Batho, Kerviel, Comptes de Campagne de Sarkozy : l’omerta se fissure.

Publié le 05 juillet 2013 par Lino83

Posté  par Raquel Garrido le 04/07/2013

Delphine Batho qui résiste, Jérôme Kerviel qui relève la tête, le Conseil Constitutionnel qui rejette le compte de campagne de Sarkozy. Sale journée pour la 5ème République ! Vite, la 6ème !

La monarchie quinquennale prend l’eau. Rien ne se passe comme prévu.

Normalement, les ministres sont tellement contents et reconnaissants que le Président leur octroie un maroquin qu’ils ne pipent mot. Normalement, un by Text-Enhance"> by Text-Enhance"> by Text-Enhance">trader condamné à payer 4,9 milliards d’euros devrait se taire à tout jamais. Normalement, les comptes de campagne d’un candidat tricheur peuvent être validés par le Conseil Constitutionnel.

Et pourtant.

Aujourd’hui, Delphine Batho a parlé. En l’écoutant je me suis souvenue de 2005, lorsqu’avec Jean-Luc Mélenchon nous avons décidé de rompre la discipline du PS et de faire campagne pour le NON au Traité Constitutionnel européen. Je me suis souvenue également de la conférence de presse de 2008 où nous annoncions notre départ du PS. C’était dans une salle très semblable de l'Assemblée Nationale. Delphine Batho a dit des choses simples aujourd’hui. Mais il lui fallait du courage pour les dire car elle est la première à rompre l’omerta.  

Elle a rappelé quelques principes de base de la gauche : Face à la finance et aux lobbys, il faut la société mobilisée ; Si elle ne propose pas de dessein majeur et se contente d’imposer la rigueur sans le dire et sans débat,  la gauche ouvre la voie à l’extrême-droite ; la transition écologique et l’emploi ne s’opposent pas, bien au contraire. Ces affirmations de base étaient intolérables par le régime de la 5ème République qui ne donne qu’un rôle de vassal à tous les responsables politiques autres que le Président de la République.

Mais l’affront fait à la 5ème République va plus loin. La parole de Delphine Batho s’est spectaculairement libérée quand elle a dévoilé que le mari de Sylvie Hubac, Directrice de Cabinet de François Hollande, est patron de l’entreprise Vallourec, directement intéressée  par l’exploitation des gaz de schiste, et que celui-ci a annoncé en avance cette éviction ministérielle. C’est bien le ressort d’un régime oligarchique que Delphine Batho a souligné devant les yeux ébahis de tous ceux qui font – en général – semblant de vivre en régime parfaitement démocratique. Enfin, par un détail qui tue, Delphine Batho a prouvé qu’elle a été limogée parce qu’elle ne fait pas partie de la caste oligarchique : les qualificatifs obséquieux utilisés par l’Elysée pour annoncer la démission de Jérôme Cahuzac. A côté, le ton sec utilisé pour rendre public le limogeage de Delphine Batho est frappant. Les hommages pour le menteur et voleur, l’indignité pour elle. Mais elle est une femme, mais elle n’a pas fait d’études supérieures. Elle milite depuis l’adolescence tandis que chez les belles personnes on entre en politique après l’ENA (ou les études de médecine, en l’espèce), lorsqu’on est repéré par un cacique du parti. Bref, on est membre de l’oligarchie, ou on ne l’est pas. Et vu que oligarchie veut étymologiquement dire le gouvernement des « peu », on a statistiquement plus de chances de ne pas en être que d’en être.

Aujourd’hui, Jérôme Kerviel a relevé la tête.

Abattu par la machine, il s’est présenté au Conseil des Prud’hommes comme un simple ex-employé, ce qu’il est. Il était un employé modèle, même, capable de générer des gains surréalistes en acceptant une règle du jeu aussi immorale qu’illégale. La Société Générale en était ravie. Et lorsque la crise des subprimes arriva, l’employeur a trouvé l’employé idéal sur lequel jeter toute la faute. On disait de Kerviel qu’il était taiseux. On croyait que ce silence cachait mal sa culpabilité.

Et pourtant. Kerviel a été plus bavard aujourd’hui. Porté par la solidarité que lui ont manifesté des militants de gauche qui n’ont pourtant rien à by Text-Enhance"> by Text-Enhance"> by Text-Enhance">voir avec son monde de trader, il a su expliquer. Que la Société Générale lui imputait une perte de presque 5 milliards d’euros sans que personne n’ait jamais expertisé la réalité de la dette. Que sur le fondement de cette somme déclarée qu’il conteste, Madame la Ministre Christine Lagarde, en ce aidé par son directeur de Cabinet Stéphane Richard, avait déboursé la somme de 1.7 milliards à la So Gé. Qu’il s’agit d’argent public, et que dans cette affaire il n’est donc pas question que de sa seule personne. En effet, on retrouve ici les protagonistes de plus en plus connus de l’oligarchie française.

Aujourd’hui, le Conseil Constitutionnela rejeté les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy est bien placé pour savoir que le Conseil Constitutionnel est un bon allié, puisque le bon Conseil avait validé les comptes d’Edouard Balladur dont on sait depuis qu’ils n’auraient pas dû l’être.

Et pourtant. C’était sans compter sur la persévérance de simples citoyens, comme cet élu Vert de Grenoble, ou comme Alain Garrigou, chercheur à l’Université de Nanterre, qui ont donné des éléments au Conseil Constitutionnel, notamment sur l’achat illicite de sondages par l’Elysée. Il en fallait du courage. Depuis qu’il a dénoncé les magouilles du sondeur Buisson, Alain Garrigou est persécuté en justice. Si le Conseil Constitutionnel avait validé les comptes en dépit de tout, sa légitimité, déjà très contestée, sombrait définitivement.

Certains diront que la moralité c’est que pour faire mentir le Conseil Constitutionnel il faut être Président de la République, et que Nicolas Sarkozy a eu le tort de perdre l’élection. Peut-être bien. En attendant, il est désormais officiel que le Président Sarkozy utilisait son pouvoir absolu pour que le candidat Nicolas puisse tricher. C’est donc que nos institutions le permettent.

Merci Delphine, merci Jérôme, merci le Conseil Constitutionnel. Ce jour est à marquer d’une pierre blanche. Une pierre qui pave le chemin de plus en plus court vers ce moment où la 5ème République coulera pathétiquement pour laisser place à une 6ème République où l’exercice de la souveraineté par le peuple sera la règle, et non l’exception.