Peu de gens le savent, mais il se cache en France et plus précisément dans le Tarn à Mazanet un mystérieux atelier composé d’une équipe aux multiples talents.
Une équipe plutôt discrète qui dans le plus grand secret fait le bonheur des geeks aguerris, des amateurs de jeux de rôles grandeur nature, mais aussi de grands studios tels que Blizzard en réalisant avec avec passion des costumes à couper le souffle ; des équipements tels que les armures des Marines Terran que vous avez à coup sûr, déjà aperçu IRL ou sur le Web sans pour autant savoir que celles-ci étaient fabriquées en France, dans le 81.
Désireux de vous faire découvrir cette entreprise qui brille à l’international et qui semble pourtant encore méconnue du public français, le JDG Network est allée à la rencontre des membres de l’équipe d’un atelier qui porte bien son nom : l’Atelier-Fantasticart.
1. Pour débuter cette interview, pouvez-vous nous présenter l’Atelier Fantastic Art : ce que fabriquent vos artisans et à qui sont destinés leurs créations ?
L’Atelier Fantastic’Art a vu le jour sous une forme associative il y a 16 ans, en 1997. C’est un projet commun mené par une bande d’amis, participant à des jeux de rôles grandeur nature (GN), qui fabriquaient dans leur garage leurs propres épées et équipements en latex.
Petit à petit, les commandes d’accessoires en latex ont commencé à se développer grâce au bouche-à-oreille, et un site internet de vente en ligne a vu le jour assez rapidement. Le chiffre d’affaires n’a cessé d’augmenter d’année en année, ce qui nous a fortement influencés à créer une SARL.
Depuis 2007, l’Atelier Fantastic’Art est devenu une société, regroupant 4 salariés : Nicolas RAYNAUD et Laurent VIDAL sont plasticiens, spécialisés dans le modelage, le moulage, et les tirages en latex. Virginie BOTIAUX, notre couturière, travaille le tissu et le cuir, et s’occupe également de tout ce qui est finitions sur les accessoires en latex (doublures, pressions, sangles en cuir…). Ceci nous permet de proposer à notre clientèle un éventail plus large de produits, en proposant également des pièces en cuir et latex.
Enfin, pour ma part je me nomme Marylis RAYNAUD et m’occupe de toute la partie administrative et de la communication.
Création de marionnettes pour une troupe de théâtre
Troupe de cascade équestre Pégase Prod, Frédéric SANABRA
Fabrication de 40 masques (tous peints différemment) pour une bande du Carnaval de Limoux
Création d’un costume d’homme dragon pour une association de Jeu de Rôle italienne
2. Pourriez-vous nous présenter les différentes étapes de la création d’un costume (de la réception de la commande, à la livraison, en passant par l’ensemble des stades de création) ?
Les artisans plasticiens ont des commandes très variées, pouvant aller du simple accessoire commandé sur notre site en ligne www.atelier-fantasticart.com, mais également des commandes personnalisées adaptées au cahier des charges du client. Nous demandons pour cela des visuels, et nous nous lançons directement dans le modelage.La photo du produit, une fois modelé, est envoyée au client, pour validation avant le moulage.
Nos clients sont très hétéroclites, nous travaillons beaucoup pour des particuliers, des associations, des boîtes de production événementielles, des collectivités locales, des artistes du spectacle vivant, et dernièrement, nous avons même eu une commande de l’armée.
L’un de nos clients les plus prestigieux est la société Blizzard Entertainment (World of Warcraft, Starcraft, Diablo…), pour laquelle nous avons fabriqué de nombreux costumes. Ces costumes sont destinés à promouvoir la sortie d’un jeu (ou d’une extension), dans le cadre de soirées événementielles de lancements parfois mondiaux. Chacune de leurs commandes est un nouveau défi, et nous oblige à aller plus loin dans notre savoir-faire. C’est à la fois stressant, mais également très valorisant…
Fabrication du costume d’Arthas pour Blizzard Entertainment, en 4 exemplaires
La création de ce type de costume demande un soin tout particulier. Nous recevons dans un premier temps un grand nombre de visuels en haute définition, que nous faisons imprimer sur tissu à taille réelle pour bien s’imprégner du personnage.
Très souvent, de nombreuses parties de ces costumes sont à modeler indépendamment les unes des autres. Pour modeler, nous utilisons de la terre, ou de la plastiline. Des images sont envoyées au client pour validation. Ensuite, c’est la partie moulage de chacune des pièces. Les moules sont réalisés en plâtre la plupart du temps, ou en silicone, si nous souhaitons « pérenniser » le moule pour faire de multiples tirages à l’intérieur. Les tirages sont réalisés en latex. Certaines parties du costume peuvent cependant ne pas être sculptées dans la terre, mais directement dans de la mousse, afin d’être assemblées une fois latexées, sur le costume.
L’enveloppe interne qui sert de support à toutes ces pièces peut être en lycra ou tout simplement une combinaison néoprène. Le costume est ensuite peint et verni dans une cabine de peinture spécialement aménagée. Viennent enfin les étapes de finition : pose de sangles, pressions, pose de poils, ou de LED si besoin, maquillage…
À certaines étapes, que nous jugeons cruciales, nous faisons des essayages sur une personne, afin de voir les trucs qui « clochent ». C’est absolument nécessaire si nous voulons faire du bon boulot. Le mannequin que choisiront nos clients pour l’événement devra correspondre au plus près des mensurations de notre mannequin à nous ! Chose qui paraît simple, mais ce n’est parfois pas évident à trouver, et surtout, cela peut avoir une incidence sur le rendu final…
Sculpture en terre d’une tête de pandaren
Tirage latex après moulage de la tête en plâtre
Nicolas RAYNAUD
Masque de pandaren après peinture, pose de poils et inclusion de led
3. Pourriez-vous nous parler de vos thèmes de prédilection ?
Nous puisons notre inspiration dans des univers tels que l’héroic fantasy, la science-fiction, les films d’horreur, le médiéval fantastique… Nos films cultes sont par exemple Conan, le Seigneur des Anneaux, Star Wars… Nous baignons toujours dedans depuis que nous sommes gamins, et à l’heure actuelle, on est très friands de séries comme GOT, The Walking Dead, ou Spartacus.
4. Combien peut en moyenne coûter un costume sur mesure ? Avez-vous quelques exemples à nous présenter et quels sont les délais de réalisation ?
Pour ce qui est du coût d’un costume, le budget est très très large; il peut aller de 1 500 euros pour quelque chose d’assez simple, jusqu’à 15 000, voire 20 000 euros si le visuel est très élaboré. Nous essayons, dans la mesure du possible, de nous adapter également au budget du client, pour ne pas passer à côté d’un projet…
Nous pouvons par exemple simplifier nos techniques de fabrication et proposer un costume moins élaboré au client s’il n’a pas le budget que nous avions prévu au départ.
Je me souviens d’un golem de pierre que nous avions fabriqué pour une association de jeu de rôle italienne. Ils ont opté au final pour un demi-costume latex, afin de faire baisser de moitié le prix initial, et le résultat était vraiment surprenant!
L’un de nos costumes favoris est le Drakozaure, que nous avons créé pour des échassiers, le temps de fabrication était très long, plusieurs mois. La moyenne pour un costume complet en latex est de 3 mois, avec 2 à 5 personnes qui interviennent dessus, mais nous n’avons pas toujours ces délais-là, et il faut savoir s’adapter.
Drakozaure fabriqué pour « Magic Wind »
5. Pouvez-vous nous parler de vos plus gros clients comme Blizzard et de leurs différentes commandes (créatures, décors) ?
Blizzard Entertainment a commencé à nous faire travailler en 2008, pour la Blizzard Worldwide Invitational. Nous avons fabriqué pour l’événement le premier costume de Kerrigan, la reine des Zerg. En simultanée, nous présentons un costume de Diablo issu de nos ateliers, pour fêter l’annonce de la sortie de Diablo 3. Nous ne savions pas du tout si nous étions « capables » de répondre à une telle demande, mais nous avons dit oui, et avons fait au mieux…
Costume de Kerrigan Zerg, en comparaison avec le visuel fourni
À l’occasion de la sortie officielle de la seconde extension du jeu World of Warcraft (Wrath of the Lich King), la société Blizzard nous a demandé de réaliser le costume du Roi liche : Arthas. L’occasion pour l’Atelier Fantastic’art de tester de nouvelles techniques de création pour un projet ambitieux. Le challenge était tant un niveau des délais (seulement 5 semaines pour 4 costumes complets du roi liche), qu’au niveau technique. Au final, après quelques semaines de boulot intense, les 4 costumes ont été présentés dans 4 pays différents (France, Royaume-Uni, Allemagne et Espagne).
6. Quelle est, à ce jour, votre création la plus ambitieuse, soit celle qui a représenté le plus grand challenge à vos yeux ?
En 2010, la société Blizzard Entertainment nous a contactés pour nous proposer un projet au-delà de nos attentes. 3 mois de délais pour réaliser 5 costumes complets fidèles aux Marines Terran du jeu Starcraft II.
En plus d’un projet, ce fut également un défi de taille à relever. D’une part, en raison d’un délai assez court, et d’autre part, car ce projet nous demandait beaucoup de main-d’oeuvre au niveau sculpture, mais aussi de mettre au point de nouvelles techniques de réalisation.
Forts de notre expérience et poussés par le désir de réaliser un costume aussi exceptionnel, nous mettons en route la machine créative de l’Atelier, faisant appel à toutes les personnes avec lesquelles nous avons travaillé par le passé pour nous prêter main-forte. Je pense tout particulièrement à Cyril Roquelaine, Sébastien Daussin, Benjamin Guiraud, Franck Musetti, Laura Kouby et bien sûr Benoist Charpentier, sans qui le travail n’aurait pu se concrétiser…
2012, sortie officielle de Mists of Pandaria, le dernier opus de la série World of Warcraft. L’occasion pour l’Atelier Fantastic’art de revenir sur le devant de la scène Blizzard par la réalisation de costumes de la nouvelle race mise en jeu : Les Pandarens.
Semblable à de gros pandas, leur société est inspirée par la culture asiatique et plus principalement les mythes et légendes chinois. Un univers ZEN qui nous a fait stresser à plusieurs reprises. Habitué aux techniques du latex, cette fois, le tissu a été mis à l’honneur. Univers que nous ne maîtrisions que très peu avant l’arrivée de notre couturière officielle.
Costumes de Pandaren, « Mists of Pandaria »
En 2013, c’est la sortie de Starcraft 2 « Heart of the Swarm », et la fabrication de la nouvelle Kerrigan, plus… humaine, pour la soirée de lancement. Ce costume ne semblait pas très complexe à réaliser, mais il était très technique: la combinaison a été assemblée pièce par pièce, très près du corps, et la pose de LEDs sur tout le costume nous a donné du « fil à retordre »
Costume de Kerrigan, « Heart of the Swarm »
Je pense que la création la plus ambitieuse depuis le départ est celle des Marines Terran, sans conteste… Nous avons transpiré jusqu’à la dernière minute, mais nous sommes très contents des images qui ont été réalisées à Moscou, Londres, Paris, Copenhague et Berlin, et surtout très fiers du résultat.
7. Pouvez-vous nous parler de vos relations avec les Cosplayers et l’univers des jeux vidéo ?
Le milieu du jeu vidéo nous a toujours fascinés, la plupart d’entre nous jouent sur PC (en réalité tous, sauf moi^^). Les jeux pratiqués sont WOW et Starcraft bien sûr, mais également d’autres jeux comme Skyrim, Alone in the Dark, Silent Hill ou encore les jeux « bac à sable ».
Nous avons découvert pour la première fois l’univers des cosplayers à la Japan Expo à Paris en 2009. Nous n’étions absolument pas cosplayers nous-mêmes, les seules fois où nous nous costumions c’était sur des GN, ou pour des photos à l’atelier… Cet univers nous a fascinés et intrigués à la fois, même si, au final, il faut bien dire que c’est un délire très « ado », mais toujours bon esprit. Cette fascination est réciproque, car bon nombre de cosplayers sont intéressés par nos produits et nous achètent des petits accessoires pour compléter leurs costumes. Pour les grosses pièces, c’est plus compliqué, car nos tarifs sont assez élevés pour eux, ils n’ont souvent pas le budget nécessaire.
8. Quels sont les événements où il est possible de vous retrouver chaque année ?
Nous retrouvons chaque année notre public de cosplayers à Toulouse, au TGS (Toulouse Game Show), c’est un super salon auquel nous participons avec plaisir chaque année. Cette année, en 2013, nous avons participé au premier Geekopolis, et nous y reviendrons avec plaisir l’an prochain si un second opus se précise.
Chaque année, et ce, depuis environ 7 ans, nous participons également au Festival International du Jeu à Cannes au mois de février. C’est un salon sur lequel sont présentés tous les derniers jeux sortis, et où « l’as d’or » (jeu de l’année) est élu. On peut y aller avec toute la famille, et chacun y trouve son compte, en essayant tous les jeux possibles et imaginables.
9. Quelles sont les personnes ou entreprises avec lesquelles vous aimeriez travailler ?
Nous aimerions travailler pour le cinéma, mais le milieu est très fermé, et malgré quelques connaissances, cela ne s’est jamais fait. Continuer à travailler pour Blizzard Entertainment est également l’un de nos objectifs, et développer de nouveaux costumes pour eux. Nous aimerions également bosser pour d’autres éditeurs de jeu, mais cela ne s’est jamais concrétisé, même si nous avons fait de nombreux devis…
Enfin, nous avons il y a quelques années commencé un partenariat avec des (anciens) concurrents canadiens, pour fabriquer des épées en latex alliant leurs techniques de fabrication à notre créativité: en d’autres termes, nous fabriquons des nouveaux modèles de gardes pour eux, avec nos designs. C’est une collaboration qui nous tient vraiment à coeur et que nous souhaitons consolider à l’avenir. Nous devons développer ce type de travail, et vendre du « design », plutôt que des produits, car la concurrence est importante et que nous ne pouvons pas toujours suivre en terme de production.
Mais le but ultime dans tout ça et notre plus grand projet, c’est de continuer à exercer ce métier-passion le plus longtemps possible!
Voilà, c’est déjà fini… Nous espérons que l’interview vous aura plu ! Merci à Marylis Raynaud et toute l’équipe de l’Atelier-Fantastic’Art qui ont bien voulu nous faire découvrir leur passion. Ce fut plaisant et très instructif. Nous espérons que les années à venir nous permettront de découvrir encore de nombreux costumes pour Blizzard et d’autres studios, car il faut dire ce qui est, cette team déchire !
Auré JDG
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