déconnait chez moi. Je suis passée sous la barre des 50 kg (pour 1m70, ça fait léger), ne mangeait plus, dormait tout le temps et étais très très déprimée. Déprimée parce que c’est une des conséquences de cette saloperie mais déprimée aussi de savoir que j’allais avoir à dealer avec ça pour le restant de mes jours. Que je devrais prendre des cachets tous les putains de jours jusqu’au dernier. Qu’à 21 ans, je serai à jamais liée à cette petite boîte de médicaments sans laquelle je ne peux pas vivre correctement. Genre okay, vous n’avez pas plus aliénant, sinon ? Bon je sais évidemment qu’il y a dix mille autres maladies bien plus graves que celle-ci (la preuve, je vis à peu près bien avec maintenant) mais sur le moment, on se demande "pourquoi moi ?" en se roulant par terre.
Etre malade et faire du roller derby = compatible ?
A peu près au même moment que le diagnostic, je me mettais au roller derby. Au début ça allait à peu près mais plus les semaines passaient et plus c’était dur, le temps que les médocs fassent effet. J’étais à bout de force, je ne pouvais même pas faire un entraînement en entier. Je devais ménager des moments de repos et de toute façon il m’était impossible de rester concentrée. Quand je tombe sur des photos de cette période, je me dis que c’était pas étonnant, mes cuisses étaient aussi grosses que mes bras. J’en demandais beaucoup à mon corps qui n’était absolument pas capable de faire ce que je lui dictais.
Début 2012, c’est une vraie bataille que j’ai menée contre moi-même. Il fallait gérer de front tous ces nouveaux soucis et cela me semblait insurmontable. Et puis j’ai décidé de tout avouer à mes derby sœurs. J’avais mis un point d’honneur à laisser la maladie de côté mais c’était trop difficile à porter toute seule. J’ai reçu beaucoup de messages de soutien, d’amitié et de compassion. Ça m’a reboosté à mort et là, j’ai commencé mon ascension. J’avais l’impression de n’avoir plus aucun obstacle. Certes, ma santé était encore fragile mais je reprenais le dessus à force de travail, de pensées positives et de soutien. C’était fabuleux. J’étais la reine du rink.
Et maintenant alors ?
Maintenant, je ne me considère pas comme quelqu’un de "malade". Je ne me définis pas par cette maladie même si à cause d’elle j’ai du réadapter mon mode de vie, revoir mes priorités et que mon caractère et mon comportement ont changé. C’est difficile d’accepter d’être une autre personne (pas spécialement meilleure qui plus est).
En entraînement, il y a des moments plus difficiles que d’autres. L’hypothyroïdie c’est surtout de la grande fatigue. Je vais être à fond pendant quelques temps et tout d’un coup, je sens que je ne peux pas faire plus. Je respire mal, ma gorge se serre, je n’arrive pas à reprendre mon souffle et mes jambes ne me portent plus. J’ai du mal à me muscler car mon corps dépense plus d’énergie à me faire tenir debout plutôt qu’à mémoriser les mouvements. J’ai à cause de ça des soucis de confiance et je reste pas mal déprimée par moment. Lors des matchs/trainings, je suis à fleur de peau et la moindre réflexion peut prendre des proportions démesurées (la faute aux hormones qui font la fête du slip). Heureusement d’ailleurs que je suis seulement joueuse et pas coach ou line-up parce que je ne peux plus parler fort, c’est douloureux de forcer sur la gorge.
Ma thyroïde n’est pas encore stabilisée et comme j’ai testé des médecines secondaires (acupuncture/homéopathie), j’ai un peu déréglé la chose. Mais clairement, je ne suis plus fataliste et me dis que je peux changer la donne. Oui, ce dysfonctionnement je ne l’ai pas demandé mais je peux aussi réduire son impact au minimum. Il n’y a que moi qui puisse définir la rollergirl que je suis.
T’es pas seul(e) dans ta galère
Les dysfonctionnements de la thyroïde sont fréquents et nombreux, je suis donc sûre qu’il y a plein d’autres rollergirls dans le même cas que moi. Tout ça pour dire qu’il ne faut jamais perdre l’envie ni la motivation quelles qu’en soient les causes. Etre malade, faire du sport, se confronter à plus fort que soi et réussir, c’est possible. Il suffit de s’en donner les moyens et surtout, surtout ne pas rester seul(e). Je me souviens de ce qu’une joueuse m’a dit lorsqu’elle a su toute cette histoire "Je ne te verrais jamais "malade" alors attends toi à prendre des coups encore et encore !". Et ça, ça fait du bien !
Et pour finir, j’écris cet article parce que j’aurais bien aimé pouvoir être rassurée quand j’ai appris que j’avais ce truc. Savoir qu’il y a d’autres personnes qui ont la même chose, à qui j’aurais pu parler. J’ai du me reconstruire seule. Maintenant ça va plutôt bien et si toi, tu es dans la même situation que moi et que tu souhaites en parler, je suis toute à toi !