Affaire Snowden: la France a perdu des plumes
Le HuffPost | Par Grégory Raymond
Malgré une journée du 3 juillet qui a semblé tourner au vinaigre, l'Europe et les Etats-Unis devraient bien s’asseoir autour de la table des négociations. Les Européens ont finalement accepté de démarrer les négociations lundi, sur un accord de libre-échange, après un imbroglio diplomatique mondial.
À Berlin, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a annoncé ce mercredi 4 juillet, en présence des dirigeants allemand et français, que les négociations sur un accord de libre-échange seraient bien lancées le 8 juillet. Comme Paris le réclamait, des groupes de travail commenceront en parallèle pour clarifier l'ampleur de l'espionnage pratiqué par Washington.
Sponsorisé par MAMPour résumer, l'Europe (et surtout la France) accepte de négocier l'accord de libre-échange commercial avec Etats-Unis, pendant que ces derniers devront faire la lumière sur les espionnages révélés par le Guardian et le Spiegel. Ces deux journaux se sont basés sur des informations fournies par Edward Snowden, ancien consultant à la NSA, une agence américain de renseignement.
Berlin et Washington aux manettes de la négociation
"Nous avons convenu de la chose suivante: nous croyons à la relation transatlantique, mais nous voulons dans le même temps des groupes de travail", qui analysent l'impact des pratiques d'espionnage américaines, a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
Dans la soirée de mercredi, le président américain Barack Obama a assuré à la chancelière allemande Angela Merkel que les Etats-Unis "prenaient au sérieux" les inquiétudes européennes qui ont suivi les révélations sur les pratiques d'espionnage.
Le Spiegel a notamment révélé que la NSA avait pris pour cible les bureaux de l'Union européenne à Bruxelles et la mission diplomatique de l'UE à Washington. Dans le même temps, le Guardian a avancé que la France, l'Italie et la Grèce figuraient parmi les 38 "cibles" surveillées par l'agence de renseignement. L’Allemagne ferait par ailleurs partie des pays les plus écoutés.
Des responsables allemands et américains devraient se rencontrer pour évoquer ces questions plus en détail au cours des prochains jours, ont convenu Barack Obama et Angela Merkel au cours d'un entretien téléphonique mercredi. Selon la Maison Blanche, un groupe transatlantique d'experts devrait se réunir "dès le 8 juillet" pour échanger des informations sur le programme américain de surveillance des communications ("Prism"), qui vise également les citoyens européens.
Le long périple de Morales et les "regrets" d'Hollande
Invisible depuis son départ de Hong Kong il y a 11 jours, Edward Snowden a permis la publication le week-end dernier de nouvelles informations sur l'espionnage des communications de l'Union européenne, provoquant la colère des Européens, France et Allemagne en tête.
Soupçonné d'avoir emmené avec lui Edward Snowden, le président bolivien Evo Morales, en provenance de Moscou, a dû faire une escale forcée de 13 heures à Vienne après que plusieurs pays européens, dont la France, eurent interdit à son appareil de survoler leur espace aérien. Il a finalement pu quitter la capitale autrichienne mercredi en fin de matinée, pour rejoindre son pays jeudi matin.
"C'était quasiment comme un enlèvement de près de 13 heures", a protesté le président bolivien, furieux, lors d'une conférence de presse à l'aéroport autrichien. Il a notamment pointé du doigt la France, l'Italie, le Portugal et l'Espagne qui ont, selon La Paz, refusé à son avion le survol de leur territoire. Il s'agit "d'une erreur historique", a-t-il lancé, "d'une provocation (...) envers la Bolivie et toute l'Amérique latine, c'est une agression envers l'Amérique latine".
L'imbroglio diplomatique s'est produit quelques heures après que Evo Morales ait déclaré, en marge d'une visite mardi à Moscou, que son pays était prêt à accueillir le fugitif réfugié actuellement dans un aéroport moscovite.
Paris a fait part à la Bolivie de ses "regrets" pour avoir refusé le survol de son territoire. "Il y avait des infos contradictoires sur les passagers qui étaient à bord", a dit le président français. "Dès lors que j'ai su que c'était l'avion du président bolivien, j'ai donné immédiatement l'autorisation de survol" du territoire français, a-t-il ajouté.
Crise diplomatique entre Paris et l'Amérique latine
D'autres dirigeants sud-américains se sont indignés de cet épisode. Dilma Rousseff, présidente du Brésil, a affirmé que "la contrainte exercée sur le président Morales affecte non seulement la Bolivie, mais aussi l'Amérique latine et elle compromet le dialogue et les possibles négociations entre les deux continents." Autant dire que le Rafale français vient de perdre de sérieuses chances pour le renouvellement de la flotte brésilienne.
Indignation identique en Argentine. Selon sa présidente, Cristina Kirchner, "l'offense vise toutes les nations latino-américaines et spécialement le peuple bolivien". Un conseil extraordinaire de l'Unasur (Union des nations sud-américaines) est aussi envisagé, à une date encore indéterminée.
En visite officielle en Biélorussie, le président vénézuélien Nicolas Maduro a mis en cause "l'obsession impériale" pour expliquer "la violation de toutes les immunités internationales qui protègent les chefs d'État". Il a en outre assuré que le Venezuela répondra "avec dignité à cette agression dangereuse, disproportionnée et inacceptable".