A Marseille, mercredi 3 juillet, le Britannique Mark Cavendish remporte le premier sprint massif du Tour 2013, sa 24evictoire d’étape. Pendant ce temps-là, les sénateurs ont du mal à rester dans la roue…
Depuis Marseille (Bouches-du-Rhône).Raymond Devos aurait adoré l’exercice. Pas moins de cinquante-cinq ronds-points ont jalonné les 228,5 km de l’étape, hier, entre Nice et Marseille. De quoi donner le tournis à des cyclistes qui n’en sont pas dépourvus, et des torticolis aux suiveurs qui ne réclament rien. Imaginez un peu : un giratoire tous les 4,1 kilomètres en moyenne, du jamais vu dans l'histoire de la course. Une configuration qui aurait dû être favorable aux échappés rescapés du jour (Lutsenko, De Gendt et les deux coureurs d’Europcar, le Japonais Yukiya Arashiro et le Français Kévin Reza). Peine perdue. Les morts de faim du sprint massif rongeaient leur frein depuis le départ à Porto-Vecchio. Alors les fous de la vitesse ont réglé l’addition, avec, à leur tête, le roi des statistiques : Mark Cavendish est venu quérir sa 24evictoire d’étape. Avec une aisance vertigineuse, notons-le.
Et à part ça ? Le chronicoeur, qui ne manque jamais une occasion de vanter sur les routes du Tour les mérites de la République et de ses principes, se demande sincèrement ce qui a bien pu se passer dans les coulisses du Sénat pour que les responsables de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage décident de revoir leur calendrier de divulgation de leur rapport, attendu par la caravane comme la peste noire. Originellement, celui-ci devait être rendu public le 18 juillet, jour annoncé festif de la double ascension de l’Alpe d’Huez. Finalement, ce sera le 24 juillet, soit trois jours après la bringue des Champs-Elysées tous phares allumés (1). Voyez-vous, aux yeux de nombreux coureurs, la concordance de date apparaissait d’autant plus « fâcheuse » que ledit rapport devrait contenir les noms de plusieurs cyclistes ayant pris de l’EPO durant les Tours 1998-1999. Depuis « l’affaire Jalabert », les coureurs s’inquiétaient. Et avaient même anticipé la zizanie que risquait de connaître la Grande Boucle ce jour-là. Mus par un esprit syndical peu coutumier, plusieurs d’entre eux, en délégation, s’en étaient inquiétés auprès de la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, qui avait elle-même suggéré que les sénateurs regardent leur calendrier « de façon plus pertinente ». Chose faite ! Il y a quatre jours, pourtant, Jean-Jacques Lozach, le rapporteur socialiste, avait glissé solennellement : «Qu'on nous laisse tranquilles. Je trouve complètement déplacée toute ingérence dans les travaux d'une commission d'enquête parlementaire, quelle qu'elle soit.»
Cet étrange revirement nous empêchera d’assister au spectacle tant redouté, celui de voir des commentateurs TV ou radios, des chauffeurs d’invités ou quelques VRP temporaires, tous récents retraités du peloton, quitter la route du Tour avant Paris, frappés d’indignité sportive… Ce spectre risque néanmoins de hanter les suiveurs. Comme avec Jaja, des noms pourraient bien s’échapper du Palais du Luxembourg avant la ligne d’arrivée. Ces noms, une fois encore, se rappelleraient à la mémoire du Tour – qui parfois en manque.
(1)La dernière étape devrait arriver aux alentours de 22 heures… [ARTICLE publié dans l'Humanité du 4 juillet 2013.]