Fait maison

Publié le 04 juillet 2013 par Rolandlabregere

Après qu'une dizaine de députés s’est agitée il y a peu d’un frissonnant désir de Nuit du 4 août http://rolandlabregere.blog.lemonde.fr/2013/06/27/deputes-et-reputes/  pour sonner la fin de leurs privilèges, l’Assemblée a voté (27.06.2013) tambour battant et trompettes de la renommée rugissantes le principe d'un label « fait maison » dans le cadre du projet de loi sur la consommation. Dorénavant, les restaurateurs devront préciser obligatoirement sur leur carte ou tout autre support qu'un plat proposé est « fait maison ». Le député PS Thomas Thévenoud (Saône-et-Loire) a précisé que par ce texte il s’agissait de défendre « les restaurateurs qui ne sont pas des réchauffeurs ni des assembleurs ». La mention fait maison accompagnera le nom de chaque préparation présentée sur la carte de chaque restaurant. Les députés étaient assurément bien dans leur assiette pour s’inquiéter de celle de celles et de ceux qui fréquentent les restaurants qu’un élu voulait désigner sous l’appellation de « lieu où l’on prépare à manger ». Son amendement qui cache une tautologie étoilée a été repoussé à la majorité.

La locution adjectivale fait maison est entrée dans le domaine public. Un bel avenir d’usages variés s’ouvre à elle. Elle a l’avantage de pouvoir être mise à toutes les sauces, servir de label « qualité » ou d’excuse à tout gâte-sauce toqué de travers. Jusqu’à présent elle désignait des réalisations diverses qui oscillaient entre la pratique du bricolage débrouillard et celle des loisirs créatifs dans un esprit de qualité à coût réduit. La vie politique va-t-elle s’approprier des recettes plus conformes au temps de la crise ?

Il serait bon de tester la pratique du fait maison en matière de communication publique ou en ce qui concerne le conseil aux élus et aux politiques. Après les affaires DSK, Cahusac, Guéant et maintenant celle de l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie, il serait tentant de s’interroger sur la valeur ajoutée apportée par les communicants. A la place des prestations des gourous aussi inefficaces qu’onéreuses, les intéressés pourraient concevoir leur défense autrement que comme une stratégie d’entreprise et préférer une approche au plus près des faits connus de la communauté des citoyens. Le fait maison en matière de communication serait de rechercher la simplicité, de tendre vers l’humilité et de tenir un discours de vérité. Il serait alors débarrassé des artifices auxquels la vie politique se trouve aujourd’hui réduite. Le discours fait maison est celui que recommandait La Bruyère lorsqu’il publia en 1688 ses fameux Caractères. Dans l’un de ses courts textes, l’auteur montre Acis, courtisan au langage alambiqué, obscur et incompréhensible. La Bruyère lui propose de troquer son habituel galimatias pour une communication sans prétention : « Vous voulez m’apprendre qu’il pleut ou qu’il neige ; dites : « Il pleut, il neige ». Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m’en féliciter ; dites : « Je vous trouve bon visage. »°Mais répondez-vous cela est bien uni et bien clair ; et d’ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ? Qu’importe, Acis ? Est-ce un si grand mal d’être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? ». Le fait maison de la communication est comme la confiture du même nom : savoureux et agréable, complété par l’invitation subliminale d’un « revenez-y ! » Terminant un discours, un élu pourrait se tourner vers ses proches et se laisser aller « Ce discours, il est fait maison, je n’ai pas fait un copié-collé ». Le fait maison est un gage d’authenticité voire de retour aux savoir-faire artisanaux épanouis avant que la tentation des surprofits ne développe la pratique des délocalisations.

Le fait maison associe la beauté du geste à la bienveillance des destinataires d’une action. Pour ces raisons il devrait séduire les professionnels du discours et surtout satisfaire aux critères du redressement productif. Le fait maison affiche au grand jour sa connivence avec son cousin par alliance, le Made in France. Cette façon de faire, dans son chez soi, s’inscrit dans la tendance de la vogue du bricolage. Les enseignes spécialisées devraient voir les résultats s’envoler. Le gouvernement a dû y penser. Les experts en bricologie au pouvoir ne sont quand même pas tous marteau.