Magazine Humanitaire

Maraude à pied 01 juin 2007

Publié le 04 juin 2007 par Jean-Paul

Ce soir nous accueillons notre ami PHILIPPE qui arrive tout droit de Chalon sur Saône, pour tenter l’expérience parisienne le temps d’un week-end.

Philippe qui est de LA CROIX ROUGE,  nous a connu grâce à notre blog. Cela fait donc plusieurs semaines que nous communiquons avec lui.

A notre arrivée, notre maîtresse de maison  (j’ai nommé le Beau Gégé) a déjà tout préparé, soupe, café …Les sacs sont prêts.

Ce soir nous chargeons de plein de bonnes choses (gâteaux…).

Nous partons à l’heure !!

A la sortie de l’hôpital, face au 47

Notre premier arrêt sera pour un groupe de 3 personnes que nous ne connaissons pas (ils ont piqué la place de mon p’tit poulet qui n’est toujours pas revenu dans les parages).

Et ben mes amis pour une première ce sera une première (pour Philippe et pour nous). En effet dans ce groupe de 3 personnes il y a une femme (complètement cassée et désorientée, mais avec un regard extrêmement doux), un homme d’une cinquantaine, très gentil également, et un homme d’une quarantaine, complètement sous l’emprise de l’alcool et certainement de la drogue mais qui est d’une agressivité sans nom.

En premier, il s’en prend à moi directement car j’ai eu une parole malheureuse. Par 3 fois je lui présente mes excuses (afin d’apaiser l’atmosphère) car mes propos n’ont rien eu de désobligeants pour personne.

Ce Mr dont je n’ai pas retenu le nom, s’énerve comme un malade, en nous disant (refrain que nous entendons généralement lors de nos premières rencontres) que c’est de la faute des bénévoles si les gens sont encore à la rue.

Alors effectivement grand débat que celui-là, mais je ne veux jamais rentrer dans ce genre de discussion qui ne mène jamais nulle part. Je réponds toujours que le plus important est de venir en aide aux gens qui en ont besoin, sans chercher à polémiquer. Il est toujours agréable de passer un moment tous ensemble. En général ça calme toujours les ardeurs, et tout le monde est d’accord.

Et ben pas cette fois-ci. Donc après 3 excuses et quelques rebiffades, je décide de passer mon chemin en disant à ce garçon que s’il ne voulait pas de mon aide, tant pis, j’irai l’offrir à un autre qui l’accepterai de bon coeur. Je lui signifie donc que je n’ai rien à lui dire et me dirige vers un gentil monsieur couché sur un banc, que je rencontre pour la 1ère fois.

Avant de quitter ce petit groupe, la gentille femme, m’offrira des fleurs, avec un regard désolé pour le comportement de son compagnon. Il faut dire qu’entre temps notre Gégé s’énerve et hausse le ton à son tour, pour essayer de faire redescendre cet agressif personnage mais sans succès, Gérard comprendra alors qu’il peut être dangereux de rester dans le coin et décidera de lever le camp aussi. Entre temps Philippe en aura aussi pris pour son grade. En définitif, ce garçon aurait agressé n’importe qui pour n’importe quoi. Impossible de dialoguer. Il vaut mieux s’éloigner. De l’autre côté de la rue, il me lancera encore des insanités (que je ne répèterai certainement pas) à faire rougir un régiment. Mais bon j’en ai vu d’autres !!!

Notre gentil Monsieur s’appelle Jacky. Je lui fais une invitation pour la maison du 13. J’espère qu’il passera car il n’a pas l’air de posséder grand-chose. Il accepte une soupe de s’endort.

Nous poursuivons 2 mètres plus loin pour voir notre ALAIN. Toujours dans un état celui-là !! Comme d’habitude quand je lui demande s’il veut quelque chose, il me dit : J’AI FAIM !! J’avais glissé quelques boîtes de conserve dans mon sac et lui propose, une boîte de mouton au riz. Il me dit : OUI MERCI (avec sa grosse voix !). Puis là plus de communication. Je l’agasse comme d’habitude quand il a du monde autour de lui. Je lui propose de lui ouvrir sa boîte (rappelez-vous il est handicapé, il a les mains au niveau des coudes). Toujours le même leitmotiv « Non Merci, au revoir ! »

Philippe s’approche, Je lui fais signe que non (si on l’approche de trop prêt il se met à hurler).

Gérard me fait un coup d’œil, (encore tout fier d’avoir réussi à lui serrer la main il y a quelques semaines) l’air de dire je vais voir si avec moi il veut bien. Et là, ce petit « emmerdeur » d’Alain, accepte que notre Gégé national, lui ouvre sa boîte. Inutile de vous dire qu’à ce moment là,  un rouge gorge au poitrail déployé n’aurait pas été son cousin !! (J’aurai pu choisir l’exemple de paon, mais connaissant notre bonhomme j’aurai peur que cela soit mal interprété !). Enfin, le poitrail surdimensionné peut-être, mais la larme à l’œil, le papa de la rue !!

Rue Poliveau

Nous décidons d’aller voir si YVON est dans les parages car cela fait longtemps que nous n’avons pas de ses nouvelles. De plus pas question de repasser devant notre excité de tout à l’heure.

Pas d’Yvon à l’horizon, ni sous son banc, ni dans le coin.

La bande des 3 ayant déserté leur banc nous retraversons le boulevard de l’hôpital, à la rencontre d’un homme que nous voyons pour la 1ère fois, il est assis sur un muret, sa chienne toute jeune et folledingue bondissant au bout de sa laisse. Il ne veut rien. Nous n’insistons pas pour un 1er contact. De plus il a assisté aux échanges un peu houleux de tout à l’heure et en a pris lui-même, plein les dents par l’homme agressif. Nous comprenons que ce n’est pas le moment d’insister et poursuivons notre route. Peut-être une prochaine fois.

Dans l’enceinte de le Gare d’Austerlitz

Nous passons devant le campement de Viviane et de Wallid.

Seule Viviane nous répondra qu’elle veut dormir. C’est très bizarre venant de sa part. Depuis que nous la connaissons elle est toujours venue à notre rencontre. J’ai de mauvais pressentiments en ce qui la concerne. J’en avais d’ailleurs fait part à mes compagnons de maraude la semaine dernière.

Je crois que notre jolie Viviane est en train de plonger.

Nous respectons son souhait et continuons chez Patrick. Un peu plus en forme cette semaine. Il nous dit qu’il a faim. Nous lui servons une soupe qu’il aura du mal à finir. Je lui laisse des sachets de thé (il est super content, car il ne boit pas de café).

Arrive le Nounours, qui comme d’hab. a toujours une parole ou un geste gentil. Ce soir ce sera un beau bras d’honneur en ma direction (c’est pourtant pas la saint Farida ce soir !!). Comme je connais son manège j’éclate de rire et lui aussi par la même occasion. Incroyable, mais ce soir il est sans chaussure. Un autre lui a piquées. Il est donc en chaussettes, mais moins alcoolisé que d’habitude, alors la discussion sera très drôle car il nous racontera ses ébats amoureux avec des mots de son cru.

Arrive une femme (j’ai oublié son nom) avec un fort accent de l’est qui nous dit avoir faim.

Elle est très bien mise, mais au  bout d’un moment nous comprenons qu’elle a entre autres, des problèmes psychologiques. Elle est agitée par instant de gestes incohérents. Je lui donne du pain et du fromage, qu’elle avale rapidement.

Entre temps, notre cher Patrick, me dit de ne pas oublier de passer le bonjour à Laure (pour qui il a toujours eu un petit faible !) Il ne tarit pas d’éloges sur elle (on en serait presque jaloux !! tellement il est dithyrambique). Je plaisante vous l’aurez compris n’est ce pas ??

Nous quittons Patrick et tombons sur notre ami le Polonais (dont j’oublie toujours le nom). Nous le laisserons discuter avec Gérard, car nous savons que ces 2 là s’apprécient.

Nous descendons dans le métro,

à la recherche de nos 3 compères (Francine, René et Yves). Descendue en éclaireur

Je trouverai Francine au téléphone essayant de joindre l’hôpital où se trouverait Yves, mais sans succès. Je remonte informer Gégé et Philippe que nos ouailles sont en bas. Tout le monde redescend, et voilà notre René encore plus sale que d’habitude (mais si c’est possible !!), il a fait dans son pantalon. POUAH !! Quelle odeur, mes amis !!! Je dis à Francine qu’il est vraiment dégueulasse et qu’il aurait pu prendre une douche avant le week-end. Elle me dit : « tu sais à la rue c’est pas facile ». Alors là je ne lui passe rien, et lui dit que la maison du 13 n’est pas à l’autre bout du monde et que la douche c’est le matin qu’il faut la prendre et pas attendre 16H45 comme à chaque fois pour se présenter à la douche, quand il est trop tard. Bon, Gérard qui a eu la bonne idée de se charger de quelques fringues lui passe un pantalon + 1 pull. Je lui sors un slip et des chaussettes neuves. De quoi se remettre en état, le temps d’une journée, car le connaissant, ça ne durera pas bien plus longtemps. Cet homme a vraisemblablement des problèmes de santé, incontinences et j’en passe.

Nous traversons la gare à la recherche de Patrick (le gourmand) que nous n’avons pas vu depuis 15 jours au moins. Mais personne.

Nous ressortons de l’autre côté de la Gare (côté Seine), car nous voulons aller voir les Roumains ce soir.

Nous trouverons Abdel Kader, maigre comme un clou, la mine malade, assis sur un banc de pierre et luttant contre le sommeil qui le gagne. Comme il a l’air fragile et seul au monde !!

Nous discutons avec lui et apprenons qu’il n’a rien mangé de la journée. Nous lui servons une soupe bien chaude, une boîte de mouton, du fromage des gâteaux… Nous lui demandons s’il veut qu’on appelle le 115. Il répondra oui sans hésiter !!

ET BIEN MES AMIS OUBLIEZ VOS PREJUGES !!! Même un soir comme ce soir où la température est douce le 115 est débordé ! PAS BESOIN D’ETRE EN HIVER !!

J’attendrai en définitive plus d’1/2 heure pour être coupée après 3 minutes de parole !! MERDE ALORS !! Je réessaye pour m’entendre dire que le temps d’attente est estimé à 10 minutes.

La dernière fois qu’il m’avait été annoncé 4 minutes j’ai attendu 20 minutes alors je jette l’éponge.

De ma cabine, j’ai une belle image, Philippe s’est assis à côté d’ABDEL KADER et lui tient compagnie durant cette attente interminable.

Après discussion avec Gérard nous décidons d’aller voir du côté du pont si le SAMU SOCIAL est passé (il est déjà 22H30 et en général c’est le cas). Mais ce soir ce sera notre jour de chance quand même : Il passe juste au moment où nous arrivons. Avec force gestes. Ils s’arrêtent (C’est de toute façon un endroit où ils s’arrêtent tous les jours pour transporter « l’ancien » vers un centre d’hébergement.

Nous leur expliquons le cas d’ABDEL KADER, car nous ne pouvons pas laisser ce Monsieur dehors ce soir. Bien sûr, ils accepteront d’aller le voir. Je monterai en camion avec eux pour leur indiquer l’endroit.

L’infirmière prend tout en main dès qu’elle voit Abdel Kader. Elle va essayer de lui trouver un lit médicalisé, car comme nous, elle trouve inadmissible qu’on ai remis cet homme à la rue dans son état.

Je reste un peu avec Abdel Kader qui me remercie d’être revenue comme promis. Je pars car il est entre bonne main et que mes 2 compagnons sont restés en rade sur le trottoir.

Quand je les rejoins, j’ai la surprise de trouver BG, qui me dit que notre JP a trouvé un Job et qu’il part en mission dès la semaine prochaine. Ca ce sera la bonne nouvelle de l’année ! Sûr, vendredi on passera lui faire nos adieux.

De l’autre côté du Pont d’Austerlitz (le long de la voie rapide)

Nous traversons le Pont pour aller à la rencontre de nos amis Roumains.

Ou la la !!! Quel accueil mes amis !! Digne d’une star de la croisette. Dès qu’ils nous aperçoivent sur le pont tout le monde agite les bras. Quand nous arrivons, ils se jettent tous sur moi pour voir si ma cheville est guérie. On rigole encore de ma chute, et je me fais plumer de toutes les provisions. (ou presque, car après une discussion avec le Gégé j’arrive à sauver quelques victuailles en vue d’une éventuelle rencontre avant le retour). Je discute avec Jacques, que nous ne connaissions pas (il est installé avec les roumains, qu’il affectionne particulièrement). Il a la petite quarantaine, d’une douceur extrême, il me confirme que nos Roumains n’ont pas faim, mais qu’ils ramassent tout ce qu’ils peuvent. C’est humain !

Quai de la Rapée

Philippe veut savoir ce qui se passe sous le métro du quai de la Rapée. Hum Gérad sait que je n’y tiens pas car c’est un endroit extrêmement sombre et pas très sûr. Mais je prendrai sur moi et nous irons y faire un tour. Comme d’habitude 2 hommes sortent de nulle part, l’un que nous connaissons et qui a faim comme d’habitude, et un autre que nous ne connaissons pas et qui a faim également. Nous donnerons ce qu’il nous reste (enfin presque).

Pont d’Austerlitz

Nous remontons en direction du Pont pour voir si le petit Elfe est dans les parages (maintenant que nous connaissons sa cachette), mais point d’Ali dans le coin.

Nous rencontrerons par contre un garçon (pas 30 ans) que nous avions déjà rencontré cet hiver, il est complètement déphasé !! Propos décousus, il se gratte les bras. Il avouera avoir faim, nous lui servons, soupe, pain, café, gâteaux).

Retour

Nous décidons de rentrer, il est déjà 00H00 passé. Alors nous remontons tranquillement vers la maison du 13.

Nous arrivons pratiquement en même temps que les maraudeurs à roulettes.

Aller hop, tout le monde à la vaisselle, au rangement des vélos…

Nous prenons quand même le temps de nous asseoir avec Philippe pour échanger nos impressions.

J’espère qu’il aura le temps de les mettre par écrit, car je pense qu’il a apprécié ce qu’il a vécu, et qu’il aura a cœur de partager une autre maraude avec nous. En attendant en ce qui nous concerne, nous aurons eu un immense plaisir à partager ces moments avec une personne de sa gentillesse, de sa sensibilité et de son professionnalisme.

PHILIPPE, c’est quand tu veux !!

RAVITAILLEMENT                 : 5 L de soupe + 3 L de café + Gâteaux, conserves… linge

MARAUDEURS                        : Philippe, Gérard et Farida(redactrice)

Nombre d’amis rencontrés      : Une vingtaine de personnes.


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