Depuis qu’Edward Snowden a publié des documents explicitant les habitudes d’espionnage des USA à travers le monde, le microcosme politique européen s’indigne en découvrant ces pratiques. En tête des indignés, on trouve les Anglais, les Allemands et les Français. Cette indignation soigneusement simulée tend à faire oublier qu’il existe, depuis des décennies, un système anglo-saxon d’écoute du monde entier, connu de tous, qui s’appelle ECHELON. Initialement appelé UKUZA (United Kingdom - United States), ce système d’écoute a été mis en place dès la fin de la seconde guerre mondiale dans un traité secret passé entre les Anglais et les Américains. Il s’agit d’un réseau d’écoute et d’analyse des informations recueillies qui regroupe le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande et qui couvre ainsi la totalité du monde. Ce système surveille trois milliards de communications quotidiennes, comprenant les appels téléphoniques, les courriels, les fax, les transmissions par satellite et hertziennes, les téléchargements sur Internet. Ce réseau est dirigé par la « National Security Agency » (NSA). Déjà, en l’an 2000, le Parlement Européen s’est préoccupé de l’existence de ce réseau de surveillance et a publié un rapport sur le sujet en 2001. Il est donc difficile de prendre au sérieux l’indignation actuelle devant les « révélations » d’Edward Snowden. La seule certitude que nous pouvons avoir est que le système ECHELON s’est renforcé au cours de ces années et que les câbles transcontinentaux en fibres optiques sont aussi surveillés que tous les autres moyens de communication. Le soi-disant « Cloud » qui n’est autre qu’un ensemble de serveurs installés aux USA est, bien entendu, lui-aussi espionné par la NSA. Les grands opérateurs d’Internet, Google, Yahoo, Facebook, Microsoft, Apple, Amazon, sont tous américains. Il est évident qu’ils sont ouverts à toute demande provenant de la NSA et que les données dont ils disposent sont à la disposition de cette dernière. Dire le contraire ne serait cru par personne. Il est tout aussi naïf de croire qu’un tel système d’écoute ne serve exclusivement qu’à la lutte anti-terroriste et que la tentation de l’utiliser pour l’espionnage commercial et industriel n’existe pas. Depuis 2007, ce système est remplacé par le système PRISM qui n’est que la continuation d’ECHELON. Ce système est un mécanisme permanent de duplication totale des données mondiales circulant sur le Net. Tout courrier électronique et tout fichier en provenance de l’Europe est analysé par un système britannique appelé « TEMPORA », servi par 6000 employés et installé à Cheltenham en Angleterre. Cette surveillance touche, évidemment, les entreprises et les administrations. Les Anglais sont partie prenante de ces systèmes d’écoute depuis le début et leur étonnement indigné d’aujourd’hui n’est qu’une mise en scène. Quant aux Français, leur indignation est tout aussi factice, puisqu’ils ont mis en œuvre un système analogue sous le nom de FRENCHELON. La station d’écoute la plus importante est située à Domme, près de Sarlat en Dordogne. Les autres stations connues sont Alluets-Feucherolles, Mutzig, Le Mont Valérien, le Plateau d’Albion, Agde, Solenzara en Corse, Nice. Il serait étonnant qu’il n’existe pas d’autres stations d’écoute dans les Territoires d’Outre-Mer ! Le vrai problème est que les Européens se retrouvent en position de faiblesse avant les négociations commerciales de libre échange avec les Etats-Unis. Comment négocier quoi que se soit lorsque l’on est certain que la stratégie de négociation est déjà connue de l’interlocuteur ? Le véritable mérite des divulgations d’Edward Snowden est de mettre à jour l’hypocrisie politique de ceux qui gouvernent le monde. Jouer les indignés découvrant l’importance de cette surveillance mondiale est prendre le citoyen pour un demeuré !