Que le désir des plaisirs des sens prospèrePour moi comme pour les gens du monde.Seulement, puissè-je les traiter comme ton corps,Sans concept,Seigneur !
Kṣemarāja explique que ce souhait est le fait de qui est marqué par l'empreinte de la vérité en sa totalité. Au lieu de savourer seulement l'Essence durant le recueillement méditatif (nimīlana-samādhi), "les yeux fermés", il la contemple aussi dans les activités ordinaires (vyavahāra), le commerce mondain : prendre, donner, accepter, rejeter, etc. Les choses et les pensées sont alors perçues comme le corps de la conscience, sa manifestation à elle-même. Comme dit un tantra dzogchen, c'est la méditation non de concentration, mais de "nos propres manifestations" (rang snang), jeu naturel et libre. Kṣemarāja dit : "Seigneur ! Puissè-je être intensément attaché aux plaisirs des sens, submergé par eux comme les gens ordinaires. Mais puissè-je les percevoir sans concept, sans dilemme, en une expérience d'où toute séparation a disparue. Puissè-je les percevoir comme étant le corps de la conscience, comme étant constitués de subjectivité".
Durant les âges du corps et de l'esprit,Dans les chemins du souffleEt sur les chemins des pensées,- Bref dans la dualité -,Manifeste-toi clairement comme mon propre Soi !
La conscience en sa liberté ne se révèle pas seulement dans la paix ou le plaisir, mais aussi dans la douleur, la souffrance et autres états de mal être, d'aliénation. Car pour qui l'aliénation est reconnue comme liberté, le mal se transfigure en bien. L'éveil à la conscience de soi est achevé quand la plus profonde félicité est expérimentée dans la plus abjecte douleur. Tout cela n'est pas métaphysique, mais expérimenté "dans les perceptions comme le bleu, etc." précise Kṣemarāja. La dualité ne disparaît pas, mais elle est transmutée sur fond d'unité de conscience.
Que les opérations de mes organesAffectent leurs objets respectifsSelon leur jeu de séduction.Mais, seigneur ! Que pas même un instant, pas même un peu,L'extase de la délectation de l'absence de séparation d'avec toiNe disparaisse !
"jamais", même dans le torrent des pensées et des souvenirs, explique Kṣemarāja. C'est clair.
Guirlande des hymnes à Śiva, VIII, 3-5