SCIENCES - SANTÉ Des géologues belges refont le portrait de la Terre d’il y a 2,7 milliards d’années. Elle n’était pas secouée, comme on le pensait, par les volcans et séismes. Mais ressemblait beaucoup à la planète Mars actuelle.
Il y a 2,5 milliards d’années, la Terre ressemblait davantage à la planète Mars. Alors qu’auparavant, on pensait qu’à cette époque, les mouvements géologiques (volcanisme, collision entre plaques terrestres…) étaient assez cataclysmiques, en fait, il semble au contraire que c’était plutôt le calme plat. C’est la conclusion d’une étude dirigée par des géologues de l’ULB, qui impliquaient des Australiens et des Américains et qui vient de paraître dans "Earth&Planetary Sciences Letters".
En prélevant des échantillons dans une coulée de lave au Canada, en l’analysant chimiquement et en réalisant un modèle numérique, les géologues belges et étrangers ont déterminé qu’il n’y avait pas de tectonique des plaques à l’époque, comme c’est le cas sur la planète Mars actuelle. C’est la première étude chimique qui confirme cette hypothèse. Pour rappel, la tectonique consiste en la "dérive des continents", soit le mouvement des plaques de croûte terrestre en surface dû à ce qui se passe sous nos pieds, aux mouvements qui agitent le manteau interne de la Terre, et aussi au poids des plaques.
Nous connaissons actuellement une dérive des continents, mais faible. Ainsi, l’Europe et l’Amérique s’écartent d’un à 2 centimètres par an. Cette tectonique serait donc apparue après 2,7 milliards d’années. Cette découverte "belge" a aussi un lien avec la question de la présence de la vie, que ce soit sur Mars ou sur Terre. Car la tectonique des plaques pourrait avoir aidé l’apparition de la vie.
Mars: peut-être le mouvement en premier Une planète chaude, où n’existe quasi pas de tectonique des plaques (mouvements et dislocations agissant sur les plaques rigides de la couche supérieure de la terre, qui expliquent les volcans et les séismes), c’est aussi le portrait de la planète Mars, telle qu’elle se présente actuellement."La Terre d’il y a 2,7 milliards d’années telle que nous la décrivons est comparable à une planète du type de Mars, c’est-à-dire sans plaque en surface qui bouge" , précise Vinciane Debaille. Son étude à propos de notre Terre justifie aussi les observations a priori dérangeantes faites à propos de Mars. Elle indique que comme la Terre il y a 2,7 milliards d’années, Mars peut en effet toujours être active plus en profondeur, même si sa couche de croûte terrestre est, elle, immobile. "Le manteau interne martien est agité de soubresauts, de mouvements de convection. Comme l’eau dans une casserole qui bout, en moins violent !"
La présence ou pas de la tectonique des plaques pose aussi la grande question de la présence et de l’apparition de vie, que ce soit sur Mars ou sur la Terre. Comment cette vie unicellulaire présente vers 2,7 milliards d’années sur Terre (lire ci-dessus) est devenue complexe ? "Une hypothèse très intéressante c’est que c’est peut-être dû à la tectonique des plaque s, indique Vinciane Debaille. On pense que la tectonique des plaques a pu changer la chimie de l’atmosphère et aider la vie. Parce que, quand les volcans apparaissent, ils relâchent des gaz, de l’eau, du CO2, et des nutriments, qui permettent une meilleure nourriture, ce qui permet ensuite une vie plus complexe. C’est quand la Terre est devenue moins chaude (NdlR : il s’agit de sa chaleur initiale après sa formation, un peu comme un gâteau sorti du four se refroidit) que la tectonique des plaques a pu apparaître. La croûte, auparavant indépendante, devient liée à ce qui se passe en dessous, et tout bouge ensemble. Sur Terre, cette tectonique ne se passe que depuis 2,7 milliards d’année. Avant, c’était autre chose."
Un raisonnement similaire peut être tenu pour Mars. "En fait, Mars a peut-être d’abord connu une période avec de la tectonique des plaques, mais après, n’en a plus eu. Or, on pense que Mars a eu de l’eau liquide à sa surface il y a 3,7 milliards d’années. Donc, si elle a connu la vie, c’est au début de son histoire. C’est donc le contraire de la Terre !" Les scientifiques européens sont d’ailleurs très impatients de savoir s’il y aura bien une mission ExoMars, afin de voir si l’on trouve des traces de molécules biologiques sur la planète rouge.So. De.
Devillers Sophie