Trivialisation publique

Publié le 25 avril 2008 par Nicole Guichard

Vie publique,Vie privée
Où sont les limites ?
Il n'y aurait jamais eu de salles de bains sans une révolution des mentalités. Dans l'Antiquité, sous l'Ancien Régime, on se lave devant les autres – sa famille, ses connaissances, son personnel si on est aristocrate –, que ce soit dans la pièce centrale de la maison ou aux bains publics. La modernité impose une forme d'individualisme, de souci de soi indissociable du cloisonnement des espaces, de l'invention de l'intimité. Aujourd'hui, nous vivons un affaiblissement croissant de la séparation du public et du privé. Les politiques exposent dans les médias leurs ruptures, leurs rencontres ; les stars se dévoilent jusque dans leur lit ; les émissions de télé-réalité, les autofictions littéraires ou artistiques, les blogs, les pages perso, les vidéos circulant sur le Net participent à ce déballage. On assiste à une offensive sans précédent contre la sphère privée, qui entraîne mécaniquement une crise du politique et du public. Pour s'y retrouver, il faut d'abord tenter de redéfinir les frontières et s'interroger sur les nouvelles relations établies entre citoyens, médias et pouvoir. Les historiens Georges Vigarello et Alain Corbin prennent du recul et racontent la naissance de la vie privée. Le philosophe Michaël Foessel s'interroge sur la trivialisation de la vie politique, tandis que le spécialiste de philosophie politique Philippe Raynaud bat en brèche l'idée reçue selon laquelle la France s'américaniserait. Marcel Gauchet, auteur du Désenchantement du monde, explique pourquoi l'exposition de l'intime menace l'existence d'un monde commun. Enfin, la journaliste Marine de Tilly a enquêté sur l'autofiction comme stratégie créative face à la tyrannie de la transparence.
Dossier Philosophie magazine-Mai 2008-En kiosque