Quarante ans de photos scolaires et toujours la même tenue.
"La peur de vieillir abîme plus que l'âge." Jeanne Moreau
La photo scolaire, rituel annuel des écoles du monde entier.
En tant qu'enseignant, j'ai gardé les miennes, ou bien elles ressurgissent au hasard de Facebook quand mes anciens élèves les publient. On s'y voit vieillir peu à peu. Du jeunot fringant qu'on était, plein d'idées au vieux briscard sûr de lui, plein de certitudes (une certitude c'est une idée figée, sans vie), on suit l'évolution, année après année sous le regard de l'éternelle enfance, des dizaines de trombines d'enfants comme autant de petits fantômes qui hantent le passé. On se croit plus que parfait (sic) et on n'est jamais que soi-même dans l'incessante succession des années scolaires, des rentrées, des vacances, des sorties, des fêtes.
Ce prof s'est rendu compte, au bout de 5 ans, qu'il mettait toujours la même tenue. A rituel social, tenue rituelle. Cette photo scolaire, c'est comme une fête figée, un gnomon de l'existence. Un jalon. Il y fallait se montrer bien habillé et décontracté en même temps. Notre prof s'est donc mis en tête, tel Dorian Gray, d'apparaître chaque année avec cette même tenue. Ce fut son amusement, sur le long terme que de prendre le masque de l'éternelle jeunesse. On y voit sans doute, sinon un refus de vieillir, sous prétexte d'un pari, un refus de se voir vieillir.
Mais ses vêtements vieillissent sans doute plus vite que son visage.