Alors que dimanche Mohamed Morsi célébrait son premier anniversaire en tant que président, le mouvement Tamarrud (« Rebellion ») qui aurait recueilli plus de 15 millions de signatures, demandait la démission de Morsi avant mardi et une élection présidentielle anticipée.
En réponse à cette contestation grandissante, le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), affilié aux Frères Musulmans, organise depuis quelques jours des rassemblements en faveur du gouvernement. La semaine d’avant des dizaines de milliers de partisans du PLJ ont été amenés par bus des zones rurales vers le quartier de Nasr City au Caire, où ils scandaient des slogans comme « l’Islam est la solution » et « Le Coran est la constitution ». Le gouvernement parled’un complot visant à le déstabiliser. « Il y a des informations quant à un arrangement entre certains anciens députés et des voyous du Parti National Démocratique de Moubarak pour provoquer la violence et le chaos lors des manifestations du 30 juin », déclarait un conseiller médias du PLJ la semaine dernière ».
Après la nuit d’émeutes du 30 juin au 1er juillet, avec, selon une source militaire, 14 millions de manifestants dans les rues et le saccage du siège des Frères musulmans, M. Morsi semble très clairement fragilisé.
Pour Magdy Samaan, un journaliste basé au Caire pour le Daily Telegraph de Londres « les égyptiens n’ont jamais été davantage déçus par leur gouvernement qu’aujourd’hui, et les Frères musulmans craignent que davantage de gens ne prennent la rue que pendant le printemps arabe ».Le mécontentement populaire à l’endroit de Morsi est compréhensible. Le pays a connu crise sur crise, économique et politique, et bon nombre des objectifs du Printemps arabe ont apparemment été oubliés.
Au cours de la dernière année, le gouvernement a peu fait pour résoudre les problèmes économiques du pays. L’économie devrait croître à 2,5% pour l’année fiscale en cours (à peine la moitié du taux de croissance d’avant 2011) et le déficit budgétaire est désormais à 11,5% du PIB.
Le déficit est très largement dû au gaspillage en subventions aux carburants et denrées alimentaires profitant principalement aux ménages aisés et aux grandes entreprises, tandis que les pauvres font face à des pénuries. Les importations de produits subventionnés épuisent les réserves de change du pays (aujourd’hui au tiers de leurs niveaux de 2010). Au lieu de procéder à une réforme systémique des subventions, le gouvernement Morsi annonce des initiatives de réforme partielle mais avec très peu ou pas de suivi.
Le taux de chômage n’a cessé d’augmenter depuis 2010. Le taux actuel est de 13,2%, avec 77% des chômeurs âgés de 15 et 29 ans. La responsabilité de l’absence de création d’emplois par le secteur privé peut être imputée à une fiscalité complexe, un laxisme dans le respect des contrats et un système confus de permis de construire.
Selon Magdy Samaan, « le gouvernement n’a pas de vision spécifique de l’économie et est réticent à poursuivre les réformes avant les élections législatives ».
Le bilan politique de Morsi est pire. Début juin, la Cour suprême constitutionnelle de l’Egypte a déclaré que les élections en 2011 et 2012 à la Chambre haute du parlement d’Egypte dominée par le PLJ, le Conseil de la Choura, ainsi qu’au comité constitutionnel du pays étaient inconstitutionnelles. Les partis politiques ont été autorisés à concourir pour le tiers des sièges réservés aux indépendants, tandis que les candidats indépendants ont été empêchés d’entrer en concurrence pour les places restantes réservées à des candidats de parti.
Cela a de fait exercé une discrimination à l’encontre des indépendants. Au lieu de corriger le problème, c’est le business as usual pour le PLJ, et le Conseil de la Choura légifère comme avant.
Puis il ya eu la répression sans précédent par le gouvernement militaire de transition en 2011 à l’encontre des ONGs opérant dans le pays, dont Freedom House, le National Democratic Institute et l’International Republican Institute. Les poursuites ont continué sous la présidence de Morsi, et les 43 accusés dans l’affaire, dont 16 américains, ont été reconnus coupables et condamnés à de la prison ce mois-ci, la plupart par contumace. Leur crime ? Les organisations travaillaient « sans licences appropriées » et avaient reçu des financements étrangers.
Plus problématique encore, des documents divulgués en avril montrent que l’armée égyptienne a participé à des tortures et des exécutions pendant les premiers mois de 2011. Plus de 1.000 personnes auraient disparu au cours des 18 jours de manifestations. Le rapport à la source des fuites du document a été soumis à M. Morsi en janvier, mais ce dernier n’a pas rendu les conclusions publiques ou demandé une enquête publique à la suite des révélations. Au lieu de cela, le ministre de la défense égyptien, le général Abdel Fattah Sisi, a mis en garde le public contre toute diffamation à l’égard de militaires.
En bref, les égyptiens ont de plus en plus le sentiment que le gouvernement autoritaire de Hosni Moubarak n’a jamais disparu, mais a été simplement remplacé par un autre régime oppressif, tenu par de puissants militaires. Selon Samaan « cela aurait été acceptable pour la plupart d’entre eux, si le gouvernement avait amélioré l’économie ou ouvert un espace pour l’expression personnelle ».
Parce que rien de tout cela ne s’est matérialisé, Morsi marche désormais sur un fil. Nous verrons bientôt la puissance réelle de son emprise sur le pouvoir.
Dalibor Rohac, analyste au Cato Institute, le 1er juillet 2013.