La saison pluvieuse en cette année 2013 s’installe difficilement dans certaines régions du Burkina. En pareille situation, de nombreuses rumeurs, et souvent des plus rocambolesques, circulent au sein de la population pour expliquer cette situation. Mais pour les spécialistes de la météorologie, la saison n’est pas encore perdue. Mieux, ils y a des raisons d’espérer.
Des nuages qui se forment, des éclairs, du tonnerre, un espoir de pluie et finalement rien que des vents violents, telle est la situation vécue par les populations dans certaines régions du Burkina. Alors, depuis quelques jours, certaines rumeurs (surtout d’ordre métaphysique) se propagent au sein des populations pour tenter de justifier ce démarrage tardif de la saison pluvieuse. Selon le responsable de la prévision météo de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (ASECNA), Enok Kaboré, il est vrai que le Burkina est dans la période de la mousson depuis pratiquement deux mois mais il faut que l’épaisseur de la mousson soit très importante. Hors, depuis le début de la saison, il a affirmé que les analyses du profil vertical de l’atmosphère au niveau du Burkina, montrent que l’atmosphère n’atteignait pas une certaine épaisseur. C’est pourquoi, quand les nuages se développent, le manque d’humidité favorise à un moment donné sa dissipation. En outre, il a fait savoir que les pluies peuvent provenir de deux origines. Premièrement, il peut avoir un nuage isolé qui se forme et compte tenu de ses caractéristiques, ce nuage a suffisamment de gouttelettes lourdes pour précipiter. Deuxièmement, il naît dans certaines régions comme le Tchad ou le Soudan, une perturbation mobile qui est un ensemble de gros nuages qui se soudent. Ces nuages sont suffisamment puissants qu’il y a des vents, des pluies, des éclairs, des tonnerres etc. Généralement, ce deuxième type de cas a des périodes actives et des périodes passives. Lorsque ces perturbations arrivent au Burkina et si cela coïncide avec la période inactive, cela veut dire que la probabilité qu’il n’y ait pas de pluie est très élevée. Par contre, si cela coïncide avec la période active, cela veut dire que le stockage d’eau au niveau de la perturbation est suffisamment important et nécessairement, il va pleuvoir. « Ceci dit, depuis le mercredi 26 juin 2013, nous avons constaté que l’atmosphère a complètement changé et l’analyse du profil vertical de l’atmosphère montre que l’épaisseur de la mousson atteint 2000m. Dans les semaines à venir, si les conditions de nuage sont réunies, il y a de fortes chances qu’il pleuve », a-t-il révélé. Il a expliqué que l’atmosphère est assez complexe, ce qui fait qu’il est difficile de tout expliquer mais lorsqu’une situation qui va perdurer s’installe, on peut le savoir. « L’humidité est tellement importante dans la formation des nuages et des précipitations que lorsque nous faisons des analyses, notre orientation va surtout vers ce paramètre et nous nous sommes rendus compte que ce paramètre a évolué et nous pensons qu’il va rester stable pendant un certain temps », a assuré Enok Kaboré. A partir du mois de juillet jusqu’à septembre, il pense que la situation pluviométrique du pays pourrait être intérressante.
"L’installation de la saison pluvieuse dépend des régions"
Pour Mme Bienvenue Judith Sanfo, ingénieure agro- météorologiste à la Direction générale de la météorologie (DGM), la saison pluvieuse s’installe au Burkina du Sud au Nord. « Normalement, à partir d’avril, nous avons déjà de la pluie au Sud et il arrive qu’on ait des pluies suffisamment bonnes pour permettre de faire des semis. Au Nord, il arrive que la saison ne commence qu’en début juillet et même souvent au cours de la deuxième décade (chaque décade fait 10 jours) du mois », a-t-elle déclaré. Mme Sanfo a signalé que la situation actuelle des stations météorologiques montre que l’installation de la saison pluvieuse n’est pas la même selon les zones. nous comparons la pluviométrie de cette année avec celle de la moyenne de la période 1980-2010, l’on se rend compte qu’il y a des stations météorologiques qui sont très déficitaires telles que Dédougou et Niangologho, a-t-elle souligné. Les stations comme Bérégadougou, Boromo, Bobo-Dioulasso, Gaoua, Ouagadougou sont dans des situations mitigées parce qu’elles sont un peu déficitaires mais il suffit de deux bonnes pluies pour que la situation se normalise. En outre, elle a précisé que des stations comme la vallée de Kou, Bogandé, Fada N’Gourma, Dori et Pô sont actuellement excédentaires. "Dans le Nord de Gorom-Gorom en remontant vers l’extrême Nord, la saison s’installe en juillet, pour dire que pour ces zones actuellement il n’est pas encore tard. Donc l’installation de la saison dépend vraiment des zones d’où l’on se trouve", a-t-elle insisté. Mme Sanfo a indiqué qu’une équipe de la météo était dans la zone de Banfora, Sindou et les paysans étaient un peu inquiets car d’habitude, ils semaient dès la première décade du mois de mai, mais cette année, en début juin, certains se préparaient toujours à semer. Dans la zone de Sindou, les paysans font habituellement trois fois le maïs au cours d’une saison, mais cette fois-ci, Mme Sanfo pense qu’ils pourront tout au plus faire deux fois le maïs si la pluviométrie s’installe correctement. Dans la région de Réo, Mme Sanfo témoigne qu’il existe deux situations. Ceux qui avaient semé tôt n’ont pas de problème, mais par contre ceux qui n’avaient pas encore semé ont des difficultés car les conditions pluviométriques jusqu’à présent ne permettent pas de semer. Toutefois, elle reste optimiste quant à la suite de la saison. Elle est certaine que si à partir de maintenant la saison s’installe de façon généralisée avec une pluviométrie régulière, la situation est rattrapable dans les régions déficitaires. « De toutes les façons, même quand la période est dépassée, il y a d’autres stratégies comme le choix de la variété de culture plus courte. Si au Nord du pays avec les 500mm en moyenne, on arrive à produire, cela veut dire que les autres régions qui reçoivent habituellement des moyennes de pluie élevées peuvent s’adapter en cas de déficit », a-t-elle suggéré. En tous les cas, elle table sur les prévisions optimistes des météorologues qui prévoient une pluviométrie supérieure à la normale au Burkina pour cette année 2013. "Même si nous ne maîtrisons pas la répartition spatio-temporelle de cette pluviométrie, je pense qu’il y a de l’espoir", a-t-elle conclu.
Raphaël KAFANDO