Nous sommes à l’ère du Web 2.0, voire 3.0, et désormais tout se dit et se partage sur le Web. On a ainsi vu fleurir sur les réseaux sociaux des tas de « Super fière de Josué : une distinction ! », « Félicitations à ma toute grande fille qui a eu de superbes résultats pour son CEB !!! 80 % de moyenne ! », « Pas de grands cris de victoire, mais un grand ouf : tout le monde passe ! » et bien d’autres encore.
Comment pourrait-on adresser le moindre reproche à ces parents qui expriment ainsi leur légitime fierté, voire tout simplement leur soulagement, face à la réussite de leurs enfants ? Je peux témoigner combien l’attente des résultats peut être une véritable partie de stress. Quand au bout du compte la délivrance arrive – et c’en est bien une – quoi de plus normal que de vouloir la partager, la crier, la faire savoir au monde entier.
Comment, aussi, ne pas penser à tous ces parents qui n’ont pas la même délivrance, qui au contraire voient tomber sur eux une immense chape de plomb qui ruine toutes leurs espérances ? Cette souffrance – et c’en est bien une – ne peut évidemment qu’être exacerbée devant l’étalement de la réussite des autres.
Dans tous ces messages parentaux, j’ai aimé celui-ci : « Bon, je suis fière de ma fille... parce que c'est la mienne et que quoi qu'elle fasse, c'est la meilleure... mais pour le reste... ». Il y a là tant l’expression de la déception que celle de la confiance.
Arriver au bout de ses études, à quelque niveau que ce soit, n’est pas une sinécure. Sans doute encore plus aujourd’hui qu’hier. Notre culture scolaire est malheureusement fondée sur le fait que pour avoir un bon système scolaire avec un bon niveau, il faut passer par l’échec et le redoublement. Ceux qui ont une approche scientifique de la situation savent que cette idée n’a aucun fondement sérieux. Les systèmes les plus performants sont aussi ceux où le redoublement est le moins présent. Mais allez dire ça à « ceux qui pensent tout bas » et qui s’imaginent donc avoir raison… L’échec fait partie de notre culture éducative. De ce fait, ceux qui se réjouissent – légitimement – de la réussite de leurs enfants se positionnent inévitablement dans la frange de cette élite qu’on essaie de nous faire croire indispensable. Pourtant, ce qui est vraiment indispensable est que chaque enfant, chaque jeune soit amené au maximum de ses possibilités, dans un accompagnement respectueux de son cheminement, aussi tortueux soit-il.
Ce qu’il faudrait, c’est que tout le monde puisse se réjouir en exprimant sa fierté de constater que – grâce à l’accompagnement positif des acteurs éducatifs – son enfant a pu faire encore mieux que ce qu’on croyait possible ! Je suis convaincu qu’en de telles circonstances, la société entière pourrait s’extasier devant la hausse du niveau de connaissance et de compétence de nos jeunes.
On est loin du compte, dans toutes les dimensions de la question.