Le projet de loi de finances a provoqué quelques effrois. On balance un montant de 14 milliards d'euros de réduction budgétaire pour l'an prochain. Vous avez bien lu, 14 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques.
Et si l'austérité, c'était maintenant ?
La révélation a fait la une du Monde puis des Echos. Une petite bombe qui fait évidemment jaser trop vite et trop tôt. On peut relire la séquence de la semaine: mardi, quelques députés UMP "lâchent" au Figaro que le déficit de l'Etat va déraper de 20 milliards d'ici Noël. Jeudi, la Cour des Comptes confie son pessimisme. Ayrault et son ministre du budget Cazeneuve acquiescent. Vendredi, le rapporteur socialiste du Budget, Christian Eckert, dépose son rapport d'information sur un budget préparé depuis quelques semaines qui prévoit une sacrée réduction des dépenses. Le MEDEF, par la voie de Laurence Parisot, se félicite "de la bonne direction" prise par le gouvernement. On appelle cela le baiser de l'araignée. Il n'en faut pas plus pour que la vision s'embrouille, que l'action hollandaise soit assimilée sans davantage d'analyse.
"Cela peut paraître une goutte d’eau, mais cela n’est jamais arrivé !" s'enthousiasment les Echos. 14 milliards sur 374 milliards d'euros de dépenses, ce n'est pas une goutte d'eau. Pour 2014, le gouvernement veut réduire le déficit structurel de la France d'un point de PIB: 0,3 sur les recettes, 0,7 sur les dépenses. C'est conforme à ce qui était annoncé depuis des mois.
1. Seize crédits ministériels devraient être réduits. Dans son édition du weekend, le Monde publie la liste des évolutions par ministère (cf. infra). Ces ministères souffre-douleur de l'austérité hollandaise sont les Territoires (8 milliards), l'Ecologie (7 milliards), l'agriculture (5,4 milliards), l'aide publique au développement (3,1 milliards), les anciens combattants (3 milliards), l'économie (6,6 milliards) et la Culture (2,8 milliards). Mais du détail de ces réductions, on ne sait pas encore grand chose.
2. On pourrait aussi s'inquiéter des 28.000 suppressions de postes publics, dont 14.400 encore l'an prochain. Mais 28.000 autres créations de postes viendront les compenser. Sur le quinquennat, Hollande a promis une stabilisation des effectifs de la Fonction publique. On oublierait trop vite les 22.000 postes créés dans l'Education nationale, deux mille pour la Justice et la sécurité et 4.000 pour Pôle Emploi en deux ans. Et le Journal Officiel vient de confirmer l'augmentation de passe de 500 à 1.350 du recrutement de contrôleurs des finances. Bref, là encore, il n'y a pas matière à hurler contre une austérité qui n'existe pas, même si certains ministères vont souffrir (on pense à la Défense nationale - plus de 7.000 postes encore supprimés l'an prochain).
3. La masse salariale de la fonction publique sera en fait davantage contrainte: la hausse sera contrainte à un maigre + 0,15 % en 2014. Les augmentations catégorielles seront ciblées sur les bas salaires, et le point d'indice sera encore gelé, une information déjà annoncée par Marilyse Lebranchu il y a quelques jours. On connait la musique des opposants: la quasi-totalité des organisations syndicales de la fonction publique (CGT, FO, FSU, SOLIDAIRES, CFTC et CFE -CGC) ont menacé d'une grève à la rentrée contre "les politiques d'austérité".
4. S'arrêter à l'intitulé des missions affectées par la rigueur est un peu court et peu digne du débat politique. Le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé évoque un "signal désastreux". Son confrère député Sergio Coronado ajoute sur Twitter: "Avec un futur budget en berne,difficile de prétendre que l'écologie est prise en compte par le gouvernement." Mais qu'a-t-on faire des signaux ? Pouvait-on étudier, évaluer, juger la réalité des économies proposées ? Le ministère de l'Economie perdrait 8 milliards d'euros, la plus grosse réduction du budget 2014: qui peut croire que l'Economie n'est pas une priorité du gouvernement ? Les intitulés des missions sont une chose comptable, un machin utile pour du story-telling ou de l'organisation de dépenses. Il en faut plus pour comprendre si les réductions vont faire mal, et à qui.
Les grands mots d'ordre sont à ce stade des agitations vaines, des postures.
5. La hausse de prélèvements fiscaux est équilibrée: dans son rapport, Christian Eckert rappelle quelques chiffres. les prévisions révisées de recettes fiscales du gouvernement pour 2013 font état d'une progression de l'impôt sur les bénéfices des entreprises de 28% et 12 milliards d'euros (pour atteindre 53 milliards au total), de 11 milliards d'euros sur les revenus (donc l'essentiel sur les plus élevés), et de 4 milliards sur la TVA.
A gauche comme à droite, on rêve de réduire les dépenses publiques. On ne désigne simplement pas les mêmes dépenses. A gauche, on adore la suppression des niches fiscales. Christian Eckert pointe par exemple vers la fiscalité des "contrats d’assurance-vie les plus importants," un "point de fuite" pour les grandes fortunes. A droite, même chez ceux qui osent se qualifier de "droite sociale", on préfère sucrer l'aide médicale d'Etat ou réduire l'assurance sociale. "Le budget 2014 monte donc d'un cran dans la rigueur" commente l'Humanité. Le rapporteur note qu'une contribution ad hoc sera réclamée à certaines entreprises publiques "au titre de l’avantage financier procuré par le Crédit d’impôt compétitivité emploi" (CICE).
source: Les Echos
Lire le rapport d'informations: sur le site de l'Assemblée nationale.
Crédit illustration: Le Monde
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