Pitch.
Un couple émigre avec deux enfants à Manille depuis les montagnes du Nord des Philippines afin de trouver du travail en ville. Ils deviennent aussitôt des proies que la mégapole impitoyable va broyer.
Dans le nord des Philippines, un couple s'épuise à la culture du riz mais l'acheteur leur donne si peu de leur récolte cette année-là qu'ils ne leur reste plus de quoi acheter des graines pour la suivante. Avec leurs deux jeunes enfants, Oscar et Mai Ramirez décident d'émigrer à Manille afin d'y trouver un travail décent. C'est le début d'une descente aux enfers par paliers qui démarre très fort avec le vol de leurs maigres économies : à l'agence pour l'emploi, un type accoste Oscar pour lui proposer un logement à bas prix, la famille Ramirez s'installe alors dans un taudis pour le prix de tout l'argent qu'ils ont sur eux. Peu de temps après, la police les déloge, le logement s'avère un HLM réquisitionné pour une famille.
Le film ne verse pas dans le misérabilisme, il y a déjà tellement à décrire, sans en rajouter, des situations de précarité et d'escroqueries qu'on devine monnaie courante dans une ville comme Manille montrée comme un monstre coloré, sale et bruyant où la foule est parfois si dense dans la rue qu'on peut à peine bouger.
Installés dans un bidonville de la périphérie de la ville, Oscar laisse Mai travailler comme entraîneuse dans un bar louche dont il ignore apparemment ce qu'elle y fait vraiment. Mai à nouveau enceinte, Oscar, pas au courant, le travail devient lourd et seule la demande de la tenancière de prostituer sa fille de 7 ans va décourager Mai de poursuivre.
photo Haut et Court
Oscar est une sorte de Candide que sa crédulité va à la fois desservir et servir. Candidat à un poste de chauffeur convoyeur de fonds, un des métiers les plus dangereux de Manille, engagé après plusieurs entretiens, Oscar n'y voit qu'une occasion de soigner sa fille et faire vivre sa famille. Mai est le prototype de l'épouse aimante qui ne prend aucune décision d'autant que elle et Oscar n'ont jamais le choix dans la réalité que de prendre le risque d'être des proies pour nourrir leur famille.
Le seul reproche qu'on peut faire à ce film est d'embrouiller un peu trop les choses, histoire d'y intégrer une grande dose de suspense (projet du réalisateur), dans la seconde partie du film : quand Oscar va faire tandem avec un certain Ong, vieux routier de l'entreprise. Hors, du suspense, il y en naturellement, pour ne pas dire plutôt de l'angoisse à voir partir tous les jours Oscar et Ong dans leur convoi avec la question taraudant le spectateur : ils vont se faire braquer mais quand, à quel moment du film ? Etait besoin de faire, de surcroît, d'Ong un personnage complexe, traumatisé par ma mort de son précédent co-équipier, manipulant le naïf Oscar ?
Prix du public au dernier festival de Sundance, "Metro Manila" est le troisième film du britannique Sean Ellis après "Cashback" (2006) et "The Broken" (2008). Le film tourné en langue philippine avec des acteurs philippins est différent d'un film d'un réalisateur philippin dans le sens que le regard extérieur occidental rend mieux compte du tragique de la précarité extrême dans laquelle baignent les protagonistes . Rien de banal pour les autochtones n'est ici banalisé, le regard du réalisateur, sidéré par tant de pauvreté et de violence, s'attache à montrer comment la population survit, comment le couple Ramirez a, en quelque sorte, l'habitude de l'adversité et du malheur qui ne les décourage pas de chercher des solutions, même les pires (cf. le sous-titre du film "les hommes désespérés font souvent des choix désespérés").
Poignant et captivant, lucide et sans complaisance, un magnifique film comme on aimerait en voir souvent sur les écrans!