[À vous de voir !] Frances Ha ou Le Congrès ?

Par Anaïs

Rencontre du troisième type cette semaine avec deux ovnis cinématographiques : Frances Ha  et Le Congrès. D'un côté donc, le résultat de l'accouplement cérébral de Noah Baumbach (réalisateur de Greenberg, scénariste de Fantastic Mr. Fox) et de Greta Gerwig (nouvelle icône branchée), de l'autre, le dernier rejeton d'Ari Folman, à qui l'on doit entre autres La Valse avec Bachir.Tous deux se distinguent par la forme – l'un est tourné en noir et blanc, l'autre mêle images réelles et animées – et par le fond. Le premier s'illustre en effet par son ton décalé et par la personnalité fantasque de son personnage principal, le second lui, par son postulat – un monde où les studios n'ont plus recours aux acteurs mais à leurs alias et sont ainsi libérés des caprices de stars ou encore des ego

Enfin, ces longs-métrages mettent en lumière deux femmes (Frances et Robin Wright) qui ne sont pas en phase avec leur monde, qu'il soit réaliste dans Frances Ha ou futuriste dans Le Congrès et donc qui résonnent nécessairement en nous. Nous les "creep", les "weirdo", comme le chante si bien Thom Yorke. Bien qu'inégales, deux bouffées d'air frais, à contre-courant. Pour notre plus grand plaisir.


- Frances Ha (Noah BaumbachL'esquisse sympathique d'un rite de passage universel, celui de l'adolescent – Frances Ha ici, vingt-sept ans (!) – vers l'âge adulte. Une quête initiatique éminemment légère qui relate plus spécifiquement les galères d'une excentrique inadaptée au monde dans lequel elle vit. Si le postulat de départ s'avère intéressant, il souffre malheureusement de la photographie en noir et blanc, extrêmement distanciée– et pseudo branchée... – qui enraye automatiquement toute émotion chez moi. Ainsi, bien que je ne puisse que m'incliner devant le casting (en particulier devant le jeu de l'inimitable Greta Gerwig ou encore du made in Girls Adam Driver), j'ai malheureusement constamment oscillé entre intérêt et gêne voire agacement pour cette anti-héroïne pas suffisamment approfondie à mon goût et, mise en scène indé-bobo-hipster oblige, trop inaccessible. À défaut de m'y attacher, je me suis toutefois repue des bavardages de Frances, d'une nonchalance éminemment pétillante et de l'intrigue, qui traite en priorité d'amitié et non d'amour  ce qui est assez rare pour être souligné  et, cerise sur le gâteau  qui est parcourue par une bande originale exquise (dont le fameux "Modern Love" de Bowie). En résumé, une biographie générationnelle pas foncièrement mauvaise mais frustrante car inaboutie. 
En deux mots :loufoque et incommodant.
Le petit plus : la fille de Sting a obtenu le second rôle principal du film. Elle incarne en effet la meilleure amie de Greta Gerwig : Sophie. À noter, vous l'avez peut-être déjà vue dans la série The Borgias.N'hésitez pas si :
  • vous adorez les comédies dramatiques atypiques ;
  • la thématique du difficile passage à l'âge adulte vous intéresse ;
  • vous vénérez Greta Gerwig (une fois de plus, elle crève l'écran !) ;
Fuyez si : 
  • vous n'accrochez ni à la Nouvelle Vague, dont le réalisateur dit s'être grandement inspiré, ni à Woody Allen (Frances Ha rappelle à coup sûr son Manhattan) ; 
  • les anti-héroïnes maladroites vous agacent fortement ;
  • vous recherchez un long-métrage qui vous fasse rire à gorge déployée (Frances Ha est une comédie cérébrale à mon sens, on rit donc avec le cerveau et non avec la bouche) ;

- Le Congrès (Ari Folman)
Une incroyable fable d'anticipation dans laquelle Robin Wright, incarnée par Robin Wright elle-même, se voit proposer une ultime offre cinématographique : être scannée par Miramount qui disposera ainsi librement de son image et pourra faire jouer son alias dans tous types de films et à tout moment ou préserver son unicité et tomber dans les oubliettes. Si la première partie, qui questionne plus spécifiquement le droit à l'image et la résistance à une dictature de l'animé – avatar du 3D ici ? – est brillante, la seconde en revanche, qui est entièrement dessinée et qui s'attache à la dématérialisation des corps – il suffit de boire une substance modifiée pour devenir quelqu'un d'autre – se perd dans une opulence visuelle et cartoonesque dont on ne saisit pas tout. Hormis cet épilogue quelque peu nébuleux, Le Congrès dissèque avec brio la condition humaine et offre des scènes d'une rare intensité émotionnelle (mention spéciale pour Harvey Keitel, d'une justesse incroyable, et pour sa voix, qui ébranle puissamment). En résumé, une satire étourdissante d'Hollywood et à travers elle, du jeunisme forcené mais aussi et surtout de la surconsommation et de l'hypertechnologie. Un plaidoyer extra sensoriel enfin, fragilisé par une deuxième partie plus inégale mais pour autant très intelligent et émouvant.
En deux mots : dense et critique. 
Le petit plus : Le Congrès est l'adaptation du roman éponyme de Stanislas Lem (que j'ai désormais très envie de lire). N'hésitez pas si :
  • vous aimez les films futuristes ;
  • la satire de studios devenu totalitaristes vous intrigue ;
  • vous êtes fan de Robin Wright (après House of Cards, elle délivre une fois de plus une performance exceptionnelle) ; 
Fuyez si : 
  • vous ne supportez pas les intrigues nébuleuses ; 
  • les dérives de l'hypertechnologie ne vous intéressent pas ;
  • vous n'aimez pas les films d'animation surchargés (il y a dans la deuxième partie du Congrès une profusion de détails qui peut facilement étouffer)  ;
Verdict ?Victoire du Congrès qui sera d'ailleurs sans doute – et je prends peu de risques en affirmant cela, au vu de la programmation cinématographique estivale  le film du mois. En dépit d'une deuxième partie un brin confuse, ce pamphlet se distingue en effet par son éloquente originalité et son regard incisif – même si parfois maladroit.À vous de voir !