À vous, Mesdames...
Mais puisqu'à l'ennemi j'ai ouvert grand la porte,
je vais tout lui livrer, traître de bonne foi.
Long amour se nourrit mal de bontés faciles :
il faut à ces doux jeux mêler quelques refus.
Qu'il se traîne à ta porte, et la dise cruelle,
qu'il s'humilie beaucoup, et menace beaucoup.
Le sucré nous écoeure, et l'amer nous réveille.
La barque, par bon vent, souvent chavire et sombre.
Épouses, s'il vous est refusé d'être aimées,
c'est que votre mari va vous voir quand il veut.
Ajoutez une porte et un portier sévère
qui dit : «Tu n'entres pas ! » — exclu, il t'aimera!
Vos glaives sont usés, laissez-les donc tomber,
prenez pour le combat des armes affûtées.
Et je ne doute point que vous me viserez
avec les traits que, moi, je vous aurai donnés!
Tombé dans tes filets, captif de frais, l'amant
espère être le seul à posséder ta chambre.
Qu'il soupçonne un rival, des faveurs partagées :
sans cette ruse-là, coup de vieux sur l'amour!
Un bon cheval court bien, aussitôt qu'on le lâche,
s'il précède ou poursuit quelques autres coursiers.
Nos feux se sont éteints ? Un affront les ranime.
J'avoue: je n'aime point, si je ne suis blessé!
La cause de ses maux doit rester vague : inquiet,
il pensera qu'il y a plus encore qu'il ne sait.
Pour qu'il s'emballe, feins qu'un esclave te garde
ou qu'un galant trop dur d'un soin jaloux t'ennuie.
Sans le moindre danger, le plaisir est moins vif.
Et même si tu es plus libre que Thaïs,
Feins de tout redouter ; si, plus facilement,
il peut aller chez toi par la porte d'entrée,
Fais entrer ton amant par la fenêtre ouverte,
sur ton visage, affiche une visible peur.
Fais surgir tout à coup ta servante rusée,
dis-lui de s'écrier : « Ah! nous sommes perdus!»,
Puis cache quelque part ton jeunot tout tremblant,
Mais il faudra mêler à toutes ces alarmes
Des plaisirs sans souci, pour qu'il n'aille pas croire
que ses nuits avec toi se payent à ce prix !