au Centre d’art Santa Monica, à Barcelone, jusqu’au 10 Juin.
Dans ce centre d’art en bas des Ramblas, l’espace principal est occupé par une installation, Lugar de Silencios de Montserrat Soto. Sept écrans posés au sol délimitent un espace central, un cercle quasi fermé. On a le sentiment d’y être enfermé, dans une cellule, de prison ou de moine. Sur chacun des écrans est projeté un mur blanc, immaculé, marqué d’une fenêtre grillagée, fermée de barres épaisses et solides. Enfermement supplémentaire, la fenêtre donne sur un mur de parpaings grossièrement construit, comme si, avant de vous enfermer, on s’était hâté de boucher aussi votre horizon. Parfois le travail n’est pas fini, il reste un petit vide en haut des parpaings, on aperçoit un peu de ciel, quelques branches d’arbres agitées par le vent, un oiseau de liberté peut-être. Parfois, un homme, un garde passe là.
Ce cloître, cette prison sont des lieux de silence, des endroits où méditer, où prier, où se morfondre, lieux dédiés au secret, à l’absent, au solitaire, au muet, à la pause, à l’intervalle. Mais jamais le silence n’est parfait, le son zéro n’existe pas dans la nature. Ce silence sculpte l’espace, le définit, excluant l’extérieur bruyant, se concentrant sur cet intérieur, cet intime. On pense bien entendu à John Cage (4′ 33″) où les musiciens ne jouent pas, où le silence se déploie, reflet du réel, libérateur. Mais aussi à Isabelle d’Este, peinte par Titien, et à sa devise du silence, partition de musique ne comprenant que des silences, pauses et soupirs, qui ornait ses bijoux et le studiolo de son château de Mantoue. Dans ce silence trouveraient leur place les non-films de Debord (Hurlements en faveur de Sade) ou de Dufrêne (Tambours du jugement premier) et les monochromes de Malevitch ou de Rauschenberg. Mais même sans ses références plus politiques, la simple esthétique du silence envahit cette pièce et c’est tout à fait fascinant.
L’autre exposition intéressante du CASM est, tout en haut, celle de Jill Magid. Protagoniste du roman d’un autre (Jerzy Kosinski), elle passe un contrat avec un policier qu’elle accompagne dans ses rondes nocturnes. Elle achète, pour $13 000, la fabrication d’un diamant à partir de 227 grammes de ses cendres après son incinération mortuaire, en spécifiant le poids, la taille et la couleur : Autoportrait en attente. La monture est exposée, attendant son diamant, sa mort; en pendant, une balle de revolver 9 mm. C’est un travail d’exploration, de révélation, de découverte des failles poétiques du système.
Enfin, devant le centre, sur les Ramblas, là où des mimes imitent des statues, Christian Jankowski a installé des statues qui imitent les mimes qui imitent les statues.
Photos Monserrat Soto copyright ADAGP. Conformément aux exigences de l’ADAGP, ces photos seront retirées du site à la fin de l’exposition.