En progression de deux points à 34% après une chute continue depuis janvier, François Hollande a-t-il touché un plancher ce printemps ?
Jean-Daniel Lévy : Il serait hasardeux de dire cela. Il s’avère, cependant, que François Hollande renoue quelque peu avec une frange de son électorat. Tendanciellement, François Hollande progresse de six points (au cours des deux derniers mois) auprès des sympathisants du Parti Socialiste et voit la confiance à son égard progresser chez les jeunes.
L’analyse des expressions spontanées des Français lui accordant leur confiance fait ressortir les dimensions suivantes : « l’honnêteté » (que l’on peut entendre comme une forme de sincérité), « le temps » (reprenant ici l’antienne socialiste), mais également une référence aussi bien aux termes «socialiste» qu’à « Sarkozy ». La comparaison avec Nicolas Sarkozy réapparait et le regard d’un Président plus posé que ne pouvait l’être son prédécesseur participe de la remontée de la confiance exprimée à l’égard de François Hollande. Observons également que les références, en négatif, au terme « mariage pour tous » tendent à s’amenuiser.
Après une chute marquée de 14 points le mois précédent, François Hollande retrouve la confiance d’un électeur du Front de Gauche sur deux. Est-il possible de concilier les deux courants de la Gauche malgré un positionnement réformiste qui s’affirme au fil du temps ?
Jean-Daniel Lévy : L’enquête fait plutôt état d’une forme de « retour à la normale ». Si l’on regarde les courbes, on observe qu’un peu plus d’un sympathisant du Front de Gauche sur deux accorde sa confiance à François Hollande et que ce ratio est identifié depuis plusieurs mois. La vague précédente reflétait plus un décrochage momentané que la marque d’une nouvelle tendance. Rappelons que nous sous situions, à l’époque, dans le sillage de la manifestation du 5 mai organisée notamment par Jean-Luc Mélenchon et ses proches.
Comment expliquer la forte progression de François Hollande et Jean-Marc Ayrault auprès de moins de 35 ans ?
Jean-Daniel Lévy : La remontée dans l’opinion est manifeste auprès de cette frange de population. On le sait, François Hollande avait fait de la « jeunesse » l’un de ses axes de campagne et la marque de la réussite ou non de sa politique. On le sait, souvent, les jeunes ne sont pas sensibles à des politiques publiques qui leur seraient spécifiquement dédiées. Alors que l’on a tendance à considérer les plus jeunes comme les plus distants à l’égard de la politique, on remarque que ceux-ci mobilisent plus que les autres les termes institutionnalisant le Président de la République et font état tant de la fonction exercée que du caractère démocratique l’amenant à incarner ce rôle. Les jeunes de moins de 35 ans sont également les plus propices à mobiliser la comparaison avec Nicolas Sarkozy. La référence à l’ancien Président, jusqu’ici marginale, et aujourd’hui un peu plus importante, constitue probablement l’une des clefs d’explication.
Delphine Batho ne pesait t-elle vraiment rien dans l’opinion ? Et son limogeage constitue t-il vraiment une mauvaise chose pour la construction de son positionnement politique ?
Jean-Daniel Lévy : Dans le cadre de cette enquête, on observe que Delphine Batho est la ministre qui se situait en bas du « classement ». 23% des Français indiquaient lui accorder sa confiance et il s’agissait manifestement du plus faible taux. Ajoutons à cela qu’il s’agit de la ministre que nous testions qui recueillait le plus grand nombre de sans-réponse. On constate aujourd’hui que « l’écologie » ne constitue pas une thématique spontanément mobilisée par les Français. Reste que ceux-ci sont préoccupés par le réchauffement climatique, la santé, la qualité de l’alimentation… Reste également que même si le débat relatif à la transition énergétique n’a pas constitué une forte mobilisation citoyenne, la thématique n’a pas été considérée comme secondaire par les Français. Une enquête que nous avons menée pour European Climate Foundation, le Conseil Economique, Social et Environnemental ainsi que Euros Agency mettait en avant l’urgence perçue tant par nos concitoyens que par les dirigeants d’entreprise à agir. Delphine Batho peut se féliciter que les Français d’une manière générale (mais pas les sympathisants socialistes) n’aient pas, à chaud, approuvé la décision de François Hollande de la démettre de ses fonctions. Quand bien même ils pourraient considérer que la solidarité doit œuvrer dans le cadre d’un collectif gouvernemental, on peut émettre l’hypothèse que la rapidité de la décision a créé du trouble.
En France, un climat de suspicion relatif à la sincérité du propos des responsables politiques nuit fortement au soutien. On peut penser que si, aux yeux des Français, Delphine Batho a préféré perdre son poste que ses convictions, elle pourra – au moins momentanément – tirer bénéfice de son départ.