Si je devais conseiller un film à quelqu’un souhaitant découvrir le cinema noir des années 40 et plus largement le cinema de ces années-là, je conseillerais sans réserve Gilda de Charles Vidor.
En 1946, Rita Hayworth est une des plus grandes stars de la Columbia. Elle vient d’être absente des studios pendant un an, à cause de la naissance de sa fille et la Columbia décide de monter un film autour d’elle avec un scénario qui s’écrira au jour le jour (chose qui ne se voyait que rarement, on avait plutôt coutume d’engager des dizaines de scénaristes et de ne commencer à tourner que lorsque le scénario était terminé). Il est surprenant que le code Hayes n’ait pas censuré Gilda qui déborde d’érotisme.
Gilda est ce qu’on appelle un film noir, genre cinématographique apparu vers 1944 et fortement inspiré des pulps, d’auteurs comme Hammett ou Chandler qui ont mis en scène des antihéros cyniques et misogynes. Le héros est pris dans des situations qui le dépassent, souvent séduit par une femme fatale et acculé à commettre des actes désespérés. On reconnait un film noir à des effets visuels particuliers ; de forts contrastes en matière de lumière, des séquences dans la pénombre, des clairs obscurs, des espaces restreints, un décor urbain. On constatera que la quasi totalité des films noirs est en noir et blanc alors que le technicolor dominait pour d’autres films tournés à la même époque. Le film noir naît dans une société marquée par la guerre, sans repères ; il se veut réaliste avec des drames aux intrigues complexes. Ce qui a fondé le cinéma américain, comme le rêve américain, est fortement remis en cause avec des héros masculins fragiles et des femmes ambiguës, les fameuses femmes fatales.
Johnny Farrell est un joueur professionnel. Il arrive à Buenos Aires où il rencontre Ballin Mundson. Plus tard, celui ci lui fait rencontrer sa femme, Gilda, qui se trouve être son ancienne maîtresse. Mundson soupçonne très rapidement les deux anciens amants mais embauche tout de même Farrell qui doit surveiller Gilda. Se noue entre eux deux une étrange relation faite d’amour et de haine. »Je te hais tant que je crois que je vais en mourir » murmure Gilda à Farrell en l’embrassant.
Gilda aurait pu être un film noir classique si le personnage incarné par Rita Hayworth n’était pas si complexe ; elle apparait femme fatale, perverse et égoïste, on découbrira au film du film qu’elle est beaucoup plus que cela. Gilda est, plus qu’un film sur le personnage féminin, un film sur l’amitié virile (voir l’amour ? les critiques se disputent à là dessus) entre les deux personnes principaux. S’ils parlent sans cesse de Gilda, les deux hommes parlent surtout avant tout d’eux à travers elle et elle n’a aucune place dans leur duo.
Une très intéressante critique du film : Une femme indécente, Lecture du film de Charles Vidor, Gilda par Nellie Dupont