Quelles sont, de votre point de vue, les œuvres emblématiques de la Caraïbe ? Celles qui défieront le temps par leur rayonnement en raison de :
- leur inventivité et particularités innovantes
- leur ancrage dans le territoire et ses problématiques
- leur impact sur le public
- leur pedigree, c’est-à-dire leur parcours dans des expositions renommées qui les ont accueillies, les musées, galeries leaders, foires ou biennales qui les ont présentées ou chez les collectionneurs médiatiques qui les ont acquises, mais aussi les articles ou ouvrages qu’elles ont suscités, leurs enchères remarquables.
Certes, chacun à sa liste et qui plus est toute liste demeure évolutive mais c’est de la confrontation de vos listes qu’émergeront les tendances générales.
Ainsi, pour ma part, à titre d’exemples, entre autres, immédiatement La Jungle de Wifredo Lam s’impose.
La jungle
Wifredo Lam
La Jungle est une peinture sur kraft marouflée sur toile que Wifredo Lam (Cuba) a exécuté en vingt jours, entre décembre 1942 et janvier 1943, à son retour à Cuba après son séjour à la Martinique et sa rencontre avec Aimé Césaire. Elle a été achetée par un musée prestigieux, Le MOMA de New – York, après la seconde exposition de Lam à la Pierre Matisse Gallery. Elle a depuis participé à de nombreuses expositions internationales.
Alain Jouffroy considère la Jungle comme la première déclaration plastique révolutionnaire d’un Tiers Monde qui serait déjà conscient de la nécessité d’une mise en commun de toutes les cultures et l’annonce prophétique de cet éveil sur le plan mondial.
Hervé Télémaque
One of our 36 000 Marines
En seconde position Hervé Télémaque (Haïti), figure majeure de la Figuration critique et plus particulièrement sa toile One of our 36 000 marines, adjugée pour 292 000 € chez Christie’s en 2006. Cette toile qui a fait la une du Figaro et de l’Humanité en 1965 évoque un fait d’actualité, l’invasion de la République Dominicaine en 1965.
Le Baron Lacroix de Patrick Vilaire (Haïti), artiste présent en 1989 à l’exposition Magiciens de la Terre puis en 1994 à la XXII ème Biennale de Sao Paulo, exposé ensuite à la Fondation Cartier en 1997 puis en 2007 à Kreyol Factory, a toute sa place.
Baron Lacroix
Patrick Vilaire
Alors que la peinture naïve domine en Haïti depuis les années quarante, Patrick Vilaire et un artisan forgeron de la Croix des Bouquets, Georges Liautaud développent le travail du métal soudé
Peter Minshall (Trinidad & Guyana) est aussi une figure phare.
Peter Minshall
Man Crabe
Il a suivi une formation de scénographe de théâtre. Avec lui, dans les années quatre- vingt, la création plastique et le carnaval se rejoignent. Il révolutionne le concept. Plus de plumes, de paillettes, de sequins … mais un questionnement sur la vie d’aujourd’hui. Man Crab (1983) est une performance ( 2000 participants) qui évoque la destruction de la nature par la vie moderne. Deux personnages s’affrontent, Man Crab animé représente le Mal et Wahwoman, la pureté et l’harmonie. Man Crab se déplace et pendant qu’il agite ses pinces et bras, la soie blanche qui le surplombe se teinte de rouge, de sang …
Kcho
La Regata
Comment ne pas citer Kcho (Cuba) ? Diplômé de l’École Nationale d’Art de Cuba , Kcho s’est fait connaître internationalement lors de la V ème Biennale de La Havane avec son œuvre La Regata (1993- 94), composée de centaines de petits bateaux réalisés en bois, en papier, avec de vieilles chaussures, des coquilles d’œufs, etc. Dès lors, son œuvre s’est caractérisée par l’emploi d’éléments comme le bateau, les rames, les hélices, les pneus. Parmi les prix de Kcho figurent le Prix de l’UNESCO pour la promotion des arts (1995, Genève, Suisse) et le Prix de la IV ème Biennal des Caraïbes, Musée d’Art Moderne (2001, Santo Domingo, République Dominicaine). Parmi ses nombreuses expositions nous pouvons souligner celles réalisées dans la Galerie Nationale du Jeu de Paume (Paris), dans la Barbara Gladstone Gallery (New York), dans le Musée National Centre d’Art Reine Sofia (Madrid) ou dans le Musée National des Beaux- Arts de La Havane.
Cinco carrozas para la historia de Marcos Lora Read (République Dominicaine) déjà présentée dans deux articles de ce blog , A propos de cinco carrozas para la historia du 19 avril 2013 intègre aussi cette liste des œuvres emblématiques de la Caraïbe .
Ensuite Allora et Calzadilla (Porto Rico).Ce couple d’artistes qui vit à Porto Rico Questionne la Globalisation, l’indépendance et le contrôle politique.
Allora&Calzadilla
Landmark4
.
Dans Landmark, série créée avec activistes de Vieques, Porto Rico, ils interrogent la manière dont la terre est marquée: Quelles traces laissons-nous de notre existence sur terre? Pour protester contre les essais de l’armée américaine à Vieques depuis plus de soixante ans au mépris de la santé des habitants, Allora & Calzadilla ont travaillé avec des groupes de résistance afin de créer des semelles de chaussures en caoutchouc portées lors des actions de désobéissance civile. Lorsque des activistes entrés illégalement dans le secteur de bombardement de Vieques –entraînant l’arrêt de bombardement de la journée (ce qui est finalement devenu si coûteux qu’en 2003, le gouvernement américain a acquiescé et fermé la plage) – ils ont laissé derrière les empreintes de messages gravés sur les semelles créées par les résistants. Destinées à être visualisées non pas dans une galerie, mais seulement par le personnel militaire travaillant dans le périmètre de bombardement, les empreintes sont un moyen de reconquérir ce territoire.
Enfin, incontestablement Mare Caribe de Tony Capellan (République Dominicaine), montrée au public à plusieurs reprises comme Fábulas abiertas. Museo de Arte Moderno. Santo Domingo, Dominican Republic. 1996; Island Nations. Museum of Art,Rhode Island School of Design. 2004; Island Thresholds: Contemporary Art from the Caribbean. Peabody Essex Museum, East India Square,Salem. 2005; Kréyol Factory. Parc de la Villette, Paris. 2009; Trienal del Caribe de Santo Domingo. Museo de Arte Moderno. Santo Domingo, Dominican Republic. 2010
Tony Capellan
Mar Caribe
Cette œuvre dénonce à la fois l’envahissement des plages dominicaines par des déchets d’objets dérivés du pétrole et la situation précaire du pays symbolisée par le port majoritaire de la tong.
L’annonciation de Stanley Greaves (Barbade& Guyana), Negerhosen 2000 de Jean Ulrick Desert ( Haïti & Allemagne) ), La libération de Aunt Jemima de Rénée Cox (Jamaïque) , A creole conversation piece de Joscelyn Gardner (Barbade) et pour la Martinique, Restitution de Victor Anicet et certainement bien d’autres font partie aussi des œuvres emblématiques de la Caraïbe. Elles feront l’objet de présentation ultérieure. Vous pouvez participer à l’enrichissement de cette liste.
Envoyez vos propositions argumentées accompagnées d’une image en basse définition par message à Aicasc Facebook