traduction : Michèle Planel
Je l'ai toujours imaginé ainsi. Tout à coup le brouillard envahira mes veines, mon sang se gèlera comme, en hiver, les sources des cols et, quand tout sera achevé, mon ombre m'abandonnera et descendra occuper ma place près de la cheminée. La mort, c'est peut-être tout simplement cela.
Je l'ai toujours imaginée ainsi. Même quand je la croyais encore très lointaine. Maintenant qu'elle se fait proche, que le temps s'épuise et que le brouillard enveloppe les barreaux du lit et mes souvenirs, je ferme une fois encore les yeux, je me rappelle ces jours passés, et soudain un soupçon m'assaille : mon ombre est peut-être depuis ce temps-là assise devant le feu, avec la leur.
Ce soupçon m'est déjà venu à l'esprit. En réalité c'est un sentiment qui ne m'a jamais quitté depuis la nuit où ma mère est apparue pour la première fois. Une impression obscure et inexplicable que, peut-être, moi aussi j'étais mort et que tout ce que j'ai vécu ensuite n'a été que l'écho ultime de la mémoire qui se dissolvait dans le silence.