Depuis le temps que je vous en parle, vous ne pouvez ignorer qu'aujourd'hui est donné le coup d'envoi de la 18e édition du Festival de la correspondance de Grignan.
Entouré des organisateurs du Festival, d'Anne Rotenberg, la directrice de la programmation, de Claire Chazal et de Catherine Pégard, Bruno Durieux, maire de Grignan, Président-fondateur du Festival inaugurera cette nouvelle édition, dès 18 heures, sous le regard bienveillant de notre chère marquise (dont la statue surveille, affable, la mairie) et d'un public toujours nombreux au rendez-vous.
Le spectacle inaugural est signé Anne Rotenberg,il nous embarque à bord du paquebot qui mène, en 1831, le jeune Alexis de Tocqueville, en mission aux Etats-Unis. Je vous invite à en consulter la chronique parue, ce mardi 25 juin sur le blog du Pavillon. La lecture sera réalisée par Xavier Gallais.
Le second spectacle de la soirée - à 22 heures, à la Collégiale- est de toute autre facture. Il nous offre une adaptation libre de la correspondance de Baudelaire et Barbey d’Aurevilly, signée Gérald Stehr et mise en lecture par Gérard Desarthe auquel Michel Boujenah donnera réplique.
"De tous les documents que j’ai lus est résultée pour moi la conviction que les États-Unis ne furent pour Poe qu’une vaste prison qu’il parcourait avec l’agitation fiévreuse d’un être fait pour respirer dans un monde plus aromal – qu’une grande barbarie éclairée au gaz – et que sa vie intérieure, spirituelle, de poète ou même d’ivrogne n’était qu’un effort perpétuel pour échapper à l’influence de cette atmosphère antipathique. "La découverte par Charles Baudelaire de l'oeuvre d'Edgar Allan Poe marque sa vie à jamais. Jumeau spirituel du poète américain, Baudelaire travaille d'arrache-âme la traduction de son oeuvre. Il entre ainsi en contact épistolaire, en 1854, avec Jules Barbey d'Aurevilly.
Si les amis partagent une semblable estime pour le poète, ils s'opposent, sans concessions, sur le statut de ce dernier, sa position vis-à-vis de l'Amérique. Baudelaire voit en Poe un martyr, étouffé par l'américanisation de la société, tandis que Barbey d'Aurevilly y voit une vitrine, victime consentante du système:
"Je diverge sur votre interprétation d’un Edgar Poe suicidé de la Société matérialiste américaine. Au contraire, je pense que Poe est l’expression la plus aboutie de ce matérialisme.
Quant à Poe lui-même, malgré tout le talent, voire le génie qu’on ne peut lui dénier, il reste à mes yeux prisonnier des vulgarités contemporaines, du panthéisme, du culte de la sensation, du matérialisme, des canards, et de tout cela même qu’il a poursuivi de ses railleries. "
Une joute verbale qui , sur les lèvres de Gérard Desarthe et de Michel Boujenah, s'annonce jubilatoire.
Apolline Elter
Edgar Poe, Le fantôme de Charles Baudelaire, Adaptation libre de la correspondance de Baudelaire et Barbey d’Aurevilly, Gérald Stehr, Ed. Triartis, Scènes intempestives de Grignan, mai 2013, 60 pp, 10 €