Quand l’indécence s’organise

Publié le 01 juillet 2013 par Réverbères
Ainsi donc, la RTBF – en collaboration avec Actiris, l'Office Régional Bruxellois de l'Emploi – s’apprête à monter une émission « Je veux ce joooooob ! » mettant en œuvre des candidats en quête d'un travail ou exerçant un métier qui ne leur convient plus afin de les aider à trouver Le job idéal et ce, en seulement une semaine. Les candidats devront – soutenus par des « coachs » – relever un défi exceptionnel pour séduire et convaincre un futur employeur. Tout le monde peut être candidat, pourvu qu’il ait « la motivation ».
La belle affaire ! On pourrait être séduit par cette idée, puisqu’au bout du compte on suppose que les candidats trouveront un emploi. Enfin, on peut seulement le supposer. Il n’y aura évidemment aucune obligation de résultat ni aucun suivi de ce qui se passera après.
Au-delà de ce premier sentiment de séduction, il faut cependant s’interroger. Jouer à théâtraliser la vie de demandeurs d’emploi, est-ce vraiment considérer ceux-ci pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font ? Rechercher un emploi est aujourd’hui tout sauf une partie de plaisir, sauf un jeu ! Ce n’est même pas une question de manque de compétence ou de motivation. Il est bien sûr – heureusement – des demandeurs d’emploi qui finissent par en trouver. Mais ce n’est jamais miraculeux et, derrière ceux qui ont cette chance, il y a tous ceux qui jour après jour essaient de se vendre, de montrer leur motivation et leur compétence et qui ne rencontrent qu’un désintérêt évident des employeurs potentiels. Pour tenir le coup, il faut une sacrée dose de courage et de conviction qu’on peut y arriver. Chercher un emploi, c’est la plupart du temps une réelle souffrance, où les portes qui se ferment et les claques que l’on reçoit sont le quotidien de celui ou celle qui espère juste pouvoir trouver une petite place dans l’univers socio-professionnel.
Alors, faire de cette détresse quotidienne un spectacle télévisuel, c’est vraiment le sommet de l’indécence. On s’imagine déjà le brave peuple rire de celui qui n’y parvient pas. Ou, au contraire, prendre conscience du chemin infranchissable qu’il devrait parcourir pour trouver lui-même un emploi.
Une telle émission n’apportera rien, si ce n’est un parfum nauséabond fondé sur la détresse humaine, bafouée dans le plus élémentaire de ses droits : avoir un travail pour se nourrir, pour survivre.
J’ose espérer que cette émission ne se concrétisera jamais. Mais la bêtise humaine est telle que j’ai bien peur que mon espoir ne soit lui-même qu’illusion. Pourquoi la télévision se sent-elle obligée de tomber si bas ?